« La procrastination » de John Perry

Un des grandes questions du blogueur est de savoir pourquoi, il écrit, ou poste des images, du son ou encore des vidéos. C’est un marronnier de blogs. Cette forme d’écriture très ego centrée, se prête bien à ce petit jeu. Une note facile qui permet de palier au manque d’inspiration ou à la fainéantise de produire un travail plus fouillé. J’ai cherché à comprendre ce qui me poussait à écrire et j’ai arrêté de me poser cette question. De façon classique, la réponse survient au détour d’une lecture, comme une évidence.

Je suis un immense procrastineur, depuis tout petit, j’ai toujours préféré rêvasser que faire. Je passe mon temps à perdre du temps. Remettre au lendemain ce que je pourrais faire dans la minute est mon occupation favorite.

J’ai découvert le livre de John Perry, je ne sais plus comment. Le fait est que je l’ai acheté, je l’ai laissé longtemps dans ma pile de livres à lire. J’avais toujours une bonne raison de ne pas le commencer, un roman plus distrayant, un essai plus intéressant, des articles scientifiques, toujours une bonne raison de ne pas commencer ce court texte. Je procrastinais, remettant au lendemain la lecture de ce qui se révélerait être mon caractère. Il est toujours difficile d’affronter ses défauts. Hier soir je m’y suis mis et je n’ai pas laché ce fantastique petit essai.

Seul un procrastineur peut aussi bien décrire ce qu’un procrastineur vit. C’est terrible de se voir mis a nu ainsi, terrible mais aussi rassurant de ne pas être seul. Si vous êtes de ce club du « Ne jamais remettre au lendemain, ce que l’on pourrait faire le surlendemain » (mark Twain) précipitez vous, votre culpabilité va décroitre et vous trouverez quelques pistes pour moins souffrir et surtout éviter de faire trop souffrir votre entourage de ce vice.

Perry décrit si bien ma manière d’être que c’en est inquiétant. J’adore son idée du rangement horizontal. Quand il décrit son bureau c’est le mien… Des papiers étalés partout s’empilant, sauf quand de temps en temps je me décide à ranger, juste pour éviter d’avoir à faire autre chose de plus important. Il aborde tous les terribles aspects de ma personnalité, culpabilité, sentiment de nullité, toujours remettre, remettre et finir par faire soit dans la précipitation, soit en retard, soit souvent jamais. De toute façon, ce que je ferai ne sera jamais aussi bien que ce que je rêvais de faire, alors à quoi bon le faire.

Le procrastinateur structuré parfois passe pour brillant, simplement car il passe un temps infini à s’intéresser à des choses sans relation avec les urgences actuelles. Il est tellement plus amusant de lire des articles sur les ours que de rédiger le premier jet d’un nouveau projet de recherche, ou de relire des articles en cours. Ce fatras accumulé, il arrive parfois qu’il anticipe des attentes et alors c’est la gloire. Mais que de souffrances et de culpabilité à vivre ainsi, j’en sais quelques choses.

Ce philosophe apporte des explications aux non procrastinateurs pour qui nous sommes soit incompréhensibles, soit des êtres démoniaques. C’est une chance dans une équipe d’avoir des procrastinateurs et des non atteints de cette maladie de l’âme. Il peut y avoir une vraie complémentarité, l’indemne donnant un cadre et le malade apporte un peu de sa folie et de son savoir inutile.

Il consacre un chapitre aux relations terribles du procrastinateur à son ordinateur. Quoi de plus terrible pour moi qu’avoir un accès internet, quand je dois rédiger… Ce chapitre est résumé dans ce strip de Dilbert.

procrastination dilbert

Il n’aborde pas l’activité de blog. Après avoir fini le livre, ceci m’est apparu comme un évidence. Pourquoi je bloggue, c’est tout simplement pour avoir une bonne raison de faire autre chose, partager un livre sur la procrastination, présenter une nouvelle classification des MRC, faire un petit jeu, que ce qui est réellement urgent et important pour mon travail. J’en suis sur, mon activité de blogueur est un symptôme de procrastination.

L’écriture de cette note en est un exemple évident. Une mise en abime sans fond, d’ailleurs elle me fait penser à une phrase d’un célèbre philosophe de langue allemande  » Si tu regardes trop longtemps l’abîme, l’abîme aussi regardera en toi. » Plutôt que de rédiger mon projet, ou de lire de la biblio, je ponds ce billet totalement égocentrique et sans intérêt.

J’aime bien avoir des réponses à mes questions métaphysiques à deux balles. De plus Docdu16 pourra rajouter dans sa tentative de topologie du bloggeur médical, le procrastinateur.

Merci Mr John Perry.

J’espère qu’il rajoutera dans une nouvelle version de son livre, l’activité de blogging comme un symptôme de plus de procrastination. Ceci voudra dire que mon intuition ne m’a pas trompé.

 

J’en profite pour un petit hommage tardif à Cecil Womack (RIP Cecil and thanks for the songs)

 

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8 réponses à « La procrastination » de John Perry

  1. B. dit :

    Un ouvrage intéressant sur le thème de l’identité d’auteur : « Être écrivain », de Nathalie Heinich.

    Je me suis longtemps défini comme auteur de « textes longs ». Une identité astreignante qui me permettait de garder à distance un cursus universitaire auquel j’avais du mal à m’identifier. Le format blog s’est finalement imposé de lui-même pendant mes années d’externat, ou aux trames compliquées de SF ou de fantasy (échappement? fuite?) se sont substituées des anecdotes de réalité pure. Et tandis que les textes de fiction que j’écrivais en parallèle se sont raccourcis, le billet de blog a su trouver la niche nécessaire à sa croissance. La forme efficace a rapidement soumis le fond.
    L’évidence est que ce format tout à fait singulier correspond exactement à ce que j’attends, aujourd’hui …, de l’écriture, de ce qu’elle renvoie chez moi, et chez les autres. Parce qu’il y a cette immédiateté et cette spontanéité qui fait que le texte produit trouve rapidement un lecteur, cet écho nécessaire mais non suffisant.

    Encore merci pour ces « billets totalement égocentriques et sans intérêt ».

  2. nfkb dit :

    le seul moment où je range chez moi c’est quand je dois partir, je crois que c’est un des critères diagnostiques majeurs ;^)

  3. john doe dit :

    Je ne crois que vous n’êtes pas tout à fait seul…..
    La lecture de votre procrastinatoire production est plaisamment procrastinatrice dans mon quotidien. Il est vertigineux de constater la masse d’idées et d’activités échappatoires que la simple lecture d’un blog comme le vôtre peut générer.
    Voilà donc bien 10 minutes d’écoulées à ne pas faire autre chose….
    Je pense que je vais acheter le livre, mais vais-je vraiment le lire? Pour les Tee-shirts c’est moins sûr….

  4. doudou13314682 dit :

    procrastination:ultime expression de la liberté dans un quotidien débordant d’obligations factices

  5. Notyl dit :

    Interne, spécialiste de la procrastination universitaire (écrire ma thèse, valider mon DES…), j’ai pourtant du mal à imaginer un PU procrastiner…
    Mais je suis content de voir que cela est possible!

  6. Ping : "La procrastination" John Perry | Suspends ton vol

  7. Tasha dit :

    Je viens de découvrir John Perry dans Tracks et par le hasard du net, votre blog. C’est fou, je n’avais jamais mis de nom sur le mal qui me ronge. En ce moment même, je devrais me mettre à rédiger un article, ça urge, mais en même temps, préparer mes cours urge aussi. Donc me voilà sur le net, tout cela est d’une logique imparable. Et parfaitement d’accord, le blogging est une activité de procrastinateur. J’en suis un exemple de plus.

  8. Ping : Quand le copié corrige la copie… | PerrUche en Automne

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