Dossier 6, ECN 2013, suite et peut être fin…

 

 

J’ai du renoncé aux perles du dossier. J’ai largement expliqué pourquoi. Je les garde au chaud, un jour, elles sortiront peut être. J’avais fait une note de forme. Après les deux mois de rigueur, je vous propose une note qui touche un peu plus le fond.

Je ne me risquerai pas à vous donner la grille officielle, ni à commenter les réponses. Je n’ai pas les compétences pour le faire. Je voudrais juste livrer quelques réflexions qui traduisent à mon avis un problème dans l’enseignement de la médecine de soins primaires en France.

Quand j’avais lu ce dossier, lors de la surveillance, j’étais convaincu qu’il ne serait pas discriminant car trop facile. Ce n’est pas un dossier, mais une série de questions de cours sur la contraception et l’interruption volontaire de grossesse. Je m’attendais à mettre des 80 et 90/100. Quelle ne fut pas ma déception quand la meilleur note que je mis fut un 90/100. Le gros des troupes se trouvant entre 40 et 70. Ceci dénote un vrai problème sur les priorités d’enseignements mais aussi les choix d’apprentissages des étudiants.

La première question portait sur l’IVG, de très nombreux étudiants, 10 à 15% ne connaissaient pas le délai légal de l’IVG (14 semaines aménorrhée). Pour avoir tous les points, il suffisait de mettre ce qu’il y a sur ce site gouvernemental. L’autre chose qui m’a profondément surpris est le nombre encore plus important d’étudiants, qui ne vérifier pas l’existence de la grossesse.  La suite du dossier porte sur les méthodes de contraception et une question sur le dépistage du cancer du sein.

J’ai découvert que ce que je pensais être de la  gynécologie générale de base est mal connue voir inconnue. Aucun étudiant que j’ai corrigé n’a eu tous les points sur le DIU, un seul étudiant à eu tout les points sur la stérilisation, beaucoup d’étudiants veulent faire des mammographies dès 40 ans et tous les ans. Je ne crois pas que ce soit le stress de l’examen, c’est simplement que pour beaucoup ce sujet est négligé, probablement car les enseignants n’insistent pas assez sur son importance. Plus de la moitié des étudiants vont faire de la médecine générale, ils vont être confrontés à ces questions très pratiques, pourquoi tous ne savent pas répondre à ces questions importantes pour une population qui représentera au moins la moitié de leur patientèle, les femmes.

Pourquoi ces choses essentielles, indispensables ne sont pas mieux connues? Pourquoi une telle méconnaissance du DIU? Je suis attristé de ce mépris pour cette activité qui ne semble pas très folichonne mais qui est capitale pour la vie des femmes. Je reconnais bien volontiers qu’étudiant, les histoires de gonzesses, ne me passionnaient pas, que la gynéco me faisait royalement chiée. Je comprends, mais ma position était une connerie.

Il est plus important d’avoir une bonne note à ce dossier qu’à celui sur l’amylose ou savoir diagnostiquer un Von Hippel Lindau. Je suis néphrologue, j’aimerai que tous les étudiants se passionnent pour les glomérulopathies, les troubles hydro-électrolytiques et les maladies rares qui me font vibrer, mais, je le crie haut et fort, il est plus important de savoir répondre aux questions des femmes sur la contraception pour les guider le mieux possible ou savoir prescrire une contraception d’urgence, que de savoir qu’il faut faire un rouge congo pour identifier une amylose. Connaitre les deux, c’est bien, mais franchement, maitriser la contraception sera plus utile à la majorité des futurs médecins et à la société que connaitre l’amylose. Et dieu sait que l’amylose me passionne.

Je suis convaincu que nous n’insistons pas assez sur l’enseignement de pathologies ou de problèmes de santé fréquents. Il faudrait déterminer un noyau dur pour lequel il y aurait une tolérance zéro de l’ignorance. Tout futur médecin devrait maitriser ce cœur de métier. Dans ma spécialité je pense que la question centrale est « que faire devant une augmentation de la créatinine? ». Les anomalies hydroélectrolytiques sont importantes à connaitre, du moins, la natrémie et la kaliémie. Enfin penser à faire une protéinurie devant des œdèmes est un basique trop souvent oublié. Connaitre la hyalinose segmentaire et focale, la GEM, la sclérose tubéreuse de Bourneville, le traitement de la néphropathie lupique, etc. Ce n’est pas vital pour un médecin généraliste.

Il est dommage de mélanger formation et sélection. Ceci bloque toute tentative de hiérarchisation des savoirs en fonction de leur importance pratique. Le couperet de l’ECN oblige à mettre tout au même niveau du moment que c’est au programme, je le regrette depuis longtemps. Peut être que l’ECNi fera un peut bouger les choses, mes espoirs sont modestes.

En attendant, mon conseil est de ne pas négliger ces questions qui en plus d’être essentielles pour la pratique future, peuvent rapporter des points à l’ECN. On peut parfois lier utilité à cours et long terme. Apprenez à prescrire une contraception en ne croyant pas que seule existe la pilule, le sujet est d’importance.

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11 réponses à Dossier 6, ECN 2013, suite et peut être fin…

  1. Mike De Bakey dit :

    et ça donne des rangs limites de médecine interne ahurissants…

  2. B. dit :

    « Il est dommage de mélanger formation et sélection »
    Tout est dit dans cette phrase…

    Merci

  3. Salvan dit :

    Bonjour, on ne sait pas tout à 25/26 ans heureusement. On s’améliore au fil des consultations, avec les patients et les patientes (pour l’IVG la loi a bien du changer 3 fois depuis 1975) et la formation continue est là pour ça aussi !

  4. Farny dit :

    Donc l’internat ne fait pas partie de la formation des médecins…

    • PUautomne dit :

      Je ne pense pas avoir écrit ça. La formation médicale se fait tout au long de la vie du praticien car si les questions restent les mêmes, les réponses évoluent.

      • Farny Boris dit :

        Vous semblez fustiger le manque de connaissance des étudiants sur ce sujet, mais qui est capable d’apprendre par coeur tout ce qu’on nous enseigne? J’ai tellement travaillé au cours de mon externat que j’ai eu le sentiment de gâcher ma vie, et j’ai passé l’ecn au mois de juin en ayant plus très envie d’être médecin (alors que j’étais un des plus motivés parmi mes amis, un des seuls à regretter d’avoir eu une garde ou je pouvais aller dormir parce qu’il ne se passait rien). J’ai profité de tous mes stages pour poser des questions et examiner les gens, tout en trouvant le temps de bosser mes cours, relire l’anat et la physio de l’appareil correspondant à mon stage, ainsi que le Barbara Bates exposant l’examen clinique typique du service. Malgré tout, les 345 items étaient trop nombreux pour moi. Qui est capable de retenir tout ça? Si vous l’êtes, vous êtes une exception. J’ai une intelligence normale, pas plus, et 6 ans c’est trop court pour avaler tout ce qu’on nous enseigne. L’internat est là aussi pour apprendre, à condition qu’il y ait une réelle volonté de former les internes, et pas seulement d’en faire une main d’oeuvre moins chère qu’un PH ou un assistant.

        • PUautomne dit :

          Vous confortez ce que je dis, il suffit de me lire. Je pense qu’on met au même niveau lors de la formation initiale, du fait de l’ECN, des choses importantes à savoir pour ne pas dire capitales et des choses moins importantes pour tout praticien qui fera du soins primaires. Dans une promotion on forme plus de futurs MG que des spécialistes du lupus. Il faut donc définir un bloc de connaissances indispensables et à maitriser parfaitement à la fin du deuxième cycle.
          Ensuite puisque vous m’interpellez, je pense être un très mauvais exemple car j’ai adoré préparer l’internat. Je me suis régalé à apprendre et à faire des liens entre les différentes choses. J’ai passé beaucoup de temps à préparer le concours, sans que ceci ne me pèse réellement. Je suis probablement un peu félé, mais il parait que ceux sont ceux qui laissent passer la lumière, je me rassure comme je peux.

        • K dit :

          « j’ai passé l’ecn au mois de juin en ayant plus très envie d’être médecin »
          Ca me rappelle une conversation que j’ai eu avec un collègue, un peu plus vieux que moi, et à forte vocation. On discutait des internes, et je lui ai dit que j’ai toujours pensé que l’on faisait trop jeune le choix de faire médecins. Il m’a répondu: autrement, personne ne fera ce métier.
          Je ne sais pas comment peut-on faire autrement, mais je reste convaincu qu’à 18 ans on ne peut pas faire ce choix.

  5. Cossino dit :

    Mammographie à partir de 40 ans ! :-((
    Rien que cette phrase m’a mis le blues .
    En lisant cela j’ai le sentiment de ramer à contre courant ( ce n’est pas nouveau)

  6. nfkb (@nfkb) dit :

    Le système a mis en valeur et/ou posé une étiquette d’élite sur ceux qui connaissent les choses rares et peu utile (à l’heure de google et du téléphone…)

    En conf (et je connais ton avis là dessus) je passais mon temps à insister sur les trucs qu’on voit tout le temps en pratique. Les étudiants n’ont pas envie d’y croire. Je devais me battre contre les autres conférenciers qui proposaient des grilles à enculer les mouches à coup de 0,5 points cachés à droite à gauche dans des trucs hyperspécialisés pour se faire mousser.

    L’ECN est vu comme une sélection, pas un apprentissage. Donc les trucs de base comme la contraception, l’anémie, la douleur sont négligés… on regarde les bases comme un seuil déjà dépassé, on est déjà trop fort pour s’intéresser à ça quand on est en D4… c’est con.

    En plus la fac veut que ses étudiants soient bien classés. L’équipe décanale pense que classement et formation sont interchangeables. Merci de rappeler que non, définitivement non.

  7. Dr Dombrowski dit :

    Récemment j’entendais un professeur de pharmacologie dire « S’il existe une malprescription chez le sujet âgé, c’est que nous avons été mauvais quelque part. » Je trouvais que ça partait bien : remise en question de l’enseignement et recherche d’amélioration. Et puis il a continué : « Donc que faire pour que ça change? Déjà qu’on s’aperçoit que les généralistes remettent en cause le dépistage par hémocult et celui de la prostate, alors pffff ». Pourtant le sujet de départ était intéressant et la question posée était de savoir si nous prescrivions trop/pas assez chez les sujets âgés. J’ai trouvé le parallèle maladroit mais finalement plutôt révélateur d’un état d’esprit des professeurs de médecine enseignants : rentrer dans le crâne des médecins des données sans leur apprendre à réfléchir. Si l’enseignement reste aux mains de gens comme ça, , nous continuerons d’aller dans le mur.

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