Quand le NEJM utilise un titre digne de France-Dimanche

Je ne sais pas si vous avez déjà lu France-Dimanche, avant l’arrivée de Voici, Closer et autre revues de haut niveau, c’était une bonne lecture dans la chambre des patients pour l’externe ou l’interne qui s’ennuyait pendant la visite du seigneur et maitre des lieux. Une caractéristique de ce fabuleux hebdomadaire est l’utilisation de titres racoleurs, la lecture de l’article étant toujours une immense déception.

Manifestement le NEJM, qui comme France-dimanche est une référence hospitalière, a choisi d’appliquer la même ligne éditoriale. Ce matin dans la table des matières, je vois ce titre alléchant: « Safety and Efficacy of RNAi Therapy for Transthyretin Amyloidosis ». J’ai été un peu occupé, alors j’ai remis la lecture à plus tard. Je m’attendais à la présentation de données cliniques, par exemple sur la neuropathie. Dans le titre les auteurs parlent d’efficacité sur l’amylose à transthyretine. Pour ceux qu’une revue générale sur cette maladie intéresse, je conseille ça. Je m’attaque donc à cette saine lecture.

Une immense déception m’attendait. L’efficacité ne porte pas sur l’amylose mais sur le taux de transthyrétine circulante. J’ai ressenti le même sentiment de tromperie quand adolescent, la une de France-dimanche m’annonçait des détails croustillants sur la vie sexuelle d’une starlette particulièrement bien de sa personne et qu’il n’y avait qu’une pauvre photo de cette dernière tenant par la main son nouvel amoureux. Le papier est très bien, mais ce n’est qu’une phase 1, sans critère clinique, avec un suivi de quelques semaines après une injection. Heureusement, le produit ne tue pas les participants. Ce n’est que le début, ce n’est pour moi pas même l’ébauche d’un début de preuve d’efficacité. On baisse les taux mais est ce que cette diminution sera suffisante pour améliorer l’état clinique des patients ou prévenir les complications? Je n’en sais rien et je crois que personne n’en sait rien. Nous pouvons l’espérer, mais combien d’espoir en médecine ont été déçu… Le bon titre était «  »Safety and Efficacy of RNAi Therapy to reduce blood transthyretin concentrations ». C’est moins sexy, mais plus proche de la réalité. L‘éditorial compagnon est amusant. L’auteur ne parle que très brièvement et sans emphase de l’étude, comme un clin d’œil de l’éditeur nous disant, nous ne sommes pas dupes, troublant.

Cet article avec son titre est une tromperie, je ne sais pas pourquoi le NEJM publie ça. Je ne vois pas de raisons scientifiques, cliniques. Par contre à 18 heures, le prix de l’action Alnylam Pharmaceuticals a augmenté de 4% au NASDAQ. Si ce papier ne révolutionne pas la littérature médicale au moins il aura permis à quelques actionnaires de voir leur capital enflé.

Quand le NEJM refuse des articles pour des raisons de place et que je vois cet article, je me dis qu’il y a quelque chose qui va mal dans le monde de la littérature bio-médicale. Il avait sa place dans un journal de pharmacologie mais pas là. Ça ne donne pas envie de participer à ce cirque, mais bon c’est mon job.

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6 réponses à Quand le NEJM utilise un titre digne de France-Dimanche

  1. nephrobug dit :

    j’ai une question peut-être bête, mais comment devient-on éditeur d’une grande revue?

  2. docteurdu16 dit :

    Le NEJM est situé au centre des intérêts du lobby pharmaceutique mondial, tant d’un point de vue topographique que financier.
    Il m’y arrive, rarement, d’y lire des articles remarquables mais, très souvent, on sent que les ghost writers de Big Pharma sont à la manoeuvre sans compter les acheteurs d’espace et de tirés-à-part et, comme vous le soulignez, les boursicoteurs.
    Quand je lis parfois des commentaires français parlant du « prestigieux » NEJM je suis toujours prudent et commence par lire les disclosures puis le nom des auteurs. Je m’arrête souvent là même si parfois la partie State of the Art me permet de rafraîchir mes connaissances.
    Merci pour ce papier qui remet les réputations à leur place.

  3. K dit :

    Hallucinant en effet!

    (note à part, merci pour la découverte de Boulgakov)

  4. Maisonneuve dit :

    Merci pour cet article qui rejoint la collection « Quackademics ». Effectivement, le NEJM est une revue qui publie du très bon et du très mauvais. Son surnom est parfois le Pourri Match de la médecine. Son chiffre d’affaires et ses profits sont impressionnants. Voir : http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2012/07/nejm-le-pourri-match-de-la-m%C3%A9decine-.html
    En 2010, le NEJM a publié une étude ouverte de 66 patients en 2 groupes montrant que le Tai Chi était efficace dans la fibromyalgie. Le Washington Post et d’autres ont réagi http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2010/10/un-essai-comparatif-ouvert-avec-66-patients-le-nejm-tombe-bien-bas-.html
    Pour devenir rédacteur d’une grande revue, il y a de nombreux candidats attirés par le pouvoir, sans obligatoirement des qualifications de rédacteurs… Un bon scientifique n’est pas toujours un bon rédacteur et inversement. L’employeur prend la décision, et c’est la « Massachusetts Medical Society » qui a acheté le NEJM en 1921 pour 1 US dollar.

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