« Une vie contre une autre » de Sonia Combe

Voici un livre d’histoire à mettre entre toutes les mains. Un très bel exercice de déconstruction de tous les raccourcis et manipulations qui pervertissent l’histoire quand elle doit rentrer dans le cadre politique du moment. L’approche scientifique, le retour aux sources, toujours la source, permet d’y voir plus clair et rétablit une part de vérité par delà les mythes. Ce livre fait aimer la science, rien que pour cela il faut le lire.

Le sujet, comment survivre dans un camps de concentration et la place des échanges de prisonniers dans les stratégies de survie.

Le texte est d’une immense richesse, facile à lire et parfois passionnant comme un roman. Si vous lisez le prologue, vous ne lâcherez plus le livre, vous voudrez savoir comment il est possible qu’un enfant juif de 3 ans survive à Buchenwald.

Buchenwald n’est pas un camp comme les autres. Les Kapo sont des politiques et non des droits communs. Ceci fait une grande différence. Ce livre montre l’importance des communistes dans la gestion du camp, ces hommes qui pour certains ont vécu pendant 7 ans dans cet enfer.

L’auteur met très bien place la dimension exceptionnelle de l’expérience concentrationnaire. C’est ce qui m’a passionné, le comportement d’hommes face à une situation d’exception. La place des médecins comme faiseurs de survivants est aussi passionnante. Le camp est un lieu où les savoirs pratiques permettent la survie.

L’ouvrage est divisé en deux parties, la première, description du camp et de la vie en ce lieu et la deuxième, comment les mythes se construisent au gré des besoins politiques et comment ces hommes déjà victimes, le deviendront une deuxième fois, puis une troisième fois dans la mémoire décidément très sélective des allemands.

Cette lecture renforce mon idée qu’il est impossible de savoir ce ne nous ferions dans une situation exceptionnelle, à quoi serions nous prêt pour survivre. Il est pour moi impossible de juger le comportement de ces hommes, leurs vies étaient en jeu. Ce qui fait la grandeur de ces résistants de l’intérieur est d’avoir parfois pris des risques pour les autres au nom de conviction politique fortes. Que l’on partage ou pas les idées communistes, on reste admiratif devant une telle détermination,  un sang froid de tous les instants et l’absence de peur de mettre les mains dans la merde. Une leçon de courage et de vie.

Ce livre est émouvant, très émouvant. L’autre thématique qui a retenu mon attention est bien sur la question de la culpabilité du survivant. Il s’agit peut être en fait de honte simplement. Le chapitre « Le sentiment de culpabilité: un « psychomontre » » est vraiment passionnant dans toutes les dimensions, qu’il aborde. La chance, la capacité à ne pas se faire remarquer du SS, faut il privilégier la culture ou la nature pour survivre? Et cette terrible réalité, si ce n’est pas toi ce sera un autre… Le désir de vivre est une chose fascinante, il ne faut jamais le négliger. L’expérience concentrationnaire montre la force de l’élan vital en chacun de nous malgré des conditions hallucinantes.

Je n’ai que de l’empathie pour ces survivants dont certains furent probablement de fieffés salopards mais que ferais je dans un tel cauchemar? Qui suis je pour juger tranquillement assis derrière mon écran? Oui dans le jugement il faut de l’humilité car nous ne pouvons pas savoir ce que nous ferions avec nos beaux sentiments dans cette machine à deshumaniser. Les vrais coupables furent les personnes qui eurent l’idée perverse de construire ces horreurs et qui les firent fonctionner à plein régime.

Une lecture précieuse que j’ai découvert dans la fabrique de l’histoire, merci Monsieur Laurentin.

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