Madame la CNAM faites un petit effort sur les génériques, passons à l’ACI

Les médecins français ne prescrivent pas assez de génériques, les méchants, ils écrivent trop souvent « non substituable », les méchants, les médecins français sont des méchantes filles et des méchants garçons responsables de la faillite de la nation. Fluorette a récemment expliqué comment il est difficile, parfois, de convaincre les patients d’accepter un générique.

Des patients me demandent d’écrire « non substituable », en règle général je discute un peu et je cède vite. Un reproche fréquent est la valse des formes et des couleurs pour une même molécule. Comme je ne prescris pas toujours en DCI, il y a en plus la valse des noms (je me flagelle). Nombreux sont les patients avec une maladie chronique, c’est le cœur de ma pratique la maladie chronique, qui ne regardent plus les boites mais uniquement la forme et la couleur du comprimé. Ils connaissent leurs traitements mais pas les noms. Combien de patients transplantés ou insuffisants rénaux me disent: « oui, vous savez celui qui est comme ci et comme ça, avec ces deux couleurs et un truc écrit dessus, il a encore changé, et l’autre là en forme de triangle et bien maintenant il est carré, je le reconnais plus »? Tout changement de formes, de couleurs devient une bonne raison pour ne pas prendre ou plus grave se tromper.

Alors je ne me bats pas et j’écris « non substituable ». J’espère ainsi qu’ils prendront la bonne molécule. Je me demandais quand un chercheur s’intéresserait à l’impact de ces changements sur la prise médicamenteuse et confirmerait cette intuition clinique d’un effet délétère.

Ce matin, au joie et bonheur,  quand je découvre dans ma boite aux lettres, cet article d’annals of internal medicine. Les auteurs montrent que les changements de forme et de couleurs des génériques ont un impact sur la poursuite du traitement par les patients. Ils se sont intéressés au post infarctus du myocarde et à la prise de trois classes thérapeutiques, statines, bloqueurs du SRAA et béta-bloquants. 30% des patients ont vu une modification d’aspect d’au moins une molécule. Parmi 4573 arrêts de médicaments, un changement de forme et/ou de couleur le précède dans 524 cas, soit une fois tous les 14 arrêts. L’odd ratio de non maintien du traitement est de 1,34 pour un changement de couleur et de 1,66 pour un changement de forme. Cet article montre l’impact non négligeable de ces modifications d’apparences sur l’observance thérapeutique. Ceci n’explique pas l’ensemble du problème mais c’est un élément important à prendre en considération. Il semble assez facile de résoudre ce problème. Une des grandes limites du travail est le non ajustement sur des données socio-économiques, il est sinon peu critiquable. Les résultats observés sont proches de ceux déjà décrits pour les antiépileptiques.

Alors, avant de demander toujours plus de « petits efforts » aux médecins, qui doivent bien sur les poursuivre, il serait bon que les payeurs se penchent sur ce problème si trivial de l’apparence des médicaments. Le fond est important, la forme aussi. Les gouvernements et leurs bras armés réglementaires devraient demander aux différents laboratoires pharmaceutiques que pour une même substance active, l’aspect du comprimé, gélule, pastille, soit stable quelque soit le producteur. Comme le nom de la molécule est unique grâce à la dénomination commune internationale (DCI), sa forme,  couleur seraient toujours les même, on parlerait d’Aspect Commun International (ACI). Je suis sur que pour de nombreux patients ceci éviterait des confusions, autoriserait une meilleure observance et, qui sait, une meilleure adhésion aux génériques.

Médecin, prescrivons en DCI, industrie pharmaceutique, produisez en ACI.

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9 réponses à Madame la CNAM faites un petit effort sur les génériques, passons à l’ACI

  1. Docteurdu16 dit :

    Bonjour,
    Bonne idée impossible.
    Il n’y a pas d’Aspect Commun International.
    La seule solution eût été d’imposer aux firmes une baisse de 90 % du prix des médicaments à l’expiration du brevet.
    Mais les gouvernements ont préféré la régulation néo libérale du marché par les génériques.
    C’est trop tard.

    • Mickey dit :

      Stop le « néo »-libéralisme, la sécu est un système communiste qui tente de survivre et qui se libéralise un peu, hélas en imposant des règles, ce qui est l’opposé du libéralisme.

      le libéralisme te dirait « on s’en fout, tu es libre de prescrire ce que tu veux, même un laxatif si ce peut traiter son diabète »

      pour revenir dans le sujet, je propose également de prescrire en ACI, donc pour madame muche, je lui donne
      – petit rond et rose : 2 par jour
      – gros bleu avec une rayure verte : 2 le matin, 1 le soir
      – gélule jaune fluo et transparente, 2 par jour pendant vingt huit jours

      merci ^^

      • PUautomne dit :

        Pour les immunosuppresseurs pour les patients ne maitrisant pas le français, ce qui est proposé est de faire une prescription avec les photos des médicaments et ça marche pas mal. Concernant le néo-libéralisme, ce qu’il est ou n’est pas je vous conseille une belle introduction par cette émission récente.

  2. OLIVIER dit :

    Risque d’erreur majoré lorsqu’une tierce personne distribue les médicaments, et qu’elle n’a pas préparé le pilulier. L’emballage n’est pas accessible. Le médicament n’est pas identifiable une fois déconditionné. L’erreur n’est pas repérable. Le problème est récurrent dans les foyers d’accueil de personnes handicapées et sans doute dans les EHPAD. En plus, le personnel tourne, on cumule les risques !!

  3. nephrocosme dit :

    L’idée mérite d’être creusée, cependant si l’aspect et la gallénique devraient être identiques, qu’en est il de l’équivalence en terme d’efficacité? A mon sens, la presciption, voire le remplacement systématique des génériques ne se justifieront que lorsque la stricte bio-équivalence pourra nous être assurée. A ma connaissance, ce n’est pas dans le cahier des charges d’un médicament générique puisque la pharmacocinétique peut varier de 20% ! Ca peut avoir son importance avec un immunosuppresseur, une hormonotherapie…

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  5. Tasha dit :

    Point de vue de patiente suite à votre billet. Je n’ai généralement pas de problème quand on me prescrit des génériques, mais le changement d’aspect voire de texture (j’y viens) me pose problème quand il s’agit d’un traitement récurrent. Ainsi, il m’est arrivé TRES souvent de prendre du Solupred (la dernière fois dans le traitement d’attaque d’une poussée de RCH), sous forme oro-dispersible. Le générique fond mal et a mauvais goût. Quand on en prend pendant des semaines, ça compte, croyez-moi. Et puis je refuse de prendre le générique de mon anti-migraineux (un naratriptan): outre que le conditionnement de « l’original » est fait pour être glissé dans un étui qui garantit que l’on ne retrouve pas le précieux comprimé écrasé lorsqu’on en a besoin, je crains la légère différence de rapidité d’efficacité, cruciale dans le cas d’une migraine. Mais je n’exige pas le « non substituable » auprès de mon médecin, je paie la différence. Je comprends parfaitement que pour des traitements au long cours, pour des patients parfois âgés, l’aspect soit très important.

  6. Je tombe sur ta proposition d’ACI en préparant une chronique. J’avais fait la même proposition il y a quelques années : https://www.atoute.org/n/article172.html (mesure 5). Je n’ai pas trouvé de trace de cette mesure de bon sens dans la littérature. Dommage.

  7. Ping : Les changements de couleur ou de forme des médicaments augmentent les risques d'interruption du traitement - Un Sujet

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