Le polystyrène sulfonate de sodium fait diminuer le potassium

Une twittos bien connue avait posé une question.

J’avais un peu réfléchi à ma pratique et je n’avais pas répondu. Je ne trouvais pas de réponse très adaptée sauf de la tambouille. Je savais que rien dans la littérature ne donnait une réponse très intéressante. Je vous avez déjà parlé du Kayexalate, de ses limites et de ses risques. Ce débat est récemment revenu sur le devant de la scène médiatique avec l’arrivée de nouvelles molécules pour diminuer la kaliémie, le patiromer (le premier essai) et le Sodium Zirconium Cyclosilicate. Le patiromer vient de recevoir son AMM sous le nom de Veltassa aux USA. En prime, la FDA lance une alerte sur les interactions entre kayexalate et d’autres médicaments. Le veltassa diminue de moitié l’absorption du lithium et de la thyroxine. Après plus de 60 ans d’utilisation, la FDA se demande si ce phénomène n’existe pas aussi avec le polystyrène sulfonate de sodium. Si un de vos patients sous lévothyrox prend du kayexalate il est probablement de bon ton de lui demander de séparer les prises d’au moins 6 heures.

Heureusement pour Christine, une équipe québécoise vient de publier un article qui va l’aider. Il s’agit d’un essai randomisé en double aveugle monocentrique concernant des patients avec une maladie rénale chronique (DFG autour de 20 ml/mn) avec des kaliémies entre 5 et 5,9 mmol/l. L’intervention est la prise de kayexalate contre placebo (30 g en prise unique) pendant 7 jours. Le placebo est identique pour le  gout au Kayexalate.

Le critère principal d’évaluation est la moyenne de la différence de kaliémie entre J0 et J7.

Le calcul d’effectif prévoyait 38 patients pour voir une différence de 0,5 mmol/l. 33 patients sont randomisés (16 et 17). Il y  un perdu de vue dans chaque bras. Un du aux effets secondaires dans le groupe polystyrène et l’autre dans le groupe placebo en raison d’une hyperkaliémie. Il ne sera analysé que 15 et 16 patients car deux patients, un dans chaque groupe, n’ont pas eu de kaliémie à J7. Comme prévu les deux groupes ne sont pas strictement équivalents. Le DFG est un peu plus bas dans le groupe placebo, 3 ml/mn. Il y a plus de prise d’insuline dans ce groupe (58,8% des patients contre 25%), plus de bêtabloquants, plus de diurétiques de l’anse, plus d’IEC/sartans dans le groupe intervention. Comme vous le voyez, il y a des limites méthodologiques, nombres de patients inclus, patients non analysables et les médicaments interférant avec le potassium sont répartis de façon inhomogène. Il y a un risque que les patients prenant le kayexalate aient plus souvent une hyperkaliémie. Nous nous attendons à un défaut de puissance.

A l’inclusion, la kaliémie est identique entre les deux groupes (5,2 mmol/l) par contre à J7 la kaliémie a diminué de 1,25 mmol/l dans le groupe kayexalate contre 0,21 mmol/l dans le groupe placebo, la différence est significative (p:0,001), l’objectif primaire est atteint. 73% des patients sont normokaliémiques dans le groupe traitement contre 38% des patients. Il y a 3 hypokaliémies dans le groupe kayexalate contre aucune dans le placebo.

Nous pouvons conclure que le kayexalate pris quotidiennement chez des patients avec une insuffisance rénale sévère et une kaliémie peu élevée réduit le potassium sanguin (1 mmol) de façon significative aussi bien statistiquement que cliniquement.

Ce travail est le premier du genre avec le kayexalate. Il est bourré de limites mais il montre que cette molécule est efficace pour diminuer la kaliémie en prise chronique. Ce travail a un immense mérite nous permettre de comparer l’efficacité du kayexalate au patiromer et au zirconium avec des données obtenues en double aveugle.

Pour le Sodium Zirconium Cyclosilicate, le design de l’étude est un peu différent. 3 doses par jour pendant 48 heures et après une dose quotidienne pendant 12 jours. En pratique, plus on en prend plus ça fait diminuer le potassium, 0,76 mmol/l avec la dose de 10 g contre 0,25 mmol/ pour le placebo . Quand on l’arrête le potassium augmente de 0,4-0,5 mmol/l. Vous constatez que cette molécule semble moins efficace que notre bon vieux polystyrène.

zSPour le patiromer, dans l’essai du NEJM, le design est le même que pour le Zirconium, on regarde d’abord si ça fait diminuer le potassium. Ça marche, ici la baisse est d ‘une mmol/l identique au kayexalate dans l’essai québécois, malheureusement sans placebo.

pati1Et dans une deuxième phase, il randomise arrêt contre poursuite chez une centaine de patients. En pratique, poursuivre le patiromer permet de diminuer le risque d’avoir une hyperkaliémie. L’augmentation moyenne après l’arrêt est de 0,78 mmol/l.

pati2Nous allons rapidement finir avec l’essai du JAMA qui ne se compare pas à un placebo, mais évalue différentes doses de patiromer en ouvert. Sur le plan méthodologique il est moins fort que le papier de cJASN mais plus de 300 patients sont randomisés en 6 groupes. Il faut noter que le nombre de sortis d’étude est important, entre 20 et 30%, dont quelques décès. En pratique, ça marche, le potassium diminue. L’ordre de grandeur est à,5 à 1 mmol/l de diminution, pas franchement supérieur au kayexalate. La tolérance ne semble pas meilleure vu le nombre de sortis d’étude.

patiJAMACet article québécois va, j’espère, pousser la FDA à demander un essai randomisé comparant patiromer à kayexalate. Espérons que si la FDA ne l’exige pas, l’EMA aura le bon sens de le demander avant d’accepter un prix de vente de 595$ (556€) pour un mois de traitement. Pour mémoire 30 g de Kayexalate, soit deux mesures, coute 1,90 € ce qui fait  57 € par mois en suivant le protocole québécois. Vu la différence de coût, avant de fixer un prix, je demanderai à voir la supériorité de la molécule.

Je félicite les auteurs d’avoir réalisé ce travail important sur cette vieille molécule. Il permet de savoir que deux mesures de Kayexalate diminue la kaliémie de 1 mmol/l sur une semaine (je pense que l’effet est obtenu en 48h) et relance la question de l’utilisation des nouveaux chélateurs. Christine va pouvoir adapter sa prescription de polystyrène sulfonate de sodium de façon moins empirique.

Il y a probablement de la place pour faire la même chose avec le polystyrène sulfonate de calcium, voir de les comparer.

PS: Le titre de cette note est dédicacée à Docdu16.

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Une réponse à Le polystyrène sulfonate de sodium fait diminuer le potassium

  1. dsl dit :

    Ce qui m’ennuie le plus, c’est de savoir que faire de ces kaliémies entre 4,6 et 5 de découverte fortuite chez un patient. Recontrôler ? Dans combien de temps ? Sans garrot ? Boire davantage ? Enquête alimentaire ? Thérapeutiques en causes ?

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