« L’invasion sans pareille » de Jack London

J’aime bien Jack London, pas tellement celui des histoires du grand Nord, plutôt celui de Martin Eden. Pendant une errance librairophile, j’ai découvert un de ses texte publié chez les éditions du Sonneur. Cette nouvelle est une uchronie.

La Chine en 1976 est devenue un pays majeur avec des visées expansionnistes. Progressivement, elle grignote ses voisins. Les autres nations prisent de peur décident de la détruire en utilisant l’arme bactériologique. L’attaque est couronnée de succès. London décrit avec talent les conditions géopolitiques, la guerre bactériologique et ses conséquences. Ce texte a été écrit en 1910.

Il est troublant. Je l’ai lu avec mon regard de 2016. Il parait prémonitoire de l’ascension économique chinoise. Le talent de London est de décrire non pas une Chine belliqueuse montrant les muscles, mais une Chine atelier du monde, industrieuse et productiviste qui s’étale de façon naturelle. Le texte en 2016 tape très juste.

J’ai imaginé sa réception en 1910, la chine est exsangue, le Japon conquérant, ce texte devait parler au contemporains. Il a du  être totalement oublié, comment imaginer une Chine gagnante dans les années 20 et 30, dans l’après guerre et la période maoïste, un géant sans une économie fiable. Ce texte devait paraitre totalement sans intérêt. London n’avait rien compris. Même en 1976 comment imaginer le succès économique chinois? Quarante ans plus tard, la lecture parait d’une actualité brulante. La Chine semble promise à dominer le monde. La réponse du reste du monde parait bien évidemment totalement improbable.

Il est fascinant est de voir comment l’évolution de l’histoire peut transformer la façon dont nous pouvons appréhender une œuvre de fictions. Ce texte m’a fait penser à tout ces scientifiques qui ont eu raison bien avant leurs prédécesseurs. Il est difficile d’avoir raison avant la mode. En science, comme ailleurs, j’imagine il y a 20 ans les pauvres chercheurs qui déposaient des projets sur le microbiote, combien ont du voir leurs projets refusés par des experts brillants qui disaient qu’ils ne comprenaient rien et que les bactéries du tube digestif ne pouvaient pas faire grand chose. J’en connais un qui regrette un peu d’avoir raté ce train. L’expertise est difficile. Elle devrait rendre humble, malheureusement j’ai l’impression qu’elle rend arrogant et intolérant. Un art difficile que de trouver le bon timing pour sortir du bois et être dans l’ambiance qui vous permettra d’avoir les financements pour travailler. J’aimerai un jour ne pas être à contre temps.

J’aime ce petit texte, il nous rappelle que nous ne décidons pas de notre postérité. J’en profite pour vous conseiller l’écoute de la compagnie des auteurs sur Herman Melville.

« Je préférerai ne pas. »

« I would prefer not to. »

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2 réponses à « L’invasion sans pareille » de Jack London

  1. Jack London…
    Entièrement d’accord avec vous pour l’aspect prémonitoire de son œuvre. Je vous conseille « Le Talon de fer ». Dans les années 80 et avant, ce roman avait un léger goût désuet et suranné. Aujourd’hui, il résonne de façon étonnamment actuelle.
    Quant à votre allusion à « I would prefer not to » dans Bartleby d’Hermann Melville, je vous renvoie à ce qu’en dit Daniel Pennac dans « Comme un roman » et qui est un petit bijou d’humour.

  2. Elio dit :

    Merci pour ce conseil de lecture, vraiment intéressant aujourd’hui. Et dans la foulée, j’ai avalé le Talon de fer, qui est, je pense, du niveau de 1984…
    Bonne journée

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