Il y a quelques semaines, j’ai été invité à parler de magnésium. Je n’ai pas une très grande légitimité sur le sujet sauf celle de m’intéresser à cet ion un peu plus que mes collègues.
Mon coming out me permet de reprendre mes diapositives sans avoir besoin de les modifier ce qui va me faire gagner un peu de temps.
Mes conflits d’intérêts qui n’ont pas de liens avec le sujet. Un petit jeu, pourquoi the Voice en début de présentation? Si ce n’est que cette phrase est d’une actualité jamais démentie.
Un plan, comme je m’adressais à des néphrologues, j’ai essayé de satisfaire tous les sous champs de la spécialité. Pour une revue générale bien faite et récente sur le sujet vous avez la référence dans la diapo.
Quelques généralités sur cet ion proprement fascinant.
Un ion essentiel à de très nombreux processus cellulaires, le magnésium c’est la vie.
Il est très utile pour faire fonctionner vos enzymes, pour ne pas dire indispensable.
Sur cette diapositive vous avez les principaux transporteurs, hors cellules rénales et du tube digestif, de cet ion et ses principaux sites d’action. Ces transporteurs permettent l’entrée et la sortie du magnésium dans les cellules de l’organisme.
Si vous voulez augmenter votre apport en magnésium, il vous faudra choisir les noix en priorités. J’ai découvert que depuis une soixantaine d’années l’appauvrissement des sols en magnésium entraine une diminution de sa concentration dans les fruits et légumes. De plus la transformation des produits, par exemple le passage de la farine complète à la farine blanche fait perdre l’essentiel du magnésium. Pour manger riche en Mg, il faut manger non raffiné.
Vous avez ici le bilan systémique quotidien du magnésium. Le tube digestif permet l’absorption d’un tiers de l’apport quotidien et le rein réabsorbe 96% du Mg filtré.
L’essentiel de l’absorption digestive se fait par voie transcellulaire grâce à TRPM6 (pole apical) et CNNM4 (pole basolatéral). La voie paracellulaire est proportionnelle aux apports. La figure est tirée d’un article de cJASN sur le magnésium.
Le magnésium est un ion étrange car il est peu réabsorbé par le tubule contourné proximal, contrairement à la majorité des autres ions. La BAL joue un rôle critique dans la réabsorption. La voie est essentiellement paracellulaire grâce aux claudines 16 et 19.
Dans le tube contourné distal, c’est TRPM6 et probablement CNNM2, donc une voie transcellulaire qui font la régulation fine.
Sur cette diapositive vous avez les principaux éléments jouant sur le bilan du magnésium au niveau rénal. Si vous stimulez la réabsorption vous augmentez la concentration dans l’organisme, si vous l’inhiber vous avez tendance à être hypomagnésémiant.
Pour évaluer le pool magnésémique de l’organisme, seul le dosage du magnésium total est utile. Le magnésium intra »ce que vous voulez » est inutile. C’est une mesure difficile et cher qui n’apporte strictement rien. Le magnésium libre de la même façon est sans intérêt. En pratique, pas de manque de magnésium, si le magnésium dans le sang n’est pas diminué.
Il pourrait paraitre étrange de s’intéresser au magnésium en transplantation rénale sauf que comme le montre cette figure l’hypomagnésémie à J14 de la transplantation rénale est un phénomène fréquent.
La perte de magnésium est essentiellement rénale en rapport avec les effets des anticalcineurines surtout du tacrolimus sur l’expression de TRPM6. Il existe aussi un défaut d’absorption digestive.
Est ce pertinent de s’intéresser à l’hypomagnésémie du transplanté. Oui, cet article récent de JASN retrouve une relation entre hypomagnésémie et risque de développer un diabète post transplantation. L’hypomagnésémie est responsable d’une insulinorésistance et d’un défaut d’insulinosécrétion. Il reste à montrer que corriger l’hypomagnésémie va permettre de diminuer l’incidence du diabète en post-transplantation. Un beau sujet de recherche clinique.
Un des pb de la transplantation est l’immunosuppression et ses effets secondaires. Une entité nosologique rare est le syndrome X-MEN, une maladie génétique liée à l’X responsable d’infection récurrentes à EBV et de cancers. Ce syndrome est secondaire à des mutation dans le gène codant pour un transporteur de Mg, MagT1. Le défaut d’expression dans le lymphocyte T entraine une immunosuppression responsable de la récurrence des infections virales et de l’apparition de syndromes lymphoprolifératifs. Il existe en plus du déficit T un déficit des NK. Un apport pharmacologique de magnésium, en augmentant la concentration de magnésium intracellulaire, corrige le déficit immunitaire et permet de contrôler la charge virale. Un très bel exemple de l’intérêt de comprendre la physiopathologie des maladies rares pour parfois proposer des traitements simples.
De nombreuses études épidémiologiques ont relancé l’intérêt des néphrologues pour le magnésium. Ces études montrent qu’une baisse du magnésium s’accompagne d’une augmentation de la mortalité chez les patients en dialyse. L’hypomagnésémie vraie n’est pas très fréquente chez l’insuffisant rénal chronique terminale.
Une hypothèse pour expliquer ce sur-risque est le rôle limitant les calcifications vasculaires du magnésium. Ce phénomène passe par de multiples voies comme le montre cette diapositive. Il est intéressant de noter que le magnésium est aussi un inhibiteur de la lithogenèse rénale.
Le magnésium joue aussi un role dans certains troubles du rythme comme la torsade de pointes. Une concentration basse pourrait favoriser la survenue de mort subite par troubles du rythme.
Cet article néerlandais conforte cette idée d’un rôle du magnésium dans la survenue de mort subite chez le dialysé. Encore une fois, il faut démontrer qu’apporter du magnésium prévient le risque de décès.
Un moyen simple de corriger ou de prévenir les hypomagnésémies est d’utiliser un dialysat riche en magnésium évitant ainsi de prescrire des comprimés supplémentaires aux patients.
Une hypomagnésémie est définie par une magnésémie inférieure à 0,7 mmol/l. Les symptomes associés sont présentés en violet dans la partie gauche de la diapositive.
L’hypermagnésémie est définie par une magnésémie supérieure à 1,4 mmol/l. Les manifestations sont en violet dans la partie droite de la diapositive et les causes en bleu. J’ai retrouvé une cause génétique possible, des mutations dans C1QTNF8. En pratique, il s’agit le plus souvent d’erreurs d’apports chez des patients avec une altération de leur fonction rénale.
Si vous voulez faire le diagnostic d’une hypomagnésémie, il vous faut calculer la fraction d’excrétion du magnésium pour déterminer si la perte est rénale ou extra-rénale. Vous aurez aussi besoin du potassium dans le sang et les urines, de la calciurie qui sert à identifier le lieu de la perte rénale et enfin la calcémie et la PTH.
Pour les causes extra-rénales, en dehors des diarrhées chroniques, il faut retenir les IPP.
Pour les pertes rénales, vous distinguerez les causes génétiques, des causes acquises. Les médicaments restent les leaders pour ces dernières.
Vous avez ici une liste presque complète, j’ai remis les IPP bien que leur mode d’action soit un défaut d’absorption digestive. Mais ceci permet d’avoir sur une diapositive tout les médicaments hypomagnésémiants.
Vous avez ici les maladies génétiques responsable d’hypomagnésémie, en gras celles où il s’agit de la manifestation principale.
Dans ces deux études observationnelles, l’hypomagnésémie est un facteur de risque de survenue d’une maladie rénale chronique et de faillite rénale. Il est impossible de dire si il y a un lien de causalité ou si l’hypomagnésémie traduit simplement la présence d’une maladie rénale progressant vers l’IRC.
L’hypomagnésémie n’est pas un problème majeur chez les insuffisants rénaux chroniques. Mais c’était avant les IPP, comme vous le savez, il semblerait que l’utilisation des IPP soit associé au risque de développer une IRC. Le magnésium pourrait être le lien…
Pour vous montrez à quel point cet ion n’a pas fini de se révéler surprenant. Cet article qui montre qu’un transporteur cellulaire du Mg n’entraine pas d’anomalie de la magnésémie mais par contre une néphrite interstitielle chronique. Le lien mécanistique n’est pas claire entre anomalie de la concentration en magnésium cellulaire et insuffisance rénale, mais il fournit un rationnel entre hypomagnésémie et risque d’IRC.
Je vais finir par une histoire que j’ai déjà raconté ici.
N’oubliez jamais de mesurer la FE du magnésium pour explorer une hypomagnésémie et pensez toujours au médicament comme coupable.
Je finirai avec cet article qu’il faut absolument lire pour mesurer à quel point le magnésium est un cation essentiel à la vie. Ce papier montre de façon élégante que les variations de concentrations intracellulaires du magnésium permettent de rythmer l’activité cellulaire en suivant le rythme jour/nuit. L’entrée intracellulaire en veille permet de stimuler le métabolisme et la synthèse des protéines. Le magnésium serait le gardien de l’horloge circadienne cellulaire.
J’espère vous avoir convaincu de vous intéressez à la magnésémie.
Pour la réponse à mon jeu stupide:
Bonjour
Votre billet m’a « fasciné ».
J’avoue malgré tout que toute la partie spécifiquement « néphro » je l’ai, en tant que médecin généraliste « sauté ».
Par contre vous m’avez appris des choses essentielles.
J’avais oublié l’importance du magnésium comme co-facteur enzymatique mais ne suis pas surpris, notre fonctionnement est si complexe.
Je savais, que notre alimentation s’était très nettement affaiblit depuis pas mal d’années en vitamine et minéraux. Or nous en avons besoin comme vous le démontrez pour le magnésium.
Cet appauvrissement ne peut pas être sans conséquence quand on sait que ce que nous sommes est le résultat d’adaptations qui remontent à des millions d’années.
Vous écrivez : « L’hypomagnésémie est responsable d’une insulinorésistance et d’un défaut d’insulinosécrétion. »
On ne peut pas ne pas faire le lien avec l’épidémie d’obésité et de diabète qui explose dans le monde d’aujourd’hui.
Cependant, corrélation ne fait pas causalité .
Il n’empêche que je suis interpellé.
Mais comment en tirer une conduite à tenir quand le peu d’études sur la prise de compléments alimentaires et l’amélioration de la santé; sont peu concluantes.
Un autre élément devrait être connu de tous les médecins et que vous présentez : l’hypomagnésie conséquence de la prise d’ IPP.. Personnellement je ne le savais pas .
Quand on sait le nombre de personnes qui en prennent souvent de façon continue et sur des années, c’est parfaitement inquiétant car tous n’ont pas une symptomatologie bruyante dont vous présentez des cas.
Mais pour aller plus loin, combien de médecins ont conscience que chaque médicament qu’ils prescrivent ont des effets secondaires. Intellectuellement, ils le savent, mais leurs pratiques montrent qu’ils en tiennent rarement compte .
Encore merci d’avoir partagé cet article qui m’a permis d’apprendre quelque chose que je ne savait pas bien que médecin généraliste nutritionniste.