Troponine et insuffisance rénale chronique

Cardiologues et néphrologues ont parfois du mal à se comprendre. Un des sujets de discussions les plus chauds est la signification de l’élévation de la troponine chez un patient avec une insuffisance rénale chronique. Combien de discussions sans fin et non satisfaisantes au sujet d’un patient qui voit sa troponine augmentée avec la certitude du néphrologue qu’il se passe quelques choses au niveau cardiaque et la réponse dédaigneuse du cardiologue, « c’est l’insuffisance rénale ». Quand on tape dans google: « troponin interpretation » en premier, sort ce papier. Où on retrouve parmi les causes d’augmentation de la troponine, l’insuffisance rénale. En passant, j’ai trouvé ce remarquable article et sa version abrégée sur l’interprétation de la troponine, que je conseille fortement de lire. Sinon, comme le montre cet article le fait d’avoir une troponine élevée chez un patient avec une altération du DFG est très prédictif d’une coronaropathie, ce type d’articles il y en a beaucoup.

Les insuffisants rénaux chroniques ont souvent une troponine élevée (on parlera ici de cTnT). Est ce que cette augmentation traduit un excès de la production, en pratique un problème cardiaque, ou une accumulation liée à un défaut d’élimination du fait de la réduction du DFG? L’option 2 est la chouchou des cardiologues surtout de garde, car elle permet une réponse rapide et stéréotypée. Je ne leur jette pas la pierre, car avec les augmentation de créatinine nous pouvons aussi être très laconique, pour ne pas dire peu agréable. Il n’empêche nous devons trancher.

Un groupe néerlandais vient de répondre de façon très élégante à la question. La cTnT a un rythme nycthéméral, elle augmente la nuit et diminue le jour. L’hypothèse des auteurs est: si au cours de l’insuffisance rénale, il y a un défaut d’élimination de la troponine, le rythme nycthéméral devrait s’estomper. Par contre, si il y a bien une augmentation de production, le rythme nycthéméral devrait être superposable à celui de sujet sans IRC.

Les auteurs ont mesuré la troponine (cTnT) toutes les heures pendant 24 heures, chez 44 personnes: 20 contrôles (16 hommes, 4 femmes; DFGe médian: 82.8 mL·min−1·1.73 m−2 [68.0–92.7 mL·min−1·1.73 m−2]) et 24 personnes avec une altération de la fonction rénale (DFGe <60 mL·min−1·1.73 m−2; 17 hommes, 7 femmes; DFGe médian: 18.3 mL·min−1·1.73 m−2 [14.2–32.2 mL·min−1·1.73 m−2]). Ils ont utilisé un modèle mathématique, pour prédire ce que devrait être la modification du rythme en cas de défaut d’élimination de 80%. Ils ont comparé, le rythme circadien des contrôles, du modèle IRC et la réalité des IRC.

La troponine est plus haute chez les patients avec une altération du DFG, concentration médiane de 20.5 ng/L [18.0–24.6 ng/L] contre 14.1 ng/L [10.4–20.6 ng/L], p<0,009.

La figure de l’article se passe de toute explication.

Le rythme circadien n’est pas modifié par la baisse du DFG. Contrôles et insuffisant rénaux ont la même courbe. Il est ainsi possible de conclure que l’augmentation de la cTnT observée au cours de l’insuffisance rénale chronique n’est pas du à un défaut d’élimination de la troponine mais à une augmentation de sa production.

Les patients avec une maladie rénale chronique sont à haut risque cardiovasculaire. L’augmentation de la troponine doit donc être interprétée à la vue de ce risque. Elle ne traduit pas forcément une coronaropathie, mais suggère une atteinte cardiaque. Il ne faut pas les négliger, surtout si l’augmentation est brutale et importante…

Un papier à garder par tous les néphrologues faisant des gardes et astreintes pour discuter tranquillement avec nos amis cardiologues, indispensables à la prise en charge de nos patients qui présentent si souvent des problèmes cardiovasculaires.

Je vous parlerai, peut être, un jour de l’anticoagulation des fibrillations auriculaires chez les patients avec une MRC stade 5, autre sujet particulièrement complexe et sujet à débat entre néphrologues et cardiologues.

En attendant, ami cardiologue plus jamais tu ne diras: « c’est l’insuffisance rénale » devant une augmentation de la troponine.

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Une réponse à Troponine et insuffisance rénale chronique

  1. Doudou13314682 dit :

    Well le sac de noeuds est toujours vivant la troponine us une calamité et la stratégie d’exploration/surveillance des patients à très haut risque asymptomatique quelque soit leur comorbidité toujours confuse personne ne se risquant ( ne pouvant financer) une étude controlée

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