Dialyse et sans papiers, comment les prendre en charge?

La prise en charge en hémodialyse des personnes sans papiers est un véritable sujet. Comme tous les pays, les USA rencontrent ce problème. Il y a soit la possibilité de traiter ses patients comme les autres (3 séances par semaine) soit de ne faire que de l’hémodialyse en urgence (les règles sont variables en fonction des états). Personne n’avait comparer ces deux approches sur la survie des patients. Ce vide scientifique est rempli par cet article.

Les auteurs ont comparé la survie à 1 an, 3 ans et 5 ans de patients sans papiers recevant soit un traitement conventionnel dans un centre, soit de l’hémodialyse en urgence dans deux centres. Ils ont inclus 211 patients dans leur analyse, 44 reçoivent un traitement standard, les autres rentrent dans un programme uniquement d’urgence. Il s’agit d’hommes dans la majorité, relativement jeunes (age moyen inférieur à 50 ans) avec des comorbidités non négligeables dans les deux groupes. Les patients du groupe urgence sont plus anémiques, moins bien nourris reflétant l’absence de suivi pré dialyse. Il dialyse plus souvent avec un cathéter. Un score de propension est utilisé pour tenter de lisser les différences.

Le résultat principal est dans la figure suivante (en abcisse le temps, en ordonnée la mortalité cumulée). Vous voyez bien dans le groupe urgence, à 3 ans pré de 30% sont morts et à 5 ans on est dans les 60% de mortalité.

A cinq ans, les patients du groupe urgence ont 14 fois plus de chance de mourir que ceux du groupe standard. L’intervalle de confiance est très large mais c’est significatif.

Ils sont aussi dix fois plus hospitalisés. Il n’y a pas d’analyse économique malheureusement pour alimenter cet aspect de la discussion. Après, combien coute une vie humaine?

Cet article a le mérite de montrer que dialyser 3 fois par semaine sur un programme régulier, c’est mieux pour la survie. Ceci permet de rappeler, en passant, que la dialyse est un traitement efficient de l’insuffisance rénale chronique terminale. Bien dialyser c’est mieux que mal dialyser.

Une fois le constat fait par les médecins que faisons nous ? Pouvons nous raisonnablement proposer à des patients des programmes de dialyse uniquement en urgence? Même pour des périodes courtes? Médicalement avec cet article publié, il me parait difficile de défendre cette position du « on dialyse qu’en urgence ». La balle est dans le camps des payeurs, dans le camps du politique, dans le camps des citoyens. Acceptons nous de dépenser de l’argent pour des personnes venant sans papier dans notre pays pour des soins qui coutent chers ou le refusons nous, en sachant que nous les exposons à une augmentation du risque de mourir?

Je trouve le débat intéressant.

Ma position de médecin est de défendre un accès universel au soin.

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2 réponses à Dialyse et sans papiers, comment les prendre en charge?

  1. b2c dit :

    Bravo pour votre site que je lis très régulièrement depuis… 1 mois.
    Une petite remarque concernant cet article : je suis toujours gêné de lire que les patients ont « 14 fois plus de chance de mourir ». Je veux bien croire que les personnes concernées soient désespérées, mais à ce point… 🙂
    Longue vie à ce blog

  2. NoTill dit :

    Cette position, la vôtre, la mienne, n’est-elle pas une obligation déontologique de tout médecin ?

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