O. 18 ans

Blessure du manque, toujours là, refermée mais sensible. Oubli impossible et non désiré. Histoire toujours actuelle, étirée, pas assez de dits, trop d’écrits. Crainte de la fermeture qui deviendrait trahison de l’absence. Tristesse et joie. Lieux du Nord au Sud. 2003-2021. 5 sœurs. La vie et la mort. Attendre que le temps passe. Bonheur du rire d’un enfant. Le tien ne résonnera jamais. Manque de toi. Je pense à toi mon fils absent éternel qui m’accompagne depuis 18 ans.

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Wakefield ou la question des choix étranges

J’ai lu un remarquable essai d’Alberto Manguel « Monstres Fabuleux: Dracula, Alice, Superman et autres amis littéraires ». Ce genre de livres vous permet de parler de livres que vous n’avez jamais lus, d’avoir un autre point de vue sur vos héros et de découvrir de nouveaux auteurs ou textes. Une saine lecture comme vous pouvez le constater. Le dernier monstre de Manguel est « Wakefield ». Je me doutais qu’il ne s’agissait pas de notre antiVax préféré. Il s’agit d’une nouvelle de Nathaniel Hawthorne que je n’ai jamais lue (vous voyez le rapport avec parler de livres que vous n’avez jamais lus). Le thème est troublant. Le héros, Wakefield, quitte un jour sa femme et son domicile pour aller habiter une rue plus loin et passer vingt ans à observer cette dernière avant de revenir comme si de rien n’était. J’ai très envie de lire cette nouvelle.

J’ai pensé à Andrew Wakefield qui est probablement une des personnes qui a fait le plus de mal à la vaccination contre la rougeole et à la vaccination en général. La page wikipedia en anglais est remarquable pour mesurer combien ce monsieur a été un escroc. L’histoire a été très bien racontée par Brian Deer dans le BMJ en 2011, ça se lit comme un roman policier. Je me suis toujours demandé ce qui a fait diverger Wakefield de sa carrière de chirurgien puis de scientifique pour devenir un charlatanesque lanceur d’alerte puis une icône du complotisme. Contrairement au héros de Hawthorne, il ne reviendra pas à la maison.

Je trouve fascinant ces personnes qui font un choix étrange, inattendu, qui n’a rien à voir avec leur biographie. Ce n’est pas si fréquent. AW est un personnage romanesque. Je suis étonné qu’aucun cinéaste ne ce soit emparé de cette histoire fascinante. Je vous conseille vraiment de regarder la mécanique derrière les actions de ce triste sire. Vous en apprendrez beaucoup sur la mécanique du complotisme antivax, mélange de convictions, d’appâts du gains, de la gloire et à la fin incapacité à revenir en arrière et bascule dans un autre monde.

Pour le Wakefield de papier, le départ est déroutant, mais peut se comprendre, envie de prendre du recul, de savoir ce qu’il se déroule quand on est pas là, la date du retour qui passe, savoir comment l’inquiétude va être vécue, que va faire sa femme, puis à force d’attendre la difficulté à revenir. Le plus étonnant dans cette nouvelle est le retour au foyer conjugal 20 ans après, sans explication, sans rien. C’est le plus incompréhensible et ce qui explique la fascination que ce texte a engendré. Il ne se passe rien et pourtant vous êtes fasciné par le rien, comme dans le Bartelby de Melville. Vous vous interrogez sur vous, ce que vous feriez ou pas. La littérature nous laisse parfois dans des abîmes de perplexité. I would prefer not to. Bien souvent, ces personnages peu remarquables nous interrogent plus que les héroïques. Quoiqu’il faille un sacré courage pour revenir après 20 ans de disparition… Le Wakefield antivax pourrait en prendre de la graine.

Manguel s’essaye a des interprétations, ce que je ne me risquerai pas à faire sans avoir lu la nouvelle. A la fin de son texte, il rapporte un conte de Roumi:

L’ange de la mort
Un matin, un homme se présenta au palais du Roi Salomon à Jérusalem, l’air hagard et les cheveux en bataille.
– Je t’en supplie, grand Roi Salomon. Aide-moi à quitter cette ville sur le champ !
– Mais que crains-tu donc ?
– Ce matin, au marché, j’ai rencontré Azraël, l’ange de la mort et il m’a jeté un regard qui m’a glacé le sang. Je suis sur qu’il est venu ici pour me prendre ! Aide-moi ! Commande au vent de m’emporter jusqu’en Inde pour le salut de mon âme.
Plein de compassion, Salomon commanda donc au vent de porter l’homme jusqu’en Inde. Dans l’après-midi, il se rend au marché à la recherche d’Azraël. Il le reconnaît sans peine et l’interroge :
– Mais pourquoi donc as-tu effrayé ce pauvre homme ? Tu lui as fait si peur qu’il en a quitté sa patrie !
– Cet homme s’est mépris, lui répondit Azraël. Je ne l’ai pas regardé avec colère, mais avec étonnement. J’ai reçu l’ordre d’aller le chercher ce soir-même en Inde. Et je me suis demandé : comment pourrait-il, à moins d’avoir des ailes, y être dans la soirée ?

Je trouve cette petite histoire très intéressante et édifiante. La mort est inéluctable et croire que nous pouvons y échapper est une folie, c’est la leçon qui parait évidente. J’y vois une autre lecture possible et moins métaphysique mais tout aussi importante pour le médecin.

Salomon s’interroge sur la raison de la terreur de l’homme après avoir agi et ainsi le précipite dans les bras d’Azraël. Le parallèle avec le médecin qui ne fait que du symptomatique sans essayer d’avoir la cause du mal, me parait évident. Peut être que sur le moment pour soulager la douleur, l’angoisse de l’homme souffrant c’est bien, mais ne pas réfléchir un minimum à la cause peut être dramatique. Je pense toujours à la princesse aux céphalées dans ces moments là. Cette pandémie a été/est le lieu de toutes les approximations, porte ouverte à la croyance en la parole d’experts autoproclamés et de vendeurs de miracles thérapeutiques ne reposant que sur leur génie génial. Ils sont tous des Salomons faisant le jeu de l’Azraêl covidien. Plutôt que d’attendre des essais de bonne facture méthodologique et leurs publications, nous nous sommes précipités dans l’a peu prêt thérapeutique, dans l’analyse des preprints, oubliant que notre rôle de médecin est de prendre du recul et de ne prescrire qu’en étant sur, autant que faire se peut, que ce nous proposons comme remède ne sera pas pire que le mal. Quand je vois l’emballement pour la colchicine, je réalise que nous n’apprenons rien, un petit communiqué de presse et demain, nous sommes tous prêts à prescrire ce gentil poison du fuseau, qui n’est pas du tout dénué d’effets secondaires. Même l’histoire récente qui est encore de l’actualité n’arrive pas à contrôler notre réflexe face à la peur de la mort qui est de faire un peu n’importe quoi sans réfléchir, sans se poser quelques instants pour analyser les résultats et leur pertinence. Mon conseil aux jeunes médecins, quand vous commencez à avoir peur face à l’individu malade que vous devez soigner, après avoir utilisé votre arc réflexe monosynaptique pour éviter qu’il ne meure devant vous, posez vous, réfléchissez, mobilisez vos neurones, vos connaissances pour faire fuir la pétoche qui est la plus mauvaise des conseillères dans le soin et n’hésitez pas à demander de l’aide aux plus expérimentés.

Le principal enseignement de la médecine basée sur les preuves est bien cela, la patience et l’importance de l’accumulation des données allant dans le même sens avant de se précipiter. Nous sommes dans une société de la vitesse qui ne fait pas bon ménage avec notre humanité au sens de la physiologie. Pour tester une molécule rien ne remplacera avant un bon bout de temps un essai randomisé contrôlé contre le standard de soins pour répondre à la question, surtout dans des pathologies fréquentes avec une mortalité peu importante. Le conte de Rumi nous rappelle qu’avant de proposer une thérapeutique, faire l’histoire de la maladie et avoir un diagnostic est capital.

Wakefield m’aura emmené assez loin du point de départ, parfois se laisser porter par ses réflexions vous retient loin de chez vous, pas 20 ans quand même. La littérature a cette puissance de nous apporter des pistes de réflexions insoupçonnées. La lecture des romans est une très saine activité en ces temps troublés, plus que l’utilisation effrénée des réseaux sociaux.

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Hypertension artérielle et Maladie Rénale Chronique

Pour le cours de DES local de néphrologie, j’ai traité de l’hypertension artérielle en néphrologie. Je ne suis pas un spécialiste du sujet. J’ai un peu lu du coup et j’ai trouvé ça très intéressant. Je partage avec vous mon support de cours. Si il y a des questions, des remarques, les commentaires sont ouverts.

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L’embolie pulmonaire et la bandelette urinaire

Il était une fois un preux chevalier, d’une trentaine d’années, qui depuis une quinzaine de jours se trouvait essoufflé. Il décida de consulter son hospice préféré où le diagnostic d’embolie pulmonaire fut porté.

Cette embolie pulmonaire fut thrombolysée avec succès. Un bilan de thrombophilie fut réalisé et ne retrouva qu’une diminution de l’antithrombine qui devait être recontrôlée. Le doppler ne retrouva pas de thrombose des membres inférieurs. Le chevalier sortit avec un xaban. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Malheureusement ou heureusement, le conteur n’arrive pas encore à trancher, notre chevalier décida que la prise quotidienne de cette médecine était lassante et il passa à une prise tous les trois jours.

Deux mois après le première épisode, l’essoufflement recommença et il retourna dans son hospice de référence. Et devant la même conséquence, la même cause fut retrouvée, une nouvelle embolie pulmonaire qui refut thrombolysée.

Il fut copieuse admonesté par le cardioguérisseur. Le xaban fut repris. Sur un bilan biologique, une valeur attira l’oeil d’un apprenti. Il y avait une albuminémie à 19 g/l, normalement elle est entre 35 et 45 g/l. Il eut la bonne idée, entre deux échographies cardiaques, de demander la recherche d’une protéinurie (merci formation initiale généraliste). Au miracle, il y avait plus de 6 g d’albumine par litre d’urine. La normale est inférieure à 30 mg/l. Le chevalier a un syndrome néphrotique. Le rein au lieu de retenir les protéines dans le sang les laisse passer dans les urines. Ceci active la cascade de coagulation et augmente fortement le risque de thrombose veineuse en particulier au niveau des veines rénales. Une nouvelle imagerie fut réalisée.

De façon non inattendue, une thrombose partielle de la veine rénale gauche fut retrouvée probablement à l’origine des embolies pulmonaires. La question suivante est l’origine du syndrome néphrotique. L’enjeu est important. Certaines pathologies peuvent progresser vers la dégradation de la fonction rénale et peut être prévenue par une prise en charge adaptée. L’identification d’une cause peut permettre en traitant la cause de réduire la durée de l’anticoagulation. Une surveillance régulière de la protéinurie pourra aussi identifier le risque de récidive thrombotique. Le chevalier présente une protéinurie très abondante.

Il existe aussi une hématurie microscopique, cliniquement de discrets œdèmes des membres inférieurs et une hypertension artérielle. Pour avoir la cause du syndrome néphrotique, le gold standard reste la biopsie rénale. Il paraissait difficile devant deux épisodes d’embolie plus un thrombus dans la veine rénale gauche de réaliser ce geste. L’arrêt même court de l’anticoagulation n’était pas raisonnable. Dans le cas particulier, le tableau clinico-biologique faisait évoquer avant tout une glomérulite extramembraneuse (GEM). C’est la plus athérogène des glomérulopathies. Il s’agit d’une maladie dite auto-immune. Un anticorps reconnait une protéine sur le podocyte, une des cellules du filtre qui empêche l’albumine de passer dans les urines, et en le lésant va faire des trous dans le filtre laissant passer les protéines sanguines. Nous avons recherché un anticorps antiPLA2R qui est responsable de 75% des cas de GEM. Comme la vie est bien faite, le test est positif. Le diagnostic final est une glomérulite extramembraneuse PLA2R+ compliquée d’une embolie pulmonaire et d’une thrombose de la veine rénale gauche. Nous avons pu lui proposer un traitement spécifique en plus du changement d’anticoagulant.

J’ai regardé par pure curiosité la biologie lors du premier épisode d’embolie pulmonaire. Le chevalier avait déjà une albuminémie à 24 g/l et une hématurie microscopique, malheureusement nous n’avons pas de protéinurie. Ces petites anomalies auraient du pousser à la réalisation d’une protéinurie ou au minimum d’une bandelette urinaire. La cholestérolémie est ainsi passée de 9 mmol/l à 12 mmol/l, ce qui s’intègre probablement dans le cadre du syndrome néphrotique.

Quelle leçon retirer de cette fable? Ce patient a bénéficié d’une remarquable technicité avec de la fibrinolyse in situ, de multiples imageries cardiaques de grand qualité des passages en réanimation et soins intensifs. Il a été sauvé par les progrès de la cardiologie. Je trouve dommage de faire le diagnostic de sa néphropathie qui est responsable de l’embolie pulmonaire deux mois après les premières manifestations, d’autant plus que nous avons des approches thérapeutiques efficaces pour prendre en charge d’une GEM.

Mon rêve est que chaque patient qui présente un accident thromboembolique bénéficie au moins d’une bandelette urinaire et au mieux d’un dépistage de la protéinurie par le calcul du ratio protéine/ créatinine sur les premières urines du matin. Une bandelette urinaire coûte moins de un euro, un coût marginal, mais qui peut avoir un retentissement important en terme de prise en charge.

La morale sera « Quand une embolie pulmonaire tu vois, sans attendre, une bandelette urinaire tu feras. »

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Outils et usages, une éternelle question

J’écoute régulièrement, je le concède dès qu’il sort dans mon lecteur de podcast, l’excellent Xavier de La Porte et son code a changé. Toutes les émissions sont remarquable avec des invités qui connaissent leur sujet et un interviewer toujours pertinent. Je vous conseille si ce n’est pas déjà fait d’écouter toutes ces émissions. Elles tracent un passionnant panorama de notre mode numérique si réel, si peu virtuel, et posent des questions vertigineuses sur le digital, que ce soit ses infrastructures (une histoire de pylône juste hallucinante), ses outils et ses usages. Si vous voulez un peu mieux comprendre ce monde où vous êtes immergés, il faut les écouter.

La dernière sur la soit disant fabrique des crétins digitaux est indispensable pour tous ceux qui ont des ados à la maison connecté 18h sur 24h et qui avec le courant mainstream réactionnaire s’inquiète pour les neurones de leur progéniture. Personnellement, j’ai arrêté il y a bien longtemps de me battre sur ce sujet, sauf pour les repas. Les raisons? Je me souviens à leur age passer un temps infini à regarder des séries débiles à la télévision et à lire de la SF. Ce temps que l’ensemble de la société voyait comme gâché m’a construit avec mes défauts et mes qualités, ne m’a pas empêché de faire des études et de m’intéresser à d’autres choses. Je suis même sur que la télévision a entretenu ma curiosité. J’aime toujours autant la SF et plus du tout les séries, probablement depuis qu’elles sont devenues intelligentes. J’ai du mal à reprocher un comportement que j’avais. Une seconde raison est ma consommation d’écran qui peut être vu comme non raisonnable par certains. Depuis que j’ai découvert internet dans les années 90, j’ai passé là aussi un temps infini à me balader sur les réseaux et à perdre beaucoup de temps dans des contenus pas forcément très utiles. J’ai ainsi du mal à reprocher un comportement que j’ai. J’ai un grand amour de la déambulation ou de la flânerie, aussi bien dans la rue que dans les réseaux.

Cette émission a conforté mes opinions sur le sujet. Nous reprochons à nos enfants certains comportement sans balayer devant notre porte comportementale. Il est bien plus facile de voir le cristal de silicium dans l’œil de l’autre que l’écran plat de 30 pouces dans le sien. Je vous conseille vraiment cette écoute. Je me demande si ce qui nous gêne chez les adolescents et les jeunes adultes ce n’est pas juste de voir nos propres habitudes que nous ne trouvons pas reluisantes.

Ce qui m’a le plus passionné et fait réfléchir, c’est la question des usages de l’outil. Ça rejoint le bruit de fond permanent, si la démocratie va mal, c’est les réseaux, si il y a des terroristes, c’est les réseaux, si le complotisme fleurit, c’est les réseaux, etc. Loin de moi l’idée de dire que les réseaux et leurs algorithmes n’ont pas une part de responsabilités dans l’amplification de ces phénomènes mais ceux ne sont que des caisses de résonances. Les réseaux n’inventent pas la violence, le refus de la réalité, l’absence de débat, les propos injurieux, etc. Ceux sont des humains derrière leurs écrans qui produisent la merde qui se déverse à flot, mais aussi les contenus formidables accessibles facilement pour le plus grand nombre. Accuser l’outil, en tenant compte qu’il modifie probablement nos processus mentaux, imaginons la bascule de l’oral pur à l’écrit, est trop facile. Il permet juste de nous dédouaner sur d’autres de nos responsabilités individuelles.

Nous sommes comme des enfants jouant avec des allumettes, c’est joli le feu, mais ça peu faire aussi très mal. Nous apprenons, soit par la transmission, en écoutant papa et maman, soit par l’expérience, en nous brûlant les doigts ou la frange, que le feu c’est bien pour cuire ses brocolis moins pour se transformer en steak. Avec les réseaux, c’est pareil. Il est de notre responsabilité d’apprendre à nos enfants à les utiliser, à gérer leur identité, à faire attention à ce qu’il poste, non la liberté d’expression n’est pas la liberté d’insulter les autres, mais en fait cela ils l’ont probablement déjà appris par la pratique et l’échange avec leur pairs. C’est bien souvent nous qui devrions faire plus attention à l’exemple des instamumms.

Je reste convaincu que ce qu’on a appelé l’informatique est un formidable outil. Je ne retournerai pour rien dans le monde d’avant sans internet. Comme tout outil, il faut le maîtriser. Est ce qu’on interdit les automobiles car il y a des chauffards? Il faut le réguler et empêcher des lieux de non droit total. Le code de la route est indispensable pour éviter que la mort ne se trouve à chaque croisement. Il faut des règles pour protéger les plus faibles. Oui la ceinture de sécurité à l’arrière c’est utile pour sauver des vies. La binarité du débat, les digital natives sont extraordinaires ou la génération internet c’est tous des ignares est profondément débile. Ceci dédouane certains de se pencher sur les usages des outils et in finé sur les causes du malaise. Nous devons faire sur la technologie un travail de sciences sociales. Nous devons sur les problèmes non pas utiliser un seul point de vue mais multiplier les angles pour saisir la réalité du phénomène. L’objet technologique est un objet total, car nous sommes des animaux hautement technologique. Notre supériorité passe avant tout par les outils que nous avons produit. Nous sommes des animaux profondément sociaux, ne serait ce que dans l’importance que nous donnons consciemment ou pas à l’éducation de nos petits. Ces deux caractéristiques indéniable de homo sapiens, font que nous ne pouvons pas explorer une dimension sans nous penchez sur l’autre. Si la psychanalyse s’est perdue toute seule en niant les neurosciences. Les neurosciences se planteront lamentablement si la dimension sociale n’est pas prise en compte. La transdisciplinarité est sur le sujet capital et devrait être la règle dans toute demande de financement.

Nous pourrions tout à fait appliquer ça à la médecine. Nier la dimension sociale de la santé est une grande connerie, mais faire de la santé uniquement un fait social en niant sa profonde dimension biologique est aussi absurde. La médecine, dans le sens où elle s’intéresse à la santé humaine et en gardant en tête qu’elle n’est pas la seule à s’y intéresser et à être importante, se doit d’être une science totale qui fait se rejoindre des questions de biologie fondamentale, comment un virus rentre dans une cellule, et des questions de sciences sociales, comment faire pour que des individus portent un masque dans des espaces clos, si il n’y a pas de lien entre les deux, vous ne pourrez pas bien prendre en charge une maladie infectieuse transmise par les voies aériennes. Dans sa production des savoirs, elle doit appliquer les principes de la recherche scientifique avec ses standards qui depuis 200 ans ont fait la preuve de leur efficacité. Dans l’usage des savoirs médicaux, et encore une fois en gardant en tête qu’il s’agit comme toute science d’un « work in progress », le médecin doit absolument tenir compte de la situation à laquelle il est confronté et de l’applicabilité de son super traitement dans une situation donnée. Tenir compte de la dynamique des individus dans leur acceptabilité d’une approche thérapeutique est capital. Ce n’est pas parce que l’on vous dit non maintenant, que demains ce non ne se transformera pas en peut être et après demain en oui. Le rôle du médecin est d’accompagner ces évolutions sans enfermer le patient dans une case dont il ne pourrait plus sortir car il est rassurant que celui qui a le pouvoir me dise qui je suis. Notre rôle est de comprendre pourquoi ce non qui nous parait si irrationnel. Nous demandons souvent de la confiance. Le meilleur moyen de l’avoir est de commencer par faire confiance à la personne en face de nous et qui vient avec une plainte. Cette confiance est souvent implicite parfois elle a besoin d’une formalisation en disant: « Je crois en ce que vous me dites. » Nous devons dépasser nos préjugés, nos présupposés et par le dialogue trouver un point de rencontre tenant compte des données de la science et des préférences de l’individu. C’est ça la médecine basée sur les preuves. Ce qui est sur c’est que la médecine n’est pas un art, peut être un artisanat, mais pas un art. Méfiez vous des médecins qui se prennent pour des artistes, ils sont dangereux. L’artiste a toujours raison dans sa création car c’est lui le créateur. Le médecin n’a jamais rien créé, ce n’est qu’un mécano qui n’a pas le mode d’emploi complet de la machine à laquelle il est confronté. Il n’est pas un artiste. Juste une honnête artisan qui s’appuie sur son savoir et comme tout bon scientifique, il sait que son savoir peut être remis en cause par une découverte qui remettra en cause certaines de ses convictions même quand ces nouvelles données bouleversent sa vision d’une maladie ou d’une approche thérapeutique. En ce sens, l’apprentissage de la médecine doit passer par l’apprentissage des sciences.

Cette émission conforte mon idée que c’est dans la diversité culturelle scientifique que nous trouverons des solutions à nos questions.

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Boire beaucoup d’eau protège-t-il les reins?

Tous les néphrologues ont à faire face à ce mythe en consultation, faire travailler les reins en buvant c’est bon. Ça ne repose sur rien. L’enjeu industriel est majeur pour les fabricants de bouteilles d’eau et pour ceux qui essayent de vivre de la crédulité de leurs contemporains comme je l’ai montré avec hydratis. Je ressors une présentation que j’ai fait en début d’année.

Le message est simple, il n’y aucune évidence pour penser que la consommation de grande quantité d’eau est néphroprotectrice dans quelques maladies que ce soit. Les deux seuls indications reposant sur un peu de science sont la maladie lithiasique rénale et la cystite récidivante. Vous forcer à boire des litres de flotte ne vous protégera de rien en dehors de ces deux affections. Le message reste toujours le même suivez votre soif.

Pour agrémenter votre lecture je vous conseille l’écoute de ce magnifique album du nouveau groupe de Dwight Trible, Cosmic vibrations. C’est du spiritual jazz et c’est vraiment très , très bien.

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Quand un « game changer » se confirme

Je suis chanceux et je crois que toute ma génération de néphrologues doit s’estimer comme chanceuse. Dans notre carrière, nous aurons vu l’arrivée de deux traitement qui ralentissent la progression de la maladie rénale chronique. Ce qui est beau c’est que ces traitements jouent tous les deux sur l’hémodynamique rénale, probablement avec d’autres effets latéraux, mais on peut raisonnablement penser que la baisse de la pression hydrostatique dans le floculus joue un rôle important. La première classe sont les bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les sartans. Ils ont amélioré le pronostic de la MRC en particulier en cas de glomérulopathie se traduisant par une protéinurie. Ils sont devenus la pierre angulaire du traitement néphroprotecteur, avec le contrôle tensionnel et le régime limité en protéines. Depuis plus de 20 ans, nous attendions une nouvelle classe thérapeutique permettant de ralentir la dégradation du débit de filtration glomérulaire et la nécessité d’un traitement de suppléance.

La publication de DAPA-CKD confirme que les inhibiteurs de SGLT2 seront la deuxième molécule indispensable au patient avec une maladie rénale chronique protéinurique à coté des bloqueurs du SRAA. Elle arrive après CREDENCE pour montrer que l’effet bénéfique de cette classe thérapeutique ne se limite pas à la néphropathie diabétique.

Les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) fonctionnent en bloquant la réabsorption d’une partie du glucose filtré au niveau du rein. Il est perdu entre 40 et 60 g de glucose par jour quand on bloque SGLT2. Ceci explique les effets antidiabétiques et amaigrissant. Au niveau rénal, nous avons un diurétique qui touche le tube proximal que nous ne savions pas cibler. Cette effet diurétique un peu particulier s’accompagne d’une activation du rétrocontrôle tubuloglomérulaire. Ce dernier va entraîner une vasoconstriction de l’artériole afférente et ainsi une baisse de la pression intraglomérulaire expliquant la capacité à limiter la protéinurie de cette classe thérapeutique et probablement les effets néphroprotecteurs, même si d’autres mécanismes sont probablement impliqués. Pour résumer voici une petite diapositive.

Ceci a été expérimentalement confirmé chez la souris comme vous pouvez le voir dans la diapositive suivante. L’administration d’empagliflozine chez une souris diabétique entraîne bien une diminution du diamètre de l’artériole afférente.

Après ces remarques physiopathologiques passons à l’étude DAPA-CKD proprement dites. Le design a été publié en 2019. Je reprends des diapositives que j’avais fait pour le présenter.

L’étude a été arrêtée prématurément en raison de l’effet bénéfique de la molécule. Ceci fera encore une fois jaser mais il paraissait difficile vu les différences en particulier en terme de mortalité de ne pas arrêter. 4094 patients ont été randomisés, 2152 ont pris 10 mg de dapagliflozine en plus de leur traitement habituel (98% sous bloqueurs du SRAA, 40% sous diurétiques) contre le même nombre qui n’en prendront pas. L’age moyen est de 61 ans, presque 70% d’hommes, plus de 50% de caucasien, IMC à 29, 67% de diabétiques, DFG moyen de 43 ml/mn et une albuminurie médiane autour de 1g/24h. Le suivi médian va être de 2,4 ans. Les résultats sont résumés dans ce tableau et cette figure.

Comme vous pouvez le voir, ça marche sur tous les critères. La dapagliflozine est néphroprotectrice. Elle réduit aussi la mortalité. En pratique, pour prévenir un événement du critère principal il faut traiter 19 patients pendant 2,4 ans. Le résultat est spectaculaire. Il n’y a pas beaucoup de discussion à avoir. Juste deux points à remarquer, premièrement, il y a un plus grand risque d’hypovolémie dans le groupe dapagliflozine confirmant l’effet diurétique de la molécule. Deuxièmement, l’effet hémodynamique de la dapagliflozine est évident sur cette figure et à bien connaître. Quand vous introduisez le traitement vous aurez une augmentation de la créatininémie, comme avec les IEC ou les sartans, traduisant la vasoconstriction de l’artériole afférente ici (pour les bloqueurs du SRAA c’est la vasodilatation de l’artériole efférente qui est responsable).

Ceci veut dire qu’il faudra probablement un peu diminuer les diurétiques à l’introduction chez certains patients et ne pas être surpris de l’augmentation de la créatininémie. A long terme c’est ça qui protégera les reins. J’insiste aussi sur le fait que pour être néphroprotecteur les iSGLT2 sont toujours associés au bloqueurs du SRAA. Je pense que nous verrons des études arriver pour savoir si en monothérapie sans bloqueur nous avons de la néphroprotection.

J’espère que nous pourrons rapidement avoir le droit de prescrire cette molécule à nos patients avec une MRC diabétique ou non. Après la canagliflozine protectrice dans la néphropathie diabétique, nous avons la dapagliflozine qui est efficace dans toutes les maladies rénales avec albuminurie sauf lupus et vascularite à ANCA. Nous attendons les résultats avec l’empagliflozine qui devrait bientôt arriver et confirmer l’effet classe des iSGLT2. Cette classe thérapeutique va devenir un outil indispensable au néphrologue. Les patients ont de la chance.

Je vous signale que le laboratoire qui commercialise la dapagliflozine m’a versé un peu d’argent pour faire partie d’un board régional. Ce post de blog n’est pas sponsorisé.

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Hydratis ou l’attrape couillon

Entendre parler d’hydratation dans les médias est un véritable bonheur. Grace à Europe 1, j’ai découvert Hydratis et son patron (https://twitter.com/i/status/1308372567414247424). J’ai rarement entendu autant de conneries sur le sujet en une minute. On parle déshydratation, j’imagine, bêtement, qu’on parle de déshydratation intracellulaire (pour préciser, désolé je suis néphrologue).

Je suis heureux d’apprendre que 75% des français sont déshydratés, ce qui sous entend que 75% des français ont une natrémie supérieure à 145 mmol/l (définition de la déshydratation intracellulaire, en toute rigueur il faudrait utiliser l’osmolalité plasmatique). Je vois pas mal de ionogramme sanguin de patients avec des maladies rénales et l’hypernatrémie reste un désordre hydroélectrolytique rare et pour cause nous avons un mécanisme de défense très efficace, la soif. Cette allégation est fausse et ne repose sur rien.

Le CEO de cette magnifique société dit que « si on a soif c’est trop tard, on est déshydraté ». Ceci est totalement faux. La soif apparaît avant que nous n’ayons une natrémie à 145 mmol/l donc avant d’être déshydraté. Si on parle en osmolalité plasmatique, le seuil pour la déshydratation intracellulaire est une osmolalité supérieure à 300 mosm/l, le seuil de la soif est entre 288 et 294 en fonction des individus. Il s’agit de physiologie de base niveau 3é année de médecine. Il s’agit de la deuxième allégation fausse. Je rappelle que la recommandation pour la prévention de l’hyponatrémie lors de l’effort, c’est « drink to thirst » l’exact opposé de ce qui est dit ici. Prévenir sa soif peut être dangereux, surtout lors de l’effort.

Vers la droite c’est la déshydratation intracellulaire (manque d’eau) vers la gauche l’hyperhydratation intracellulaire (trop d’eau)

Nous continuons avec « pour corriger la déshydratation nous donnons des électrolytes ». Si nous parlons bien de déshydratation intracellulaire et comme le monsieur parle de soif j’ai conclu que c’était le sujet. Donner des électrolytes ne sert à rien, il faut juste boire de l’eau car ce qui manque c’est de l’eau. Troisième allégation fausse.

Nous étions a tellement de bêtises en 1 minute que je me suis dit en fait c’est un gag, une espèce de caméra cachée pour faire réagir les néphrologues. J’ai tapoté hydratis dans mon moteur de recherche et là stupéfaction ça existe. Ce n’est pas une blague. Le site est du niveau du verbiage de son promoteur. Approximations et fautes d’orthographe se battent en duel.

J’apprends que la déshydratation est du à un défaut en électrolytes. On ne parle plus de déshydratation intracellulaire mais extracellulaire (à ma connaissance, il n’existe aucune étude en population générale qui détermine sa fréquence (vous vous souvenez les 75% de français…), pour la simple et bonne raison qu’il n’y pas de marqueur biologique simple). Ici on a un déficit en sodium, en pratique en sel de table ou en bicarbonate de sodium. Il suffit donc de manger salé ou de boire une eau riche en bicarbonate. Je m’attends ainsi à ce que la composition soit une eau de vichy like. Et là surprise.

Il y a du potassium, du magnésium, du manganèse, du zinc. Tous ces ions n’ont aucun rapport avec la déshydratation, mais vraiment strictement aucun rapport. Vous remarquerez qu’il n’y a sur le site à aucun moment le mot sodium écrit. Logique, on arrête pas de dire que nous mangeons trop de sel alors on enlève le mot alors que pour corriger la déshydratation extracellulaire c’est la seule chose qui fonctionne. Si vous regardez la composition en tout petit, vous verrez qu’il y en a en fait. J’ai trouvé la composition des comprimés sur un autre site marchand. Les approximations continuent on vous donne la composition pour 100 g sans vous dire combien pèse un comprimé, ni ce qui correspond à la dose recommandée de 2 comprimés dans 190 ml d’eau (j’aime cette précision de 190 ml). Ce qui est très mignon, c’est qu’on vous donne le sodium en g soit 2,2 et le reste en mg par exemple le potassium 5700 mg. Vous voyez le truc, personne ne regarde vraiment les unités. On se dit, ça va pas beaucoup de sel mais plein de potassium. Il aurait été moins porteur de mettre 2200 mg de sodium… De plus c’est plein de sucre 50g/100g. Ainsi, vous boirez surtout de l’eau sucrée. Si vous vous sentez mieux après avoir pris ce truc, c’est qu’on vous fait un petit boost glucidique et probablement pas autre chose.

Voilà, on peut dire que ce complément alimentaire est totalement inutile, si vous avez une alimentation normale. Il ne s’agit en aucun cas d’une solution de réhydratation. Il ne corrigera en rien une déshydratation si vous en avez une. Vous pouvez économiser votre argent en achetant de la grenadine pur le sucre et de la vichy pour le sel.

Il serait bien qu’un jour on parle sérieusement dans un média grand public d’eau et de sel, sans laisser la parole à des marchands de poudre de perlimpimpin…

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Écoutes estivales

L’été est un moment propice à l’écoute et à la découverte. Cette année j’ai eu de la chance avec les émissions qui ont capté mon attention, essentiellement sur France Culture. Je partage mes intérêts et mes coup de cœurs.

Cette saison d’Avoir raison avec a été riche et intéressante. La forme, en passant de une fois 58 minutes à 5 fois 28 minutes est plus digeste, surtout quand les concepts sont ardus. Le parti pris de nous faire découvrir des penseurs américains fut une bonne idée et l’ensemble des émissions ont participé à ce que je comprenne mieux certaines petites choses à l’élection américaine.

Je connaissais Anne Carson et son rôle dans l’emergence de l’écologie. Emmanuel Laurentin a bien choisi ses interlocuteurs pour explorer l’œuvre toujours étonnamment actuelle de cette biologiste des années 50. Elle est un précurseur de la One Health. Un concept dont vous n’avait pas fini d’entendre parler. Je conseille si vous voulez comprendre ce qu’est l’écologie.

Je ne connaissais Toni Morrison que de nom. Les invités, traducteurs et lecteurs plus la voix de cette femme puissante m’ont donnée envie de lire cette autrice et je ne le regrette pas. Une littérature qui remue. A écouter, si vous avez des doutes sur l’intérêt de lire ce formidable écrivain. Si vous n’avez qu’une émission à écouter choisissez celle-ci.

Le premier homme de la série est John Rawls, je ne savais pas qu’il existait et à quel point il est important dans la pensée moderne. Une belle découverte intellectuelle et une écoute importante pour comprendre ce à quoi s’oppose réellement Donald Trump et pourquoi il est dangereux pour les USA.

La seule intellectuelle encore vivante et le repoussoir de tant de gens qu’il est capital d’écouter ces cinq émissions pour mieux comprendre pourquoi Judith Butler est tant haïe de par le monde. Sa pensée est particulièrement forte et plus que le genre, c’est sa vision du queer et surtout de la vie bonne qui m’ont touché. Ces cinq émissions m’ont donné envie de lire cet auteur et en particulier Rassemblement. J’ai un peu mieux compris la normativité et la performativité. C’est passionnant et utile pour la réflexion du médecin dans sa pratique.

L’architecture ne me passionne pas mais comme j’aime bien Matthieu Garrigou-Lagrange j’ai écouté les émissions sur Wright. C’est pas mal, surtout la vie du monsieur qui est le modèle de la suivante pour un de ses romans.

La série là plus importante peut être pour comprendre l’amour des américains pour des figures comme celle de Donald Trump, pour comprendre les Musk et autres libertariens. Une vie incroyable un peu comme un roman, une penseuse de l’égoïsme, mère du mouvement libertarien, Ayn Rand et ses deux maîtres ouvrages, « La source vive » et  » la grève ». Il s’agit probablement de tous les auteurs de la saison de celle qui a été et est le plus lu aux USA. Après l’écoute de ces cinq émissions vous comprendrez mieux l’imaginaire américain, indispensable. Ça donne presque envie de lire les pavés. Et puis chapeau à Xavier de La Porte qui est le seul journaliste a accepter de parler pendant 2h30 d’une personne dont il ne partage pas vraiment les idées. Je trouve ça vraiment bien.

Encore un penseur américain majeur que je ne connaissais pas, John Dewey. Les émissions sont peut être les moins intéressantes, il faudrait que je réécoute surtout certains aspects de la pédagogie expérimentale.

Enfin, la saison finie avec Susan Sontag, c’est intéressant, une vie passionnante et palpitante, et une très belle voix. L’émission vaut vraiment pour les extraits d’interview et leurs analyses. J’aime bien la dernière qui est un bel exercice de penser contre. Belle mise en abyme.

Après ces exercices intellectuels, je ne dirais pas de la détente mais une série passionnante d’émissions sur les espions privés ou quand l’état délègue ses missions régaliennes à des prestataires privés, guerre, diplomatie, surveillance, etc. Les huit émissions sont toutes riches, bien documentées et importantes pour comprendre notre monde et celui d’après. Comme une impression de victoire de Ayn Rand sur les autres vous saisira. La santé deviendra forcément un service privé et disparaîtra du champ du public. Je ne vois pas, alors que nous laissons ces nouveaux corsaires exister, alors que les entreprises du numériques arrivent à des valorisations monstrueuses, comment nous ne vivrons pas dans le monde du Samouraï Virtuel de Neal Stephenson. Ce n’est pas très rassurant, mais c’est toujours bien de savoir à quelle sauce nous serons mangés. Elle sera libérale et violente, sous des atours rassurants et bienveillants. Si vous préférez les espions old school qui fleurent bons la guerre froide, il faut écouter le très bon podcast natif de france inter.

Dans une ambiance plus légère, quoi que, il faut écouter Looking for Kermit, un peintre qui ne veux pas d’interview, une journaliste qui veut le rencontrer, le Texas, la peinture, un très bon montage et une jolie tension dramatique. Du très bel ouvrage pour nous faire découvrir l’Amérique d’une autre façon. Je ne suis pas très sensible à la peinture de Kermit Oliver, qui a fait des carrées hermès, mais vous avez vraiment envie de rencontrer cet homme qui apparaît dans ce portrait en creux comme un saint. Franchement très bien.

Pour continuer avec les déambulations, ici le long de la seine, avec François Sureau. Vous pourriez trouver cette émission insupportable, en fait il faut surmonter un peu le pédantisme du monsieur, vraiment l’écouter et c’est franchement pas mal. Son parcours le long de la seine est plutôt une expérience de souvenirs de lectures qu’autres choses mais pourquoi pas. J’aime la littérature. Quelques fois c’est vraiment touchant et puis il a une belle culture. Après une période d’adaptation vous ne pourrez plus vous en passer et vous regretterez que la Seine ne soit pas l’amazone pour en rajouter un peu. Le savoir et son partage, ça ne fait pas de mal.

Dans la série musicale d’été, une belle série justement sur les fleuves, amazone, nil, mississipi, mékong… Il y a aussi de belles émissions sur la métamorphose en particulier celle avec Tony Allen et sur le sample, les play lists sont terribles (vous allez me haïr). Enfin pour ceux qui ne connaissent pas, une très chouette émission sur Drexciya, vraiment passionnant, comme toutes celles sur la musique électro.

Si vous aimez le reggae, je ne peux que vous conseiller le Very good trip Bob Marley. La bande son est une madeleine. C’est un sacré mec le bob avec une vie de roman. Pas grand chose à dire, juste écoutez la vie de celui qui a été le christ rasta. Un petit conseil de lecture pour comprendre la Jamaïque et son racisme, le très beau et émouvant « By the rivers of Babylon » de Kei Miller.

Enfin la seule grande traversée que je suis en train d’écouter est celle sur Frantz Fanon, je recommande fortement, mais j’y reviendrai.

J’aime beaucoup la radio, merci à tous les journalistes, producteurs, et techniciens qui rendent possibles la transmission.

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Le complexe d’Eden Bellwether par Benjamin Wood et Renaud Morin

Un jour, j’expliquais que j’achetais certains livres non pas en raison d’une critique, d’un conseil ou du quatrième de couverture mais juste car j’aime la ligne éditoriale de l’éditeur. Ceci avait surpris mon interlocuteur. Parmi ces découvreurs de pépite, il y a Zulma. Je suis fan. Quand je rentre dans une librairie, je vais au rayon poche et si un nouveau Zulma est là je l’achète, je ne regarde pas de quoi ça parle. Je prends et je lis. J’ai découvert pas mal d’auteurs que je n’aurais jamais lu, ainsi. Une fois de plus, je ne suis pas déçu par cette méthode de choix.

Ce roman est une histoire d’amour juvénile. Amour naît de la marche à pied, de la musique. Amour qui débouche sur des rencontres, de personnes, d’un milieu, d’une science et encore de la musique. Et comme le dit la chanson, les histoires d’amour finissent mal. Cette lecture m’a fait penser à ma note sur pourquoi l’humain n’aime pas les essais randomisés. Nous aimons la magie, nous aimons le miracle, nous aimons les certitudes, nous aimons les hommes providentiels. Ce roman permet de mieux comprendre notre fol espoir dans le remède miracle, dans la solution unique, dans le chef tout puissant et le risque de croire en ces chimères. Je ne peux que vous conseiller sa lecture, c’est bien écrit, l’intrigue est redoutablement efficace, les personnages sont remarquables et c’est bouleversant. Je préfère vous prévenir, vous pleurerez.

L’auteur arrive à nous mettre dans une situation terrible. Croire aux miracles malgré mes réticences, j’ai cru à un moment au pouvoir d’Eden, pas longtemps, mais j’y ai cru. Il était tentant de s’y abandonner comme Iris, mais tout craque. En cette période de grand charlatanisme sous masque de pseudoscience, cette lecture est de salubrité publique. C’est la puissance du roman, capter par l’histoire notre attention, nous promener, nous faire croire et brutalement la vérité explose. Il y a bien d’autres choses très intéressante dans cette œuvre, les relations de classe, la puissance de la musique, la complexité de nos relation familiale. C’est vraiment un très, très bon roman.

Un grand merci au traducteur qui a fait un remarquable travail pour nous restituer ce roman si anglais. Les images sont très fortes. Alors bonne lecture.

Si vous voulez un peu de musique, un conseil, le dernier album de Joachim Kühn, Playing probabilities. C’est … vous écouterez et vous vous ferez votre idée. J’aime vraiment beaucoup, c’est tout ce que je dirais.

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