La médecine malade de l’absence de décision collective

J’ai lu avec intérêt, ce matin, un article des pages Rebonds dans Libération. Il est signé par un professeur d’urologie de l’hopital Cochin, un grand habitué des journaux (libé et le monde), le Dr Michaël Peyromaure. Il pourfend le principe de précaution en médecine et regrette l’arrivée ou plutôt le triomphe du collectivisme médical.

Il prend trois exemples qui pour lui tuent le progrès médical: les réunions de concertation pluridisciplinaire en cancérologie, les revues de morbi-mortalité et enfin la check-list au bloc. J’ai du mal à comprendre comment ces trois pratiques menacent l’innovation médicale. Pour moi, l’innovation doit se faire dans le cadre d’essais cliniques. Ces trois actes « castrateurs » encadrent ou questionnent le soin courant.

Pour lui, ils déresponsabilisent le médecin en diluant la prise de décision et personne n’est plus responsable de rien. Je suis dans une équipe, où la prise de décision pour les cas difficiles est collégiale. Quand il s’agit de mes patients, j’assume personnellement cette décision, fruit d’une réflexion commune. Je suis responsable.

Il est amusant qu’un urologue s’attaque à la check-list. Sa mise en place n’est pas une élucubration de technocrates, comme il le dit, mais le résultat d’une publication dans le NEJM, où elle a montré son efficacité (réduction de la mortalité, un critère dur). Je rappelle que l’utilisation du PSA en dépistage n’a jamais réduit la mortalité globale.

Il regrette la formalisation avec des cases à cocher et le prend comme une agression. La véritable agression est quand un médecin se trompe de coté. Quand, il n’a pas vérifié sur quel rein est la tumeur et qu’il enlève le rein normal en laissant le cancer. Le but de la check-list est d’éviter de se tromper de patient, de coté, ou d’organe à opérer. Le but n’est pas de ritualiser pour ritualiser. Son objectif est de vérifier à plusieurs l’ensemble des éléments vitaux à la réussite de l’opération. Il est amusant de voir que ce qui passe très bien en aéronautique est source de frustration en médecine.

La check-list gène car elle met chaque intervenant sur un pied d’égalité, l’infirmière l’anesthésiste, le chirurgien. Ce n’est que temporaire ensuite chacun retourne dans son rôle. Crime de lèse majesté, moi chirurgien infaillible, je sais tout, je refuse que le gazier ou pire la panseuse s’autorise à me dire: « Tu te trompes de coté, coco ».

Oui, parfois aussi brillant soit on, on peut se tromper et il est rassurant qu’une équipe soit là pour dire: « Attention tu fais fausse route ». Il faut juste mettre un peu de son ego au placard.

Le but de la check list n’est pas de remplir des cases pour remplir des cases, mais de s’assurer qu’on ne fait pas n’importe quoi. Nous avons une check list pour les ponctions biopsies rénales, elle permet de vérifier que nous sommes dans les clous, si je décide de biopsier malgré le fait que la patiente à 120000 plaquettes et bien je prends mes responsabilités. Je dois expliquer et motiver ma décision. J’étais ritualisé avant la check list, nous n’avons fait que formaliser la ritualisation. Quel personne qui fait un geste à risque, n’a pas son petit rituel? La rationalité n’empêche pas la pensée magique.

Le travail hospitalier est un travail d’équipe, la médecine est un travail d’équipe. Malheureusement, nos études ne sélectionnent que les forts, les bêtes de concours, les mâles dominants, ceux qui croient qu’ils savent tout, qu’ils sont omniscients et omnipotents. Les malades sont de plus en plus complexes, il devient difficile pour un médecin unique de répondre à toutes les problématiques soulevées par le patient polypathologique. Il est indispensable que nous intégrions dans le cursus une formation au travail en équipe. Un article récent montre que pour former de bons ORL, ce qui compte plus que les qualités purement intellectuelles, c’est d’avoir eu un parcours brillant dans un sport collectif. Ceci doit amener à un peu d’humilité quand à la force et au poids de la décision individuelle. En mêlée, mieux vaux un pack avec 8 joueurs de 90 kgs qui poussent tous en même temps, dans le même sens, qu’un pack avec des monstres de 120 kgs qui poussent quand chacun en a l’envie.

Il y a un temps pour tout, l’action, où il ne faut plus discuter et celui de la décision qui doit être argumentée. Les médecins ont tendance à vouloir qu’ils n’y aient que des temps d’actions. Ritualiser la discussion, faire qu’une décision soit prise de façon collégiale protège le patient des dérives, d’expérimentations abusives ou hasardeuses. Il ne faut pas parloter pour parloter et sodomiser du diptère en plein vol, quand les choses sont simples et bien balisées par la littérature qui produit une norme.

C’est un changement de modèle, on passe d’une tête qui décide sans avoir à se justifier à celui où un interne premier choix doit pouvoir aller dire au vieux patron: « vous croyez vraiment que c’est une bonne idée? », sans craindre de se faire exploser. Il faut passer d’un modèle ou le seul argument est: « je sais » à celui alimenter par les preuves réelles du savoir.  Quand il n’y a pas de preuves, le savoir de l’expérience prend alors, mais seulement à ce moment là, toute sa valeur.

Nous aimerions ne jamais nous tromper, avoir une position définitivement assise en haut du sommet du savoir, où nous saupoudrerions de notre génie les masses indigentes. Malheureusement ou heureusement, ceci date d’un autre siècle. Je préfère un système avec des normes où j’ai à expliquer à mes collègues et surtout aux malades, pourquoi, maintenant, dans ce cas, il faut rester ou quitter la norme. L’obligation d’expliquer de façon claire notre point de vue suffit parfois à nous faire réaliser que nous faisions fausse route.

La médecine n’est pas malade de l’excès de précaution mais plutôt de son incapacité à expliquer ses choix. Quand je suis pressé, que je consulte, que je dis il faut faire ça et que ça commence à discuter, ça m’énerve. J’essaye alors de ne pas me laisser emporter par le flot du « je sais, toi bon malade pas savoir, moi choisir pour toi, toi taire ». Je me mets à la place de la personne en face. Est ce je n’aurais pas tendance à faire la même chose et à essayer de comprendre ce qu’on me propose avant de dire oui ou non? Faites cet exercice et vous verrez tout ce qu’on apprend.

L’auteur de la chronique a un grand dédain pour la décision collégiale. J’aime ça, même si je m’énerve quand on n’est pas d’accord avec moi. C’est rassurant dans les cas difficile de pouvoir se reposer sur une équipe, de mutualiser la décision, de nous pousser dans nos retranchements intellectuels, d’être conforté dans une abstention thérapeutique ou de découvrir qu’un a une idée à laquelle nous n’avions pas pensé.

Il dédaigne les nouveaux médecins qui appliquent des recommandations collectives. La nouvelle génération a bien intégré l’importance d’utiliser la médecine basée sur les preuves pour avoir un guide sur et c’est bien. Elle sait aussi que nous soignons des individus et non des cohortes. Parfois l’évidence ne correspondra pas au cas particulier pour un millier de raisons. Il y a toujours des extrêmes dans une gaussienne mais dans 90 ou 95% des cas la norme fonctionne plutôt bien. Elle permet de ne pas trop réfléchir dans les cas faciles pour se concentrer sur l’application de ces mesures ou passer du temps sur le cas hors norme.

Le médecin n’invente pas. Il se repose sur l’expérience, des autres (la littérature), la sienne et celle du patient. Quand il invente, il doit faire un essai clinique. Il y a, là aussi, ô désespoir, des normes à suivre qui permettent d’assurer une validité aux résultats et à la génération de la preuve qui permettra de produire une nouvelle norme thérapeutique qui remplacera, ou pas, la précédente.

La médecine n’est pas une science des extrêmes. C’est une science de l’équilibre dynamique comme la marche. Le médecin ne peut pas travailler qu’à partir de la moyenne, il ne peut pas travailler qu’à partir de cas particuliers, il a besoin des deux comme on marche sur ces deux pieds. Il y a tension, en médecine, entre un savoir normé, généré par l’analyse d’un nombre important de données et son application à un cas particulier, toujours unique. Cette tension fait la difficulté et la beauté de cet art scientifique.

Dénoncer le collectivisme médical me parait être complètement dépassé, décision partagée (au moins entre le patient et le soignant) et responsabilité individuelle du soignant face au malade ne s’excluent pas, elles se complètent.

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25 réponses à La médecine malade de l’absence de décision collective

  1. Chantal dit :

    Certes, entièrement d’accord avec vous sur la responsabilité prise en équipe. Mais que faire quand justement dans l’équipe, lors d’un problème, chacun rejette la faute et veut se deresponsabiliser de la decision prise précedemment? Le probleme vient plutôt de là, non? en cas de gros « bobo », les gens ont tendance à penser d’abord à soi-même avant aux autres, soit à l’équipe. Mais bon, ce n’est pas uniquement un problème en médecine, mais dans tous les métiers et situation de la vie.

    J’espère que les vacances étaients/sont reposante.

    Bonne soirée

    • PUautomne dit :

      En cas de prise de décision collégiale, la responsabilité est collégiale. Tout le monde est solidaire de la décision prise, même si on est pas forcement d’accord à la base. Dans une équipe, il faut savoir assumer les échecs et les réussites.
      Les vacances, c’est toujours bien.

  2. nfkb dit :

    ô que j’aime bien et ce billet et ô comme je ne suis pas d’accord avec tout 🙂

    Je suis pilote privé et je suis anesthésiste. Je crois beaucoup plus à la checklist depuis que je suis pilote. Une mauvaise checklist a failli me faire perdre une patiente lors de mon premier rempla en privé. Une bonne checklist m’a déjà évité de décoller avec un réservoir vide. Et clairement, depuis que je suis pilote je fais de meilleurs check-list d’anesthésie.

    Par contre je me gausse (clin d’oeil à la norme) lorsque le grand mandarin de chirurgie en consultanat vient nous faire un laïus de 40 minutes au bloc sur la checklist alors qu’aucun mais alors aucun chirurgien de son équipe ne daigne venir à l’installation du patient pour jouer le jeu de la checklist. Après je me regausse quand le CCA débarque pour opérer et n’a jamais vu ni le dossier ni le scanner du patient… Bref on a d’autres progrès à faire avant de cocher la case « Oui, on a fait des antibiotiques ».

    Ensuite à propos des essais cliniques, j’ai déjà exprimé mon opinion dans mes petits billets mais je suis très mais alors très gêné par l’hétérogénéité des patients en chirurgie et en anesthésie-réanimation pour ce qui me concerne. En réanimation dans les dix dernières années, les grandes études qui semblaient « sauver des vies » ont fini par être contredites par des études similaires. L’hétérogénéité fait questionner doucement l’EBM pour ce que je vis. Et je te passe le protocole de chirurgie où malgré un protocole de 180 pages avec 3 ARC qui courent partout, chaque anesthésiste fait ce qu’il veut du patient en perop et où le patron de chir semble sélectionner ses patients pour laisser les plus complexes aux jeunes CCA…

    Donc c’est couillon mais je dis « oui » à ce qui ne semble être parfois que des intuitions, des errements, des tâtonnements… La réflexion doit se libérer du carcan protocolaire.

    A propos des décisions collégiales, je suis d’accord lorsqu’elles se font sans la présence physique du patient. Le colloque singulier de la consultation permet un lien que nous connaissons tous et qui n’existe pas ailleurs. Je trouve horribles les consultations type RCP d’onco ou de transplantation où le patient se trouvent face à 5 PU-PH, 3 CCA et 3 PH et douze internes/externes ! Surtout quand c’est le gazier qui doit prendre le patient par la main à la fin : « allez venez on va faire votre consultation d’anesthésie maintenant qu’on sait qu’il faut aller découper le cancer »

    Par contre je suis très heureux des discussions communes pour les mesures de LATA ou les RMM. Pour ces dernières je regrette par contre qu’elles ne soient pas plus fréquentes, solides et sources de modification des pratiques (mais ça c’est de notre faute localement)

    à bientôt

    P.S. Dominique D tes neurones doivent adorer ce genre de post non ? Ca bouille ?

    • PUautomne dit :

      Je pense que les protocoles sont là pour guider dans les cas faciles et classiques et avoir des pratiques homogènes dans une équipe. Quand on reprend ensuite ces données, c’est pas mal. Ils ne doivent pas être des textes de loi. Quand le patient sort du cadre, on adapte le protocole au patient pas l’inverse. Si le protocole ne marche jamais on le revoit car il ne correspond pas à la réalité. Réévaluer ses pratiques, ses protocoles, ses décisions, c’est quand même plus facile à plusieurs que tout seul dans son coin.
      Je n’ai jamais vu de RCP d’onco où le patient est présent. C’est pour moi proche de la torture psychique d’imposer ça à un patient.
      Pour la check list, je sais que les chirurgiens la déteste, j’ai une petite idée du pourquoi. Ils ont vécu ça comme venant d’en haut, on ne leur à pas vraiment expliqué l’intérêt et ses enjeux. On le présente uniquement comme un outil médico-légal, alors que c’est un outil d’amélioration du soin.

      • nfkb dit :

        Quand je parlais de protocole je parlais de recherche clinique.

        Quand il s’agit de codifier et d’homogénéiser des pratiques récurrentes pour le bien de tous, je suis plutôt d’accord tant qu’ils ne servent pas d’instrument d’évaluation bidon ou de crispation sous-corticale de la part des étriqués de l’encéphale qui s’occupe de la Qualité. Ex d’évaluation débile : le dossier d’anesthésie qui fait partie des critères d’évaluation de je-ne-sais-plus-quoi. Par exemple selon ces critères stupides pour qu’une visite préanesthésique soit intelligente il faut que le médecin date, signe, écrive son nom en toute lettre et mettre un petit mot (genre RAS 😉 ) si ces 4 critères ne sont pas là on fait de la merde selon le diktat ARSien.

        Quant au RCP je ne travaille plus là où j’ai vu ça mais ça existe bel et bien… le patient rentre après la discussion pour une annonce devant le Grand Jury, je trouve ça incroyable au XXIème siècle.

    • Laurent dit :

      Ah, la Check-List!… Nombreux sont ceux qui n’ont pas compris son intérêt,ni la façon dont elle devait être faite. On pourrait écrire un livre. Dans notre petit CHU on arrive à faire un sorte qu’un interne de chirurgie descende au bloc pour la faire, en plus des IBODEs, mais alors, quel sketch parfois. Ce qui me fait le plus rire: quand le chirurgien regarde la consultation d’anesthésie pour répondre alors qu’il devrait prendre son dossier pour justement croiser les informations… Mais j’ai également vu des anesthésistes faire de belles check-lists, où chaque point est développé, et pas seulement « oui » ou « non ».

      Pour ce qui est de l’aviation, n’étant pas encore pilote privé (un jour, après l’internat), mais ayant fait quelques nav’ avec mon Maïtre, je te rejoins complètement!

    • Dominique Dupagne dit :

      Le problème est complexe. PUautomne résume bien la situation. La seule différence est que dans mon activité, la MG, la norme est souvent inadaptée. Souvent, c’est 50% des cas et pas 5% comme en néphro. Certaines normes sont frelatées par l’industrie et fausses dans 90% des cas.

      • PUautomne dit :

        Cher dominique, la néphro a une chance qui est aussi son malheur, les chiffres et leurs normales qui limitent beaucoup les discussions trop sybillines, quoi que.
        Pour la MG, il faut se poser la question de la production de la norme adaptée. Je pense que l’absence d’enseignement pragmatique de cette spécialité est responsable de ce manque. C’est pour ça que je pense que votre projet a une importance majeure. Concernant la place de l’industrie, oui, il y a un sacré problème, c’est aux médecins de refuser de collaborrer à la création de maladie qui n’en sont pas. Y a un sacré boulot.

  3. JeeP dit :

    Je ne peux malheureusement pas lire l’article initial.

    Je pensais être d’accord avec le chroniqueur de libé, dans le sens où je pense que le principe de précaution est un excès, et que la médecine applique déjà depuis longtemps le principe de prudence (primum non nocere, ça ne date pas d’hier). A ce propos, le principe de prudence c’est de l’EBM, pas le principe de précaution.
    Mais de ce que vous en retranscrivez, je pense qu’il se trompe.
    Pour les staffs, j’aurais pu être plutôt d’accord, parce que j’ai peur que nous soyons dévorés par les réunions. Si j’assistais à toutes celles auxquelles mes collègues ou moi-même sommes conviés, j’en aurais 3 hebdomadaires plus une mensuelle.
    Mais à coté de ça, j’ai pu voir l’utilité de ces réunions (sans le malade; sa présence me parait un hérésie, en particulier en RCP onco, j’avoue que je tombe des nues). Après que les reco sur la thrombose aient changé en 2009, tout le monde a dû réapprendre, et nous étions donc tous avec notre plaquette, du PU interniste à l’interne (moi, à l’époque, et c’est tellement plus simple d’apprendre que de réapprendre), avec également quelques angio libéraux. On a vu l’évolution en trois ans, avec des questions initialement simplistes, et maintenant uniquement des cas vraiment complexes. Tout le monde a progressé, et tous les malades discutés ont eu une prise en charge optimale.

    Pour les check lists, je n’en ai pas correspondant au contexte d’un geste. Mais quand je fais un interrogatoire de syndrome de Raynaud, le plus policier que je connaisse, je suis toujours content d’avoir ma liste à proximité, pour vérifier que je n’ai pas oublié une question utile.
    Cette opposition aux check lists est délétère dans le sens où elle rend honteux celui qui les utilise. Pourtant, nombre de maladies répondent à des scores, qui ne sont rien d’autres que des listes à cocher. L’influence de gens tels que l’auteur de la chronique pousse les praticiens à considérer qu’ils doivent avoir la liste « dans la tête », et que la sortir est aveu d’incompétence. Ne pas la sortir est facteur d’erreur. Et à l’époque des smartphones qui nous permettent de stocker des masses de document dans nos poches, je trouve encore plus aberrant de ne pas utiliser ces antisèches.

    Pour finir, je ne crois pas que la discussion déresponsabilise. Annoncer la décision du staff au patient, c’est endosser la responsabilité morale. Quant à la responsabilité pénale, peu importe, c’est déjà l’institution qui la supporte, et depuis longtemps.
    Et ça permet de prendre une décision à froid, avec les vertus de la synthèse du dossier qui rend souvent la réponse évidente au moment où on présente le patient.

  4. docteurdu16 dit :

    J’aime bien vos commentaires mais je ne suis pas du tout d’accord avec eux.
    Deux points : encore une fois il ne faut pas confondre le principe de précaution (se méfier de l’imprévisible) et le principe de prévention (se méfier du prévisible) ; n’oublions pas que les QCM et les cases à cocher sont devenus la base de l’enseignement et que les étudiants en médecine ne cessent de cocher des cases.
    Le principe de précaution est inapplicable en médecine ; il est même, plus généralement, inapplicable à lui-même.
    Bonne journée.

    • PUautomne dit :

      Merci pour votre commentaire
      Concernant le principe de précaution, j’ai repris mon Larousse:
      Définitions de précaution
      Disposition, mesure, pour éviter, prévenir un mal, un risque, un danger éventuel : J’ai pris la précaution de lui annoncer ma visite.
      Prévoyance qui fait prendre cette disposition : Prendre un parapluie par précaution.
      Prudence, circonspection nécessaire pour éviter un mal : Agir avec précaution
      Je ne vois pas quoi, il est inapplicable en médecine. Je pense que nous essayons tous d’être prudent dans nos choix thérapeutiques pour limiter les risques que nous faisons prendre à nos patients. Pour moi; le principe de précaution découle directement du « d’abord ne pas nuire » assez classique en médecine. Être prudent ne paralyse pas la prise de décision, bien au contraire.
      Les cases à cocher ont leurs inconvénients et leurs avantages. C’est une question de mesure, en avoir quelques unes c’est utile, trop ça tu le système.
      J’ai la faiblesse de croire en un équilibre entre une attitude systématique (des cases à cocher) qui permet de ne passer à coté de rien et une adaptabilité à la situation (le versant art de la médecine) qui permet de tenir compte de la personne en face de nous.
      Personne n’aime l’équilibre, car on a l’impression d’être tiède. J’assume mon coté tiède. L’équilibre dynamique est la base de la physiologie du milieu intérieur alors je m’y tiens.

  5. Flaysakier dit :

    Il y a une quinzaine d’années un chirurgien a opéré mon oncle d’un cancer du colon avancé. Il n’a jamais dit à mon oncle son etat , ni à sa femme. Il l’a laissé sortir avec l’idée qu’il était guéri. Je lui ai demandé la raison de cette attitude. ‘ Il est mort dans six mois je ne vais pas l’emmerder’. J’ai récupéré le dossier qui a été vu de façon collégiale. Avec une chimio bien supportée mon oncle a vécu 4 ans de plus.
    Alors oui, vive la RCP

  6. lebagage dit :

    C’est exactement ce que j’ai pensé en lisant l’article mais mieux exprimé et mieux argumenté. Je trouve qu’il a pris les mauvais exemples et que son argumentation est superficielle : « c’était mieux avant quand les mandarins faisaient ce qu’ils voulaient ».
    Merci encore pour ce billet plein de réflexions interessantes.

  7. Taoma dit :

    Globalement d’accord avec ces réflexions.

    une petite remarque en forme de boutade : « Malheureusement, nos études ne sélectionnent que les forts, les bêtes de concours, les mâles dominants, ceux qui croient qu’ils savent tout, qu’ils sont omniscients et omnipotents » => heureusement nos études sélectionnent de plus en plus de filles 🙂

  8. Iris dit :

    Que j’aime cet article ! Dans la salle d’intervention chaque professionnel pense à sa mission, son travail, ne pas se tromper, faire les choses bien, la tête dans le guidon, chacun dans son monde ! La check list vient perturber ces petites fourmis qui bossent, déroute les habitudes et oblige le responsable de la CL de vérifier à haute voix, SVP, que tout a été fait en bonne et due forme. Les MAR et IADE doivent répondre de leur respi, les IBODE de leur matériel stérile, le chirurgien du coté à opérer et le patient de son identité. Le CL est collégiale mais la responsabilité est individuelle. Chacun s’engage dans son domaine. Sa contribution à l’amélioration de la prise en charge des patients n’est plus à démontrer.
    Il ne s’agit pas de se « gausser » des patrons qui ne viennent jamais à l’installation des patients ou qui n’ont jamais pris connaissance des dossiers, j’ai envie de dire « quelle tristesse ! »
    Un peu d’humilité ne nuit pas !
    Merci à vous pour ce billet , heureusement qu’il y a des médecins comme vous pour secouer les neurones (et ça bouge !) des lecteurs.

    La femme est l’avenir de la médecine … et
    L’infirmière a toujours été l’avenir des médecins, hommes et femmes 😉
    Bonne soirée

  9. doudou dit :

    sans référence au texte initial que j’imagine bien dans un salmigondis confus de défense de la prédominance chirurgicale,le commentaire permet comme toujours de tirer des réflexions fondamentales sur notre exercice:
    -notre responsabilité personnelle cad assurer la meilleure qualité des soins impose d exercer en permanence une posture critique sur la totalité de notre pratique
    -la recherche de la preuve scientifique adaptée est la base de l EBM ,n’a rien à voir avec l’application d’une quelconque recommandation meme en 1A ou il faut débattre avec le patient de son évaluation du NNT et du rapport bénéfice/risque
    -la complexité du travail,de l »approche polypathologique nécessite souvent le travail en équipe qui n est pas dilution de la responsabilité personnelle mais condition de son exercice sous des règles strictes (exemple des RCP avec les contraintes induites sur la relation médicale)
    -la check list de bloc est un acte d efficacité prouvée dans la prévention des complications donc toute dérive ou refus d application pose souci sauf à argumenter le pourquoi
    je redis là l’intéret du deuxième tome de C Morel » Les décisions absurdes comment les éviter » qui parle précisément de ces sujets, le premier également fondamental parlant des mécanismes de décisions dans l erreur

  10. Jean Valla dit :

    Juste pour dire que je crois qu’une bonne attitude est entre les deux positions, mais qu’actuellement on est plutôt sur le versant « sécuritaire » et donc on en subit la lourdeur. La Check au bloc a toujours été faite au moins mentalement par la majorité des opérateurs. La formaliser n’est pas outrancier, et c’est finalement comme en aviation, ça évite de se poser sur le ventre. Le seul problème c’est que ça fait un enieme papier a remplir pour la panseuse qui passe maintenant sont temps dans les papiers et ne peut plus suivre l’intervention. Il va falloir créer un poste de secrétaire de salle d’op! Pour les staffs de cancero, on pourrait un peu alléger le système, notamment pour les cas évidents, j’avoue avoir abandonné une partie d’activité, en cancero, a cause de trop nombreux staffs et donc de déplacements. Pas le temps, donc je préfère faire autre chose moins chronophage. Pour la recherche et bien oui, il a peut être raison, car comment introduire une nouvelle technique, une nouvelle idée si ce doit être un chemin du combattant pour pouvoir l’appliquer ? Pour les staffs de morbi-mortalité mensuelle, en CHU je les ai toujours connus, sans anonymat, directement exposé, mais au final comme tous les autres opérateurs patron compris. Je ne suis pas certain du rapport qualité/temps. En privé, ce n’est pas anonyme non plus, on en discute le plus souvent entre nous au bloc, ou avec d’autres spécialistes au cas par cas si il y a probleme et on en tire les conséquences sur l’organisation générale. C’est moins formel, plus rapide et les décisions suivent plus rapidement qu’avec une réunion générale qui fait perdre du temps à tout le monde et dont l’efficacité est douteuse. Les cas les plus significatifs sont exposés en réunion commune trimestrielle, pour « exemple » et pour formaliser pour l’administration, mais les décisions importantes organisationnelles pour pallier le probleme sont en général déjà prises.

  11. Marc G dit :

    Bonjour

    J’ai lu avec intérêt tous vos commentaires pertinents.

    Par contre, à aucun moment personne ne s’interroge sur l’auteur de l’article pour mettre en perspective les propos.
    Or chaque écrit est la résultante d’une histoire humaine.
    L’auteur de tout écrit est une personne qui a une, vie, un parcours , une fonction.
    Pour moi, on ne peut pas faire abstraction de la personne et ne considérer l’écrit comme sortant du « ciel des idées ».

    Or ce professeur a écrit récemment dans le Figaro pour défendre le dépistage du cancer de la prostate par PSA , allant à l’encontre des recommandations officielles.
    En lisant ce texte , même si certain arguments sont pertinents, je ne peux pas m’empêcher d’y voir la défense d’un égo contre toute tentative de le limiter.
    Ainsi, je trouve ce texte particulièrement instructif sur le personnage qui écrit et en apprend beaucoup sur lui.

    Je pense que cette vision « bibliographique » ne doit pas être occultée .

    • PUautomne dit :

      Merci pour votre commentaire, ce n’est pas complétement innocent si je rappelle dans mon texte que l’utilisation de la check list a montré son efficacité alors que le dépistage par le PSA…
      L’auteur écrit beaucoup dans la presse, je vous conseille sa défense de l’exercice privé à l’hôpital public, un grand moment.

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