Il y avait chez ce patient, hémodialysé chronique depuis presque 20 ans, un fracture pathologique de la tête fémorale en rapport avec une volumineuse lésion ostéolytique (la petite étoile sur le scanner).
Les orthopédistes ont mis en place une jolie prothèse et l’os a été envoyé en anatomo-pathologie. Les néphrologues avaient demandé une coloration particulière, dont les étudiants ayant passé l’ECN 2013 se souviendront, le rouge Congo. Cette coloration était positive. Le patient présentait une amylose osseuse, le diagnostic a été précisé grâce à des immunomarquages, qui ont montraient qu’il s’agissait d’une amylose à β2-microglobuline.
Voici l’anatomopathologie qui montre le remplacement de l’os par de la substance amyloide ici marquée en brun par un anticorps anti-β2microglobuline.
Cette amylose, en pratique, n’existe que chez l’insuffisant rénal chronique, l’aspect radiologique associé à la durée de l’insuffisance rénale chronique terminale devait faire évoquer ce diagnostic. L’anatomopathologie était indispensable pour s’assurer de l’absence de localisation secondaire. Cette complication se voit de moins en moins. Les patients sont dialysés moins longtemps et l’amélioration des techniques d’épuration conjuguée à une meilleure qualité de l’eau expliquent la diminution de sa fréquence.
Les localisations les plus classiques de l’amylose à β2-microglobuline sont le canal carpien, les articulations (épaule et mains) et au niveau osseux la tête fémorale, les cervicales et le scaphoïde. Il peut y avoir d’autres localisations qui sont plus anecdotiques (viscérale). Le retentissement fonctionnel peut être majeur lié à des fractures mais surtout à des douleurs articulaires dont la prise en charge est difficile.
La physiopathologie de cette amylose reste mystérieuse. L’accumulation de la β2-microglobuline est constante chez l’insuffisant rénal chronique. Normalement cette petite protéine est métabolisée par le rein. Elle est filtrée puis réabsorbée par le tubule proximal où elle est dégradée. Pour mémoire, cette protéine est produite par toute les cellules de l’organisme exprimant des antigènes du CMH de type I. La raison de son organisation en feuillets β-plissés chez l’IRC est inconnue. Il est probable que l’augmentation de sa concentration plus des phénomènes inflammatoires locaux jouent un rôle important.
Ce cas clinique reflète un pan de l’histoire de la néphrologie. Il faut toujours y penser chez les vieux insuffisants rénaux chroniques terminaux avec des problèmes rhumatologiques. Ceci rappelle, aussi, que l’insuffisance rénale chronique entraine des complications très particulières. Le dosage de la β2-microglobuline peut être utilisé comme marqueur pronostic et comme marqueur de la qualité d’épuration.
Pour les étudiants, je ne pense pas que ce type d’amylose puisse donner lieu à un sujet d’examens, quoique avec le nouveau programme qui fait rentrer l’amylose officiellement (item 217), un dangereux pervers pourrait vous poser la question. Franchement je n’y crois pas du tout.
ah ben oui, on aurait du se douter qu’en publiant dans une belle revue ça n’était pas un diagnostic de bizuth… merci pour les explications ! (et en passant si un jour tu peux éclaircir Hyper Para IIr et IIIr j’en sortirai grandi !)
Cas clinique très intéressant, merci.
Ah Ah bien joué 🙂