Quand le copié corrige la copie…

Sur les bancs de la faculté, j’avais la réputation d’être un bon élève. Je n’ai jamais empêché un de mes petits camarades de copier ma grille de réponse aux QCM ou de déchiffrer mes réponses par dessus mon épaule.  Je ne comprenais pas l’intérêt de tricher pour les examens en médecine. On ne se ment qu’à soi même et plus grave au futur patient qu’on devra soigner. Chacun fait avec sa conscience.

Je ne  pense pas avoir une plume particulièrement habile ou élégante, surtout quand j’écris des articles médicaux. J’ai une grande difficulté à écrire, la douleur est réelle. Je suis rarement content de mes écrits qui ne sont jamais assez travaillés du fait de ma maladie chronique, la procrastination.

Une des activités de l’universitaire est la relecture (reviewing) d’articles soumis à des revues à comité de lecture. Régulièrement, je relis et critique. Je ne refuse jamais un article, je demande souvent des révisions majeures. Je suis bon public. J’ai récemment eu une demande de relecture. J’ai lu l’article dans le train la semaine dernière. L’introduction me disait quelque chose, j’avais un sentiment de déjà lu. Je relis et je me dis: « on dirait du moi ». Je n’avais pas mon ordinateur, je n’ai pas vérifié immédiatement. Hier, je me suis souvenu de cet article à relire avec la dead line qui se rapprochait dangereusement. J’ai repris le papier et je bute encore sur l’introduction. Je suis sur de connaitre cette prose. Je cherche un de mes articles, et qu’elle ne fut pas ma surprise de voir les dix premières lignes reprises in extenso. Comme à l’école, l’auteur m’avait recopié, il avait regardé par dessus mon épaule pour écrire exactement la même chose, même mots, même références au mêmes endroits.

ctrl v ctrl c

J’ai ri de bon cœur. J’étais pour la première fois de ma vie plagiée et je devais relire l’œuvre du plagiaire, belle ironie que celle ci. J’étais rassuré de me reconnaitre. J’ai relu plusieurs fois, j’ai fait lire mes collègues, pas de doute, c’est bien du plagiat. Il n’a pas de chance mon copieur, il est tombé sur moi. Je ne savais pas trop comment faire pour dire « y m’a copié ». Je n’aime pas la délation. J’étais flatté de cette copie, une forme de reconnaissance. Que faire? Je ne pouvais pas laisser passer. J’ai laissé l’éditeur à ses responsabilité en lui signalant le passage litigieux et en indiquant ma référence. J’attends la réaction.

J’ai récemment lu un livre sur le plagiat (Petite enquête sur le plagiaire sans scrupules de héléne Maurel-Indart) conseillé par Hervé Maisonneuve. L’auteur décrivait toutes les espèces de plagiaire. Dans mon cas, il s’agit de l’étudiant à la bourre qui voulait faire plaisir à son chef, au vue de toutes les autres coquilles et approximations présentes. J’ai du mal à comprendre pourquoi copier, même moi qui ai tant de mal à écrire je n’y arrive pas. Si au moins il m’avait copié et mis en référence, je n’aurais rien dit. Ça ne coutait pas grand chose. Il économisait même quelques références.

Le plagiat reste pour moi un phénomène étrange. Je ne me sens pas comme une victime dans le cas présent. J’ai eu la chance de le voir avant sa publication. Je pense que je l’aurai très mal pris si j’avais découvert ça après publication. Certains articles du blog ont été pillés par des gens peu regardant sur l’usage de la citation et du lien hypertexte. J’avais été particulièrement énervé et ce n’était que du blog. Il y a un véritable sentiment de vol. J’imagine dans une publication scientifique…

La photo a été trouvée là.

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11 réponses à Quand le copié corrige la copie…

  1. C’est quand même la classe !

  2. Tasha dit :

    Excellent, une relecture par le plagié! Je ne connais que les plagiats de mes étudiants, qui plagient n’importe quoi qui plus est, et sont très étonnés que je m’en rende compte, quand ils ne nient pas l’évidence. Comme c’est la plupart du temps sur des dossiers qu’ils doivent me rendre, je les soupçonne de souffrir, comme moi, de procrastination. Ceci dit, je n’en souffre que depuis que je suis universitaire, quand j’étais étudiante ça allait! Et puis je n’avais pas internet, donc pas de ctrl!

  3. Elijah dit :

    Cher(e) PerrUche,
    ayant trouvé votre blog via Twitter (donc par inadvertance en cliquant sur un lien non-identifié), je me permets de vous faire part de mon expérience professionnelle : Le PommeC-PommeV (oui, je bosse en agence de communication, donc Pomme…) est mon quotidien à marche forcée et est même fortement recommandé.

    Je travaille comme prestataire de labo pharma en tant que concepteur-rédacteur (étant de formation scientifique de base).
    Tous mes écrits (docs d’info pour les médecins, les patients, leurs proches…) sont vérifiés par un service réglementaire et un service médical du laboratoire, consolidé par le dossier biblio PDF, que je dois fournir à ces services, surligné pour justifier chaque assertion (obligatoirement en jaune, c’est la règle, va comprendre pourquoi à l’ère du numérique où les photocopies ne sont plus utiles, mais passons ce détail), voire (surtout) l’ANSM, quand on cause médicament commercialisé par le labo en question.

    Après 10 ans à faire ce métier, j’en suis réduit à faire des copier/coller de phrases d’article et de RCP (même mal écrits) ou de recommandations de la HAS, car on pourrait (va) me reprocher de m’éloigner de la citation originelle, sans spécialement considérer cela comme du plagiat, n’ayant pas d’autre choix que coller à la source.

    Au final dans ce métier et grâce à son évolution de plus en plus drastique, le plus dur c’est de faire que le PommeC-PommeV systématique sur une brochure de 20 à 40 pages soit le moins chiant possible à lire (et avec le plus d’homogénéité possible) pour le public visé (PdS, patients ou autres).

    Des fois, j’envie les rédacteurs d’horoscope, ça doit détendre…

    En tout cas, merci pour votre témoignage, c’était rafraichissant, mes travaux rédactionnels (on monte des études de temps en temps, quand même) en sous-marin (mon nom n’apparaissant pas) ayant déjà été repris en intégralité par des Pr de Médecine pour leurs articles et publiés en congrès internationaux…
    À chacun son copier-coller

  4. Yann dit :

    J’ai eu la même chose, mais ca ne m’a pas fait rire! Autant je comprends la paraphrase, mais pas la fainéantise!
    Une équipe chinoise qui publie une revue de la littérature, et un paragraphe qui me parle, et pour cause! Après quelques googlages, l’article entier était fait de copier-coller de résumés trouvés sur Pubmed. j’ai signalé à l’éditeur en chef, mais pas de réponse…Bien sur, le papier n’a pas été publié.

  5. Ca doit être un moment bizarre à vivre.
    SVP: comment se servir des liens hypertexte? Mon blog est truffé de référence mais c’est un peu lourd.

  6. Shahmaei dit :

    simplement un petit message de remerciement votre lien photo nous a valu énormément de visites
    merci pour la visibilité et l’anti plagiat d’image
    et maisonneuve est en effet une référence en matière de publication scientifique

  7. Expert vert pépère dit :

    Le truc sympathique aussi c’est quand vous découvrez dans une revue à fort impact factor que votre ancien patron a fait un copier collé de votre thèse (à la quelle, certes il a participé et qu’il a probablement aidé à améliorer, c’est sûr) et que vous n’êtes même pas cité dans les remerciements…

    Cerise sur le gâteau, c’est quand un jeune interne a repris la thématique et que je retrouve dans un poster puis dans l’article qui suivra d’autres bouts de la thèse en question, mais on vous explique qu’on a rajouté des patients pour le nouvel article (oui 3 mais les 48 autres c’est ceux que j’ai collecté non ?). Ça fait toujours plaisir… Après avoir fait l’étonné sur cette pratique, je me suis étonnamment retrouvé dans les auteurs du 3ème article sans avoir rien demandé.

  8. Ping : Quand la lutte anti-plagiat tourne à la tarte à la crème | PerrUche en Automne

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