Ce matin, j’ai lu libération, survolé serait le bon mot.
La une du supplément est l’An Foiré 2013. C’est un ramassis des échecs de 2013. Une drôle de façon pour finir l’année et commencer la nouvelle. Passons sur cette passion de l’échec, du déclin, du mauvais qu’entretient Libération et le reste de la presse française depuis quelques années. Une passion française que la critique systématique de ce que nous faisons. Passons sur le jeu de mot digne d’un enfant de 10 ans.
Ce qui m’irrite le plus c’est d’avoir l’impression de lire une tweet list. Snowden au même niveau que Nabilla, la Syrie a droit à une plus petite photo que les défenseurs des blaireaux britanniques, le drame de Fukushima mis en parallèle avec De Caunes. Je comprends mieux pourquoi ce journal perd des lecteurs. Ce n’est pas en se mettant au niveau d’un flux twitter que la rédaction remontera son audiance. C’est un peu déprimant. J’attends de la presse écrite, une mise en perspective, de l’investigation, de l’analyse, comme ce qu’on peut voir dans le NYT. Là rien, un vide intersidéral qui mélange les genres et se rapproche de Voici. Il n’y a aucune hiérarchisation. De peur de rater une pépite de la culture pop, on met tout et n’importe quoi. On ne stimule pas le lecteur, on le tire vers le bas, vers la médiocrité. La presse française a force de parler de déclinisme se met au diapason et va dans le néant.
Quand je vois les énormités qui peuvent être écrites dans la presse grand public sur la médecine, je suis de plus en plus circonspect sur le reste des informations dans les domaines que je ne connais pas un peu, c’est à dire tout sauf la médecine. Un exemple qui m’a fait sourire, dans le Nouvel Observateur, vous savez un de ces hebdo qui classent les hôpitaux.
Pour les non médecins, la fibrillation auriculaire est responsable d’embolie non dans l’artère pulmonaire mais dans les branches de l’aorte. La fibrillation auriculaire est une cause d’accident vasculaire cérébraux. Quand on voit ce genre d’énormité publié, on ne peut être après un sourire qu’avoir peur. Et dire que ces personnes osent juger ce qui est bien et mal ou mérite d’être mis en avant dans le domaine médical.
Heureusement, ma première journée de l’année 2014 a été éclairée par un article publié en Novembre que j’ai découvert grâce à l’excellent site de science.
- Lioumbas, John S., et Thodoris D. Karapantsios. « Effect of increased gravitational acceleration in potato deep-fat frying ». Food Research International 55 (janvier 2014): 110‑118. doi:10.1016/j.foodres.2013.10.044.
Les auteurs de cet article montrent que pour augmenter le croustillant des frites, à température et temps de cuisson constant, il faut le faire à une gravité qui est trois fois celle de la terre. J’ai appris beaucoup sur la physique de la cuisson de la pomme de terre dans un bain d’huile (évaporation, convection, importance des bulles et de la flottaison), ce qui est un sujet de recherche pour le moins original.
La lecture de l’article est amusante et instructive. Pour étudier l’impact de la gravité, ils ont construit une friteuse spéciale qui s’adapte dans une centrifugeuse de l’agence spatiale européenne. Elle permet de cuire une frite calibrée (9.8 × 9.8 × 20.0 mm). Il mesure la température et filme sa cuisson en temps réel. L’épaisseur de la croute est évaluée par deux méthodes (ici en microphotographie).
Je suis franchement incapable de savoir si le papier est de qualité ou pas, car les concepts analysés me dépassent. J’ai trouvé impressionnant les moyens mis en œuvre « juste » pour analyser de façon précise la cuisson des frites. Je ne sais pas si ceci aura un impact sur notre quotidien. Mon petit doigt me dit que le modernist cuisinist ne va pas pouvoir rester insensible à cette stratégie de cuisson en hypergravité. Je vous conseille la lecture des commentaires sur le site de science, qui montre que même ici, certains commentent sans avoir tout lu…
Je vais me permettre une remarque, sur le choix de l’huile et sa température. Ils ont opté pour de l’huile d’olive ce qui est étonnant pour la cuisson de frites. Franchement, je n’aurais jamais eu cette idée, je pense que gustativement c’est un très mauvais choix. Pour le deep frying, il faut à mon humble avis une huile plus neutre. Nous pouvons nous poser des questions sur la reproductibilité de ce travail à nos latitudes et je ne parle même pas de ceux qui font des frites avec du gras de bœuf.
Burger au foie gras chez @bartaire poke @DDupagne (et moi je fais les frites au gras de boeuf !) (et il n’avait pas vu ton menu de Noël)
— nfkb (@nfkb) December 31, 2013
Pour la température, 150°C, ce n’est pas assez pour des frites.
La science m’étonnera et me fascinera toujours. Je trouve important que des scientifiques s’intéressent à des sujets aussi farfelus que la cuisson de la pomme de terre en hypergravité. Ceci semble n’avoir aucun intérêt, peut être qu’ils vont révolutionner notre manière de cuisiner, un jour.
J’espère que cet article recevra un Ig Nobel, à mon sens il le mérite pleinement.
Je vous souhaite une bonne santé pour cette nouvelle année 2014. J’espère qu’elle sera pleine de découvertes et de plaisirs scientifiques.
Hello et bonne année,
1) la diminution de la gravité dans l’espace est vraiment un problème intéressant. Je m’intéresse de plus en plus à l’anesthésie-réanimation dans l’espace grâce à un collègue passionné (http://www.space.com/23962-mock-mars-mission-science.html ) et y’a plein de questionnements : peut-on faire une pneumonie d’inhalation dans l’espace ? comment gérer l’aspiration d’un champ opératoire ? etc. En tout cas j’ai découvert que la science dans l’espace ouvrait des perspectives de réflexions vraiment rigolotes
2) Faire des frites à l’huile d’olive… pfff…. encore des experts qui se sont attaqués à un problème sans demander à la base comment ça fonctionne… le blanc de boeuf est une graisse bien saturée, l’une des matières grasses les plus stables au fil des cuissons et gustativement c’est ce qu’il y a de mieux avec la graisse de canard ou d’oie.
3) Quant aux médias, j’ai eu exactement la même réflexion que toi : « ils simplifient à outrance ou racontent n’importe quoi pour la Médecine, comment leur faire confiance pour les autres sujets ? » ainsi je préfère lire les blogs ou des livres. Je ne lis plus de journaux et je n’écoute plus « les informations » depuis cet été environ, et je m’en porte plutôt bien. Je conseille. Ca fait du bien.
je profite de cette note pour te remercier de la tenue de blog de haute qualité, je sais que ça prend du temps mais tu participes avec générosité à notre enrichissement personnel, pour ça : merci.
Merci pour ce très gentil commentaire.
Et bonne année à toi et à toute ta famille et surtout bonne santé, le plus important.
Je me fais cette réflexion depuis quelques années sur les articles qui touchent mon domaine la psy et l’addicto et ça a bien entaché ma confiance. Infos non vérifiées, idées reçues énoncées comme des évidences/ vérités…Je lis de moins en moins les journaux pour cette raison. Sinon l’huile d’olive c’est très bon mais pour les frites bof… C’est pas comme ça qu’ils auront leur IG Nobel.