Et le journal avec le plus fort impact factor en 2013 est ?

Ça y est le moment tant attendu est arrivé, l’impact factor ou facteur d’impact des revues scientifiques pour l’année 2013 est sorti. Il est calculé de façon assez simple: le nombre d’articles publiés en 2011 et 2012, cités en 2013 est divisé par le nombre d’articles publiés en 2011 et 2012. Par exemple en 2011, ma revue a publié 19 articles, en 2012: 25, en 2013 mes articles de 2011 ont été cités 4228 fois, ceux de 2012, 2922 fois, l’impact factor de ma revue est de 7150/44 soit 162,5 et je suis l’éditeur qui a le plus de nez du petit monde des revues scientifiques. L’IF est fourni par le Journal citation reports.
Pour ceux qui ne connaissent pas, l’impact factor est devenu le couteau suisse de la bibliométrie. Il sert un peu à tout, classement de la renommée des revues (son but initial), classement des chercheurs (si tu publies dans une bonne revue, tu es bon, sinon tu es naze), classement des structures, etc. Il est devenu l’alpha et l’oméga de l’évaluation en sciences. On peut le regretter, le déplorer mais c’est la réalité. Tout le monde regarde l’impact factor de la revue et pas forcément ce qu’il y a dans l’article. Pour le recrutement des hospitalo-universitaires, un pré-requis est la publication en premier ou dernier auteur d’un nombre donné d’articles originaux, disons 5, dans des revues avec un impact factor minimal, disons 3. Pour être recruté, il faut être visible et pour être visible, avoir publié dans des revues avec un IF minimal… Comme vous le voyez, l’impact factor est important pour les chercheurs et pas uniquement pour les éditeurs.
Quel est le journal avec le meilleur IF ? NEJM, Lancet, Nature, Cell, Science, une revue de physique que je ne connais pas, une revue d’archéologie ? Et bien non, c’est un journal que je ne lis jamais. Il s’agit du CA: A Cancer Journal for Clinicians. Il a un impact factor de 162,5, pour vous donner une idée du niveau, le NEJM, la revue biomédicale la plus prestigieuse est péniblement à 54, Nature à 42. Il y a lui et les autres. Vous avez le top 20, là.

IFtopscoreVous remarquerez que parmi les 20 journaux, 10 publient des revues de la littérature et non des articles originaux.
La deuxième chose que j’ai faite est d’aller voir le classement en néphrologie. Nous sommes classés avec les urologues.

IF par catégorie uro nephroBon c’est comme ça, JCR aime bien mélanger les torchons et les serviettes. Vous remarquerez par contre qu’il sépare le cœur et les vaisseaux. Les découpages de champs scientifiques sont assez mystérieux.

catégorie cour vaisseauIci la serviette est urologique car l’European Urology est la seule revue à dépasser un IF de 10. Il faut féliciter la société européenne d’urologie, car il est rare qu’une revue européenne dépasse les américaines. Pour les néphrologues, la meilleure revue est JASN, sans surprise. Le top 20 est là, 5 revues ne publient que des revues de la littérature.

IFtopscoreuronephro2013Je finirai avec la revue qui s’attire régulièrement les foudres de Hervé Maisonneuve, PLOS one. On annonçait une dégringolade de son IF. Elle le maintient au dessus de 3,5 ce qui est plutôt bien, malgré une érosion depuis 5 ans. Je crois qu’elle a trouvé son rythme de croisière et le maintien à ce niveau me parait raisonnable.

ploone IF2013
Vous pouvez aussi vous amuser à sortir les journaux par pays, voici le top 10 en France, nous ne sommes pas de grands éditeurs de journaux scientifiques, une faiblesse certaine…

france IFIl est indispensable de tenir compte de l’impact factor de la revue dans laquelle on veut publier. C’est important pour plusieurs raisons.

En terme de carrière, il est indéniable qu’avoir un NEJM est un plus. Pour les oncologues je ne sais pas ce que signifie le CA. En terme de transmission du savoir, publier dans un bon journal vous permettra de faire connaitre votre découverte plus facilement et d’augmenter son audience au delà du cercle des spécialistes. Pour votre champs de recherche, publier dans un journal avec un bon IF, le place en vue et facilitera les demandes d’argent. En terme de crédibilité pour nouer des relations avec des collègues, on vous fera plus confiance si vous avez publiés dans la meilleure revue de votre spécialité que dans la dernière.

L’impact factor est un tyran. Il oriente la science, il donne un pouvoir important aux éditeurs des revues prestigieuses, sa construction est parfois boiteuse, on pense que seulement un quart des articles tirent l’impact factor vers le haut. Quand on voit CA devant le NEJM, c’est un peu risible quand même. Certains papiers profitent du prestige du journal alors qu’ils n’amènent pas grand chose. Malgré ses limites, il reste un outil utile.

Il ne devrait pas résumer l’évaluation mais s’intégrer avec d’autres critères. Ce n’est pas l’IF qui est le problème à mon avis, c’est la course à l’évaluation. On évalue à tort et à travers, tous les quatre matins. Il est logique que les évaluateurs à qui on laisse de moins en moins de temps choisissent la facilité et regardent la liste de publications et l’IF des revues. Ceux ayant un peu réfléchi à la bibliométrie regardent le classement dans la spécialité, les autres le chiffre brut.

JASN dans la speTant que nous serons dans une « évaluite » à la petite semaine sans laisser du temps aux examinateurs, on aura la dictature de l’IF, autres facteurs H et j’en passe. Le problème n’est pas l’outil mais celui qui le tient. Alors amusez vous bien avec l’IF.

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5 réponses à Et le journal avec le plus fort impact factor en 2013 est ?

  1. JuliaCS dit :

    Merci pour l’analyse, c’est très agréable de vous lire.

  2. La Plume d'Asclépios dit :

    Article très intéressant, merci pour cette agréable lecture. Je vous rejoins sur le point qu’un outil, aussi utile soit-il doit être utilisé à bon escient. Une leçon aussi vraie en recherche que dans la pratique clinique et qui, malgré son apparente évidence, n’est pas toujours respectée.

  3. Séjalon dit :

    Qu’en est-il pour les sciences humaines et pour l’archéologie en particulier ?

  4. Ping : Comment augmenter son impact factor de 1721,947% ? Ou les malheurs de la bibliométrie | PerrUche en Automne

  5. Mukadi dit :

    Ravis de cette lecture. Peux je avoir une idée sur l’IF des revues francophones? En Santé publique svp.

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