Dans le NEJM du jour, vous pouvez lire un magnifique article sur le risque de survenue d’événements cardiovasculaires dans 17 pays en fonction de leur richesse. nejmoa1311890 nejmoa1311890_appendix(1)
Les auteurs ont distingué trois groupes de nations, riche (Canada, Suède et Émirats Arabes Unis), intermédiaire (Argentine, Brésil, Chili, Chine, Colombie, Iran, Malaisie, Pologne, Afrique du Sud et Turquie), pauvre (Bangladesh, Inde, Pakistan et Zimbabwe). Les chercheurs ont inclus 156 424 personnes dans un suivi observationnel prospectif de plus de 4 ans se focalisant sur la survenue des événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde (IDM), AVC, insuffisance cardiaque, décès d’origine cardiovasculaire (CV) et les événements CV non majeurs). Les auteurs comparent aussi les populations en fonction de leur lieu de vie: urbain ou rural. Le risque cardiovasculaire est déterminé par le score INTERHEART qui repose uniquement sur des données d’interrogatoires ou d’examen clinique. Ce score va de 0 (risque faible) à 48 (risque fort). Les résultats sont ajustés pour l’age et le sexe. Dans les matériels et méthodes une phrase capitale est présente:
« Given the multiplicity of comparisons, P values should be interpreted cautiously, except when they are very small (e.g., P<0.001). »
Nous aimerions la lire plus souvent.
La simple lecture du tableau 1 est passionnante. Nous voyons se dessiner des populations différentes et les répartitions des facteurs de risque en fonction des pays et des sexes est très intéressante. Un exemple, l’obésité si dans les pays riches 25,6% des hommes et des femmes ont un BMI>30 (obèse), dans les pays intermédiaires c’est 14,4% des hommes et 21,6% des femmes et dans les pays pauvres on tombe à 4,9% des hommes et 11,6% des femmes. Les données sur le stress sont aussi amusantes avec 30% des riches qui déclarent des périodes de stress contre 10-12% des moins favorisés. J’ai du mal à imaginer qu’on est moins stressé au Pakistan qu’en Suède, mais bon ceux sont les résultats. Il faut lire ce tableau et vous découvrirez que le tabagisme fait des ravages chez les hommes des pays pauvres et intermédiaires.
Plus on est riche, plus on a un risque cardiovasculaire (INTERHEART) important (riches (12.89; 95% [CI], 12.79 à 12.98), intermédiaire (10.47; 95% CI, 10.43 à 10.50), et pauvre (8.28; 95% CI, 8.23 à 8.34) (P<0.001)) mais moins on meurt de pathologie cardiovasculaire (riche (2.43 décès pour 1000 personnes année de suivi), intermédiaire (5.59 décès pour 1000 personnes année de suivi), pauvre (9.23 décès pour 1000 personnes années de suivi). Il y a le même phénomène pour l’infarctus du myocarde et les événements cardiovasculaires majeurs. Par contre plus on est riche, plus on a des événements cardiovasculaires non majeurs (riche (3.69 événements pour 1000 personnes année de suivi), intermédiaire (1.72 événements pour 1000 personnes année de suivi), pauvre (1.10 événements pour 1000 personnes année de suivi)(P<0.001)).
Deux autres résultats sont très intéressants, le risque de mourir quand on fait un événements cardiovasculaires (case fatality) est moindre quand on vit dans un pays riche (6,5%) que dans un pays intermédiaire (15,86%) ou pauvre (17,28%). Dans les pays intermédiaires, le « case fatality » est moindre quand on vit en zone urbaine comparée à une zone rurale, alors qu’il n’y a pas de différence pour les deux autres groupes de pays.
Cet article est le fruit d’un immense travail épidémiologique. Il montre une franche inégalité entre pauvre et riche. Nous pouvions nous en douter mais il a le mérite de donner des chiffres. Comment expliquer qu’avec une charge en facteurs de risque plus importante les riches ont moins de pathologies cardiovasculaires et en meurent moins? Je vois deux hypothèses.
- L’accès aux médicaments et aux soins en général prévient les événements, ceci est donc en faveur d’une politique de dépistage et de prise en charge agressive des facteurs de risque cardiovasculaire. On comprend mieux l’intérêt des généreux donateurs, philanthropes dont on voit la liste en fin d’article.
- L’autre hypothèse est que nous ratons des facteurs de risque dans les pays les plus pauvres ou que nous surestimons le poids de certains dans les pays riches. Il est possible que l’exposition à des toxiques dans les pays les plus pauvres, ou à des infections puissent s’associer à une augmentation de la survenue des événements cardiovasculaires.
Les deux hypothèses ne s’excluent pas et à mon avis se combine. Pour la première, les résultats des analyses de case fatality sont en faveur du poids de l’intervention thérapeutique pour réduire la mortalité quand un événement survient. La différence entre urbains et ruraux dans les pays intermédiaires, va dans le même sens. Pour la deuxième hypothèse, il est amusant de regarder la cholestérolémie dans les différents pays (elle n’a pas été intégrée comme facteur de risque car manquant chez 25% des patients). Les riches ont plus souvent une hypercholestérolémie que les pauvres alors qu’ils prennent plus de statines. Et si l’hypercholestérolémie n’était pas un facteur de risque si important…
L’article ne permet pas de répondre à la question pourquoi ces différences? Il fait un état des lieux inquiétant pour les pays les plus pauvres. Je pense que l’accès aux soins en particulier pour la prise en charge des pathologies avérées (infarctus du myocarde) dégagent un bénéfice pour le patient. Il vaut mieux faire un IDM à Stockholm que la campagne pakistanaise.
Pour paraphraser la morale de la fable qui a donné son titre à cette note, je finirai ainsi:
Selon que vous serez riche ou pauvre,
L’accès au soin vous fera mort ou vivant.