Et un peu de cardiologie velue

Dans une autre vie, je me suis, un peu, intéressé à la polykystose rénale autosomique dominante et au cil primaire. J’ai, un peu, publié sur le sujet. Mon dernier travail portait sur un phénotype cardiologique associé à un gène de ciliopathie. J’avais essayé alors de convaincre des cardiologues de s’intéresser à ce sujet. Je n’avais pas été très convaincant, puis j’ai changé d’orientation scientifique.

J’ai lu avec plaisir un très bel article publié dans Nature. Un des co-auteurs est G. Pazour, celui qui montra pour le première fois l’importance du cil primaire dans les maladies kystiques rénales à partir d’un modèle animal original, chlamydomonas. Ici, les auteurs ont utilisé la puissance de la mutagenèse chimique aléatoire (ENU) pour identifier des mutants avec des anomalies cardiaques transmises de façon autosomique récessive.

En pratique, ils ont fait des échocardiographies fœtales à plus de 87355 souriceaux in utero issues de 2651 lignées. Ils ont  identifié 218 mutants avec une cardiopathie congénitale. Cette approche évite de rater les anomalies associées à une létalité post natale. Les cardiopathies sont toutes confirmées par une autre approche, imagerie ou anatomopathologie. Le séquençage du génome de la lignée a permis de trouver le gène muté dans 91 cas de cardiopathies congénitales de transmission autosomique récessive.  61 gènes sont mutés. Dans 30% des cas, il est associé une hétérotaxie (anomalie de la latéralisation droite gauche). Les anomalies les plus fréquentes sont des double outlet right ventricules (DORV) et des anomalies du septum atrioventriculaire. Trente quatre des 61 gènes codent pour une protéine avec un rôle dans le cil, 22 sont impliqués uniquement dans la fonction du cil primaire. Quinze sur 61 codent pour une protéine impliquées dans la signalisation. Dix gènes sur 61 codent pour des protéines jouant un rôle dans l’endocytose ou la vésiculation. Les autres sont impliqués dans la transcription ou jouent sur la chromatine ou dans la composition de la matrice extra-cellulaire. Les découvertes de ce remarquable papier sont résumées dans cette figure.

nature14269-f2De nombreux gènes mutés sont responsables de pathologies chez l’homme.

Un des résultats qui m’a le plus intéressé concerne Pkd1. Les KO pour Pkd1 ont une cardiopathie, il a été décrit des anomalies du septum avec  ventricule unique. Il n’y a jamais d’hétérotaxie alors que chez les mutants Pkd2, elle est fréquente. Chez l’homme le fait d’avoir une mutation dans PKD1 est responsable de kystes rénaux, hépatiques mais aussi d’une cardiopathie. Dans 20 à 25% des cas, il est retrouvé une valvulopathie le plus souvent mitrale. Un trait phénotypique particulier des patients avec une polykystose rénale autosomique dominante est la précocité de l’apparition d’une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG). Dans mon cours sur la PKD, je parle toujours de l’HVG comme une complication de la maladie. J’ai la conviction, sans preuve, que c’est une maladie des épithéliums mais aussi des cellules musculaires lisses et du myocarde. Cet article de Nature retrouve dans la lignée muté pour Pkd1 (p.I3695N) uniquement une hypertrophie biventriculaire au niveau cardiaque. Ceci est très cohérent avec ce que nous observons chez l’homme, bien que dans la supplementary data 1 ils allèguent qu’il n’y a pas d’anomalie cardiaque chez l’homme avec une mutation dans PKD1. L’isoleucine mutée est conservée chez l’homme, il n’a jamais été décrit de mutation à cette position (I3705). Ce phénotype murin confirme le rôle original de la polycystine-1 dans le contrôle du volume myocardique des ventricules. Il y a probablement une piste pour comprendre comment l’HVG se développe, chez des patients sans anomalie des polycystines. La biologie du développement a beaucoup à nous apprendre.

Je vous conseille la lecture de ce papier, surtout si vous êtes cardiologue. Il vous montrera l’importance de la fonction du cil dans votre organe préféré. J’ai la faiblesse de croire que son rôle ne s’arrête pas à la formation du cœur.

 

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