Charité bien ordonnée…

J’ai lu avec amusement la dernière note du cavalier qui se cache derrière « bruit des sabots ». Les commentaires sont croquignolets. J’ai trouvé l’ironie de l’histoire rafraichissante.

Plein de proverbes me sont venus à l’esprit:

« Qui vit pas l’épée périra par l’épée »,

 » L’argent n’a pas d’odeur »,

« En acceptant ce à quoi tu résistes, tu peux ensuite transformer ta vie »,

« C’est dans les fesses molles que s’enfoncent les épines. »

J’aime ce genre d’histoires. Je ne donnerai aucun conseil à ce jeune homme. Je lui dirai juste de faire ce qui l’amuse en se foutant un peu du quand dira-t-on.

Après cette première phase d’amusement venant de mon mauvais esprit, j’ai été choqué.

Choqué par le fait qu’une personne qui défend des positions claires, éthiques, de non compromission, premier à donner des leçons de maintien sur l’importance de ne pas être contaminé par le grand méchant loup big pharma, se pose simplement la question d’accepter un poste où forcément son indépendance sera remise en cause. Les commentateurs, tous de grands pourfendeurs du lien d’intérêt, expliquent, que dans ce cas, en fait, il sera pas influencé car lui il est bien. Avoir la pleine conscience de ses liens d’intérêts ferait qu’on échappe au conflit, un joli concept assez novateur, que je n’hésiterai pas à resservir.

Oublié les études démontrant que même un stylo donné créé un lien de dépendance et pollue la pureté de la prescription.

Oublié le refus de la VM.

Oublié le scandale des petits déjeuners dans le grand méchant CHU payés par un labo qui transforment les pauvres étudiants innocents en suppôt de satan.

Depuis des années, les pourfendeurs du lien d’intérêt expliquent que la moindre compromission, le moindre pain au chocolat ou part de pizza payé par l’industrie génère une soumission. Dans ce cas, je ne sais quel miracle, avoir son salaire payé par l’industrie et l’université, les deux institutions qui se placent sur le podium du mal absolu du « pourquoi la médecine en France va mal », ne poserait pas de problème et n’entrainerait aucun risque de subordination. J’ai du rater un épisode.

Les mêmes se moquent de ceux qui disent qu’en mangeant à tout les râteliers il n’y a plus de conflits. Je souris.

L’entrisme, cette vieille stratégie trotskiste, a très rarement fonctionné pour ne pas dire jamais. Les institutions sont fortes, elles modèlent les gens, elles les absorbent, les utilisent. Croire qu’on échappe à la puissance institutionnelle, qu’on peut être un franc tireur en son sein est illusoire. Même super Even a du attendre de quitter ses fonctions de doyen pour découvrir la gangrène pharmaceutique.

Je comprends le désir du poste, de rentabiliser l’investissement intellectuel, d’avoir une reconnaissance, c’est profondément humain et rassurant.

« Choisir, c’est renoncer. » André Gide

Je crois que nous pouvons faire confiance à ce spécialiste.

Maj 18/10/2015, je vous conseille la lecture de cette note sur le même sujet.

 

 

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25 réponses à Charité bien ordonnée…

  1. Dr.Niide dit :

    Tout d’abord je déclare mes conflits d’intérêts. Enseignant de médecine générale, je suis défends le développement universitaire de la médecine générale. Mon autre conflit d’intérêt peut sembler bénin mais j’y reviendrais, j’apprécie les positions de Bruit des sabots même si je ne les partage pas toutes.
    J’ai en effet répondu aux interrogations de Bruit des sabots sur son blog au sujet du conflit d’intérêt que créerait l’acceptation de ce poste financé par une association de médecins libéraux. Ma réponse mettait en avant la capacité de l’auteur du blog à distinguer le conflit d’intérêt.
    Les conflits d’intérêt sont un phénomène complexe. Il est clairement démontré comme tu l’écris que les »petits cadeaux » contribuent autant à influencer. Mais limiter les conflits à ces « cadeaux » grands ou petits est une lourde erreur. Personne n’est exempt de conflit d’intérêt et les conflits financiers plus faciles à identifier ne sont pas les plus prégnant.
    Pour prendre un exemple d’actualité, les défenseurs farouches d’octobre rose ne le sont pas par intérêt financier, ou peu le sont, mais par conviction déraisonnable, on peut même parler de foi.
    Identifier et déclarer des conflits d »intérêt est une étape indispensable mais insuffisante. Quoi que l’on fasse nous aurons toujours des conflits d’intérêts. J’ajouterais que l’opposition systématique à « bigpharma » devient pour certain un conflit d’intérêt bloquant la réflexion à une posture qui empêche une analyse rationnelle.
    Ce qui est dérangeant avec les réglettes ECG, les petits pains, les fascicules distribués dans les services est qu’ils créent une habitude de dépendance conduisant à une recherche ultérieure systématique de financement. Je me suis un temps attiré les foudres de mes confrères de tour de garde en refusant que la collation soit payée par les labos et en demandant à chacun de participer.
    Mais pour revenir à mon préambule, les conflits d’intérêts les plus prégnants sont ceux de nos convictions, nos croyances, nos principes. Il est impossible d’y échapper, mais ils est indispensable de les identifier et de les déclarer.
    Enfin il ne me semble pas qu’il s’agisse d’entrisme dans cette situation, mais plus de fixer un degré de concession ou selon sa perception de compromission acceptable pour son éthique personnelle

    • PUautomne dit :

      Je suis tout à fait d’accord sur le fait que nous sommes obsédés par les conflits financiers qui nous empêchent de voir les autres conflits qui ont finalement beaucoup plus d’impact sur nos choix et pratiques. Cette obsession de l’argent est un bon reflet de notre société qui pense que tout se monnayent et ne comprend pas vraiment le choix de certains qui se basent plus sur la foi ou du moins des convictions profondes.

  2. DrHope dit :

    Et si on mange sans savoir qui paye ? #Vraie question (je vais parfois aux staffs du grand CHU à côté de mon cabinet, impossible d’échapper aux labos (sauf si je refuse de manger et que du coup je signe pas, ce que je pourrais faire on est d’accord)…) Quand on voit que TOUT le monde (du « petit » externe au grand professeur) se sert au buffet … que penser ? Quelle(s) alternative(s) proposez-vous ?
    DocteurHope, MG installée à Paris depuis 4 ans et demi

    • PUautomne dit :

      Je vais répondre juste à la dernière question. Une alternative existe, c’est la prohibition totale. Nous savons ce que donne les politiques prohibitionnistes. Avant de la prôner, je conseille l’écoute de concordance des temps sur chicago. Nos tutelles nous poussent fortement à un partenariat public privé, car la population ne veux pas plus d’impôts pour payer tout ce dont nous aurions besoin pour travailler dans des conditions correctes. Je ne parle pas de la pizza que chacun pourrait payer de sa poche.

  3. docteurdu16 dit :

    Bonjour,
    Votre commentaire est méchant.
    Mais en creux il veut bien dire ce qu’il veut dire : tout est dans tout et réciproquement, que la vie est faite de compromissions et que le summum de l’intelligence est de slalomer entre les conflits en enjambant les portes ou en les ratant en faisant attention à ne pas se faire prendre par la patrouille.
    B se pose des questions éthiques et vous lui renvoyez à la figure un cynisme qui signifie en réalité (déni de soi) que la médecine est pourrie jusqu’à la moelle et qu’il vaudrait mieux ne pas s’engager dans la carrière quand on est un pur puisqu’on risque à chaque moment de se balkanyser.
    Bonne journée.

    • PUautomne dit :

      Je n’ai pas le sentiment d’être méchant avec cette note mais juste d’énoncer des faits. Oui les structures sont fortes, sont résistantes, on peut les changer, mais il faut accepter de mettre les mains dans le cambouis, accepter de courber l’échine à des moments, savoir prendre du temps, mais en gardant un objectif. Il peut être différent d’une personne à l’autre plus ou moins altruiste. Je ne crois pas en la sainteté.
      Quand je dis de faire ce dont il a envie au fond de lui, je pense que c’est la seule chose importante mais la plus difficile. Définir ce que l’on désir profondément et se donner les moyens d’y arriver.
      La médecine n’est qu’un reflet de la société. Je ne crois pas qu’elle soit plus pourrie que d’autres lieux ni plus vertueuses.
      Accepter que nous ne sommes pas tout blanc ni tout noir que nous avons nos parts d’ombres que notre identité est mouvante, fluctuante, pas une et indivisible gravé dans le marbre, c’est terriblement humain et je crois que ça m’intéresse plus que tout.
      Alors si prévenir de certaines choses est méchant, j’assume je suis méchant, bien que je ne crois pas que le problème se pose en ces termes dichotomiques de méchant et gentil.

  4. Monocyte dit :

    Bonjour,

    Le pbl d’aujourd’hui n’est pas la gangrène des labo, ce n’est pas non plus parce que l’on reçoit un stylo d’un labo que l’on va se sentir obligé de prescrire des médicaments inutiles (malgré ce qu’en disent les études ou le biais de l’instigateur de la dite étude joue son rôle), le pbl de la médecine d’aujourd’hui c’est que l’on n’accepte plus le risque, on se cache derrière des reco, des guideline HAS, et on prescrit des ttts à l’utilité parfois douteuse pour éviter de se retrouver en porte à faux en cas de plainte du patient ou de sa famille. L’industrie pharmaceutique est certes intimidante et influente dans les hautes sphères, elle n’a pas pour autant une telle emprise sur les médecins/étudiants avec leurs libre arbitre ou alors il faut se questionner sur le sélection de ceux ci au cours du cursus…

    Quand au citation de fin je citerai Voltaire dans la Bégueule : « le mieux est parfois l’ennemi du bien ».

  5. fluorette dit :

    Je ne sais si B devrait accepter ce poste ou non, sachant combien il sera difficile pour lui de tenir sa ligne de conduite.
    Personnellement, j’ai longtemps côtoyé tout ça à la fac, bénévolement, sans y entrer vraiment avec un lien financier. Et j’ai fait le choix de me tenir à distance. Résultat : je suis blanche comme neige, mais je n’ai rien changé. Je fais mon boulot du mieux que je peux, mon petit boulot de médecin généraliste, pouilleux de la campagne, en me formant de façon la plus indépendante possible, je continue d’écrire (rarement) mes petits posts en espérant que ça peut changer la vision de certains, et après je rentre à la maison et je taille mes arbustes, je repeins ma cuisine, je vis égoïstement ma vie. Je ne change pas la médecine, je n’influence personne, je ne sensibilise aucun étudiant à tous ces questionnements auxquels j’ai été confrontée de façon trop tardive. Parce que oui, externe, j’ai bouffé des petits pains au chocolat offerts par Mr Antihypertenseur dont je ne sais même plus le nom.
    On décide pour moi de mon avenir à des réunions dans les hautes sphères où le financement est probablement sale. Et quand je vais crier mon désarroi dans la rue, mon ministère refuse de nous recevoir, nous faisant bien sentir que nous n’avons aucune influence.
    Alors que faut-il faire ?
    Laisser les places où on peut faire bouger les choses financées par « le mal » à ceux qui ne se posent aucune question et qui vont laisser le système sans que rien ne bouge, comme je le fais.
    Ou tenter de changer certaines choses en perdant son intégrité et sa blancheur ?
    Je pose sincèrement la question : que faut-il faire ? Je ne sais pas.
    Mais je crois que tu te trompes, et que justement il est conscient que ce financement l’influencera. Ça rend ce choix difficile. Et la première personne auprès de qui il tente de se justifier c’est lui-même
    Bien sûr que s’il accepte, il ne sera pas indépendant, même en essayant de l’être de toutes ses forces. Et nous ne savons pas s’il justement, s’apercevant qu’il ne peut pas tenir sans abimer ses convictions, il ne changera pas d’avis par la suite.
    Mais quand tu souhaites vraiment faire bouger les choses et que ça entre en conflit avec un choix pareil, c’est extrêmement douloureux.
    Alors tant mieux si ça te fait rire, mais moi je suis consternée que depuis que j’ai quitté tout ça , rien n’ait changé, qu’il n’y ait pas de financement public, que l’influence soit si grande…

    • PUautomne dit :

      Merci pour ce commentaire intéressant. C’est ma nature de sourire et de rire de tout, la vie est suffisamment triste pour ne pas en rajouter une couche en faisant la gueule. Je sais de quoi je parle. Le choix n’est pas si difficile que ça. Bien sur qu’il faut qu’il accepte et qu’il se batte pour ses convictions. Je préviens juste et je m’amuse un peu.
      Si tu es consterné que rien ne change, dis toi que ce n’est pas prêt de changer, pour la simple est bonne raison que dans notre vision actuel la puissance publique c’est le mal. On nous pousse de plus en plus à trouver du financement privé pour tout. De nombreux appels d’offres ne sont ouverts que si tu a un partenaire industriel. A coté de ça on t’explique qu’il faut faire attention aux liens d’intérêts quand tu discutes avec une VM.

  6. ANO dit :

    Bruit des sabots est qqn de bien . En ce moment il lutte entre l’envie de ce poste et sa conscience professionnelle. Il est jeune.Vous n’avez pas le droit de le « casser » comme vous faites. Le plus malheureux , c’est lui..Je ne voudrais pas etre à sa place…

    • PUautomne dit :

      Je ne casse personne, j’apporte ma contribution à une discussion. Quand on rend public ses réflexions on s’expose. Je me suis suffisamment pris de commentaires peu amènes pour le savoir. Des personnes sont d’accord, d’autres moins, d’autres pas du tout. C’est de la diversité que pourra naitre une solution pas d’un unanimisme mou. Si on ne veut que du réconfort ce n’est certainement pas sur le réseau qu’il faut venir. Il a ouvert une discussion intéressante, je contribue. On apprécie ou pas ma position, je l’accepte, c’est la loi du genre.
      J’aimerai que tout le monde me dise que c’est bien et formidable ce que tu écris. Mais avec le temps j’ai compris que les commentaires qui ne partageaient pas mes opinions m’enrichissaient plus en m’obligeant à sortir un peu de mon moule de pensée.
      La diversité est importante.

      • Je te rejoins tout à fait et c’est une des raisons pour lesquelles je blogue. Je déteste les débats oraux. Je n’y suis pas à l’aise.
        Mais ce qui est étonnant dans les commentaires, c’est qu’ils renvoient une image de soi que l’on ne s’imagine pas diffuser.
        Le plus surprenant a peut-être été sur Twitter, avec quelque chose comme « en tant qu’exemple, tu ne peux pas… »
        Mais exemple de quoi ? De qui ? Pour quoi ? Pour qui ?
        Un blog me semble plus une forge d’opinions qu’une tribune Jacobine. Les idées sont chauffées à blanc, martelées avec plus ou moins d’animosité, et il en ressort ce qu’il en ressort. Pour le meilleurs et pour le pire. Mais je n’ai jamais été déçu. Mais quand ça a castagné sévère à l’époque de la pétition. Encore une fois, je pense que si on entretient un blog d’opinions, c’est qu’on a le cuir épais.
        Bref. Un débat riche. Merci de le catalyser… 😉
        A bientôt dans la zone de ruck.

  7. CMT dit :

    Vous oubliez plusieurs détails, cher confrère. Si Benoit Soulié n’avait pas lui-même recherché les liens d’intérêts de l’URPS qui finance son poste, il y a des grandes chances que ni lui, ni personne, ne les aurait jamais remarqués. Nous ne serions alors pas là, à débattre du sujet.
    D’autre part, il me semble que le financement par l’URPS ne signifie en rien que celle-ci ait le droit d’influer sur les orientations en matière de pédagogie ou de recherche du médecin qu’elle finance.
    Si toutefois elle essayait, BS serait sur ses gardes et totalement en droit, je crois, de les envoyer paître. Au risque, bien sûr, de perdre son poste. Dans certaines circonstances il est permis et même recommandé de mordre la main qui vous nourrit. Du moment que les choses sont tout à fait claires…
    D’autre part, le cas me semble bien moins problématique que les relations directes quotidiennement entretenues par les laboratoires pharmaceutiques avec un grand nombre de médecins hospitaliers, leur implication dans des essais cliniques, leur participation aux conseils scientifiques des laboratoires, les »formations » rémunérées et supervisées par les laboratoires, les conventions où les médecins s’engagent directement à rendre un service au laboratoires contre rémunération, qui ont une influence directe sur les risques que ces mêmes médecins vont faire prendre aux patients, en les incitant à s’engager dans un essai clinique, en incitant leurs confrères à prescrire ou les patients à prendre un médicament dont le rapport/bénéfice risque est mauvais.
    Un cas d’un médecin hématologue incitant une jeune patiente présentant une LMC à entrer dans un essai clinique pour le Tasigna (traitement de première ligne) alors que son prédécesseur du même laboratoire Novartis, le Glivec, est généricable depuis 2013. De grosses pertes en perspective pour Novartis qui doit s’empresser de remplacer son excellent Glivec par un autre médicament qui lui rapporte autant . La HAS n’a pas confirmé d’avantage du Tasigna sur le Glivec.
    Je regarde les publications de ce médecin sur Pub med, il en a signé plus de 400. Je regarde ses conflits d’intérêts sur la BDP transparence santé, il a reçu en 2 ans et demi 105 avantages totalisant à vue de nez 25 000 à 30 000 euros (certain avantages représentent 4000, 5000 ou 7000 euros) et a signé 51 conventions, qui, elles, peuvent représenter facilement plus de 100 000 euros.
    Donc, je ne m’oppose pas aux conflits d’intérêts pour des simples raisons morales. Je m’y oppose parce que les conflits d’intérêts biaisent les décisions et l’influence des médecins au détriment des patients. Et aussi parce qu’ils promeuvent l’incompétence, qui, en médecine , est indissociable de l’éthique.
    La compétence technique n’est rien, en effet, si vos conflits d’intérêts vous conduisent à favoriser des médicaments parce qu’ils font plaisir au labo qui vous paie au détriment de l’intérêt des patients.
    Les labos n’ont pas besoin de gens compétents, surtout pas. Ils ont besoin de gens dociles car aveuglés par leur avidité et leur ambition.
    Or BS, n’accepte pas d’être au service des laboratoires comme le font beaucoup de médecins hospitaliers et, d’autres part, il s’est armé jusqu’aux dents pour résister aux pressions. A 30 ans, il a largement dépassé le niveau de compétences de beaucoup de vieux professeurs qui se pavanent et se croient naturellement immunisés contre les conflits d’intérêts. Avez-vous vu sa thèse ? https://drive.google.com/file/d/0B6wNYrapBqhXR3VWNjV2TXN0czQ/view
    Dans le côté désagréable et mesquin de votre billet je perçois confusément de l’envie.
    Et vous, vous en êtes où avec les conflits d’intérêts ?

    • PUautomne dit :

      Merci pour ce commentaire et vos compliments sur les qualités de ma note.
      Pour sa thèse, j’avais rapidement survolé son travail qui est très intéressant effectivement.
      Sur les conflits d’intérêts je partage totalement votre opinion. J’ai une chance et un malheur dans ma spécialité. Nous n’avons jamais beaucoup intéressé l’industrie et nous avons peu de molécules à notre disposition et si on prend un lieu à fort enjeu comme la prescription érythropoïétine. Si l’industrie n’avait pas fait les travaux dont le but, ne nous voilons pas la face, étaient d’augmenter la prescription, nous serions toujours dans l’utilisation de fortes doses pour des objectifs d’Hb sans grand intérêt. Alors oui participer à des essais sponsorisés par l’industrie peut être intéressant pour les patients. D’autres sont totalement futiles, je sais.
      Pour continuer avec mes conflits d’intérêts, récemment j’ai accepté de participer à des réunions pour une nouvelle molécule qui va être commercialisée. Je préfère être dans la boucle pour faire passer mes messages sur cette pathologie qui a occupée quelques années de ma vie plutôt qu’en dehors. Le fait d’être invité me pose problème, mais si c’est le prix à payer pour que mes collègues n’utilisent pas cette molécule n’importe comment je suis près à le faire. Je pense assez bien comprendre les questionnements de B. Je suis conscient de ce que ceci va induire quand à ma prescription. Pour cela je suis en train d’écrire des lignes directrices pour les médecins du service qui tiennent compte de la littérature pour savoir à qui prescrire ou pas. L’intérêt de ce médicament et que vu son profil d’effets secondaires les patients auront clairement leur mot à dire très, très vite.
      Je pense que les pires conflits d’intérêts sont cognitifs encore plus que financiers. J’ai un domaine de recherche, je suis convaincu de la pertinence de mes travaux. Quand je dois reviewer un papier qui ne va pas dans le sens de mes vues. Je dois faire un véritable effort pour ne pas me laisser submerger par ma subjectivité et m’en tenir à l’analyse froide des matériels et méthodes, des résultats. Je crois être assez conscient de la problématique du conflit d’intérêt.
      Vous oubliez vous aussi un détail, il a rendu public ses réflexions. Elle rentre ainsi dans le champs de la discussion. Pour moi, c’est un peu comme terrain de rugby. On se met des mines pendant 80 minutes mais ça n’empêche pas de respecter les gens et d’aller boire un coup après. Au delà ce que soulève toutes ces discussions est une vision autour de nos identités numériques. Sommes nous seulement ce que nous montrons à travers nos notes, tweets ou je ne sais quoi, où sommes nous plus complexes? J’opte pour la deuxième solution. Je ne raconte pas tout sur les réseaux de ma vie et heureusement. Je fournis une image, comme tout le monde.
      Il faut bien se distraire, au sens pascalien du terme.
      En tout cas B. a de la chance d’avoir autant d’amis bien attentionnés. Je dois être un peu jaloux 😉

      • CMT dit :

        Je ne sais pas pourquoi je n’arrive pas à vous répondre directement (mes connaissances techniques sont limitées, il y a quelque chose qui bloque.

        Je voulais vous dire ceci: nous sommes forcément plus complexes, et je pense que Benoit Soulié le sait très bien, c’est pourquoi il se méfie autant de lui-même.

        Si j’arrive à contenir la prégnance des conflits d’intérêts et à mettre mes actes et mes discours en adéquation, ce n’est que par des efforts constants et non de par ma sainteté naturelle.

        C’est d’ailleurs, une des premières choses qui est mise à mal par les relations avec les labos, il me semble: le sens de l’effort, car dans cet univers tout est facile: les croissants tombent du ciel le matin, vous allez aux congrès sans débourser un sou, vous signez des tas de publications auxquelles vous n’avez pas contribué…

        Mais vous, qui êtes enseignant, vous devez comprendre le devoir d’exemplarité envers les plus jeunes, compte tenu de l’influence massive des conflits d’intérêts avec les firmes sur les pratiques.

        Les biais d’intérêt sont certes cognitifs, mais le cognitif est intimement lié aux conflits d’intérêts financiers et autres (amicaux, p exp) délibérément promus par les labos. C’est justement le sujet de la thèse de BS.

      • Ben dit :

        Y’a-t-il même en France des essais qui se font sans les laboratoires pharmaceutiques ? Même dans les essais académiques, nous avons besoin qu’ils financent ou fournissent gracieusement la molécule nouvelle (surtout vu leur prix).
        Quand j’ouvre un essai dans mon service, je me pose les 2 questions : est-ce utile au patient, est-ce que j’accepterai pour un proche ou moi l’essai ?
        Certains peuvent maintenir une politique de zéro relation avec les laboratoire, c’est leur choix et je dirais tant mieux pour eux. En attendant, je n’ai pas les moyens de le faire sinon, je ne participe à aucun essai clinique, je n’ai pas les moyens de financer mon congrès annuel aux Etats-Unis… Je prends, j’essaie de rester à jour et ça me permet également de me dire que quand un « leader d’opinion » en fait trop sur un produit, il y a anguille sous roche®, que ç’Amgen® … et effectivement d’ouvrir sa gueule…

    • Thierry Lemoine dit :

      « D’autre part, il me semble que le financement par l’URPS ne signifie en rien que celle-ci ait le droit d’influer sur les orientations en matière de pédagogie ou de recherche du médecin qu’elle finance. »

      Oui, vosu avez tout à fait raison ; je voudrais apporter ici un autre éclairage :
      il s’agit d’un poste de chef de clinique financé en partie par l’URML de Basse-Normandie, c’est à dire le parlement régional des médecins libéraux.
      Il faut savoir qu’en Basse-Normandie, il y a deux postes de chef de clinique de MG (ce qui est bien évidemment très insuffisant) et qu’à ce titre, il est apparu opportun à l’URML de promouvoir la filière de MG dans la mesure de ses moyens (qui sont je le rappelle pour l’essentiel le fruit des cotisations obligatoires de tous les médecins libéraux conventionnés).
      Le chef de clinique de MG doit être installé à mi-temps en libéral, et participe donc de ce fait au financement de son propre poste puisqu’il est assujetti à la cotisation URPS obligatoire.
      Ce 3eme poste créé à l’initiative de l’URMLbn et qui n’existerait pas autrement est donc financé sur un partenariat URML-Faculté- Région,
      A aucun moment il n’y a eu financement par une entreprise pharmaceutique, l’auteur confond avec un partenariat entre l’URML BN et un laboratoire lors de l’organisation d’un colloque de médecine libérale depuis 3 ans.
      Dr Thierry Lemoine
      Trésorier de l’URMLbn

  8. Accepter un stylo / repas / financement etc. en niant l’importance de l’influence générée me semble différent d’accepter un poste indirectement financé en critiquant le système, et en continuant de le critiquer.
    Je déplore que B soit dans cette situation complexe, ce dilemme, mais je préfère que ce soit lui qui soit titulaire de ce poste qu’un autre qui nierait toute problématique sur le sujet.

    • Ben dit :

      Bon sang, je viens de me rendre compte que j’ai consulté toute la semaine avec un crayon d’une entreprise de pompes funèbres (qui fait aussi ambulancier, y’a deux faces sur le crayon)…

  9. Ping : Dessine-moi un conflit d’intérêt Marisol | PerrUche en Automne

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