Du conflit à la confluence

J’ai découvert que les gens aiment les méchants. Il a suffit qu’un célèbre blogueur et twittos dise que je suis méchant pour voir exploser la fréquentation de ce lieu. A moins que ce soit un surprenant intérêt pour la question du conflit d’intérêt.

J’opte pour la deuxième proposition. J’ai découvert un intéressant article dans le JAMA. Les auteurs ont déclaré une quinzaine de lignes de conflits d’intérêts. Cette déclaration doit être lue car elle est originale. Elle associe l’industrie mais aussi les institutions qui emploient ou utilisent les services de ces deux personnes. L’article s’intitule « Confluence, Not Conflict of Interest Name Change Necessary ». Je reconnais une certaine irritation à la lecture du titre, encore de l’édulcorant pour défendre les liens, en fait ce viewpoint est très bien et mérite la lecture (il est en accès libre et gratuit). Il est la substantifique moelle d’un symposium (les conférences sont accessibles).

106443730_e9e69893ac_zLes auteurs rappellent que l’intérêt (objectif) principal de la recherche biomédicale et des gens qui la font est d’apporter un bénéfice aux patients et à la société. Il existe des intérêts (objectifs) secondaires qui coïncident idéalement avec le principal, il s’agit des bénéfices (financiers ou autres) qu’attendent de la recherche biomédicale les différents acteurs, scientifiques, industriels, mais aussi institutions voir la société elle même.

Cinq pistes de réflexions, recommandations, ont émergé des deux jours de travail.

  1. Remplacer le terme conflit par confluence d’intérêts. Le but est d’éviter l’agressivité de la notion de conflit pour générer une spirale vertueuse où les différents intérêts se rejoindraient au service du principal, le bien du patient et de la société. Le mérite de cette approche serait pour les auteurs de permettre de sortir d’un dialogue (investigateur-sponsors) pour impliquer le service, le département, l’université mais aussi les payeurs type NIH et les journaux. Je trouve la proposition intéressante. Elle parait un peu bisounersque mais ce changement sémantique permet de parler d’un flux qui va vers un objectif commun, le bien du malade sans oublier les autres intérêts. Il faut juste que les intérêts secondaires des puissants de l’histoire (industrie, médecin) ne se fassent pas au détriment du faible (le patient). Le changement sémantique est important et pas uniquement cosmétique.
  2. La quête de gloire académique est plus importante que la fortune. Pour les chercheurs, c’est souvent vrai. L’égo démesuré qui permet de croire en sa recherche, en son talent et de s’exposer fait rechercher la gloriole qui s’accompagne d’un plus grand bureau, de personnel supplémentaire, d’invitations, etc. Ce biais est très difficile à mesurer. Les auteurs proposent une approche originale reposant sur une approche type Heat-map. En Y, les marqueurs de gloire et de fortune obtenus par chaque participant (individus et institutions) du travail en X. Ce graphique apparaitrait sur le site des institutions pour faire apparaitre les biais possibles liés à cette confluence.
  3. Les inventeurs d’un traitement ou d’un appareil ne devraient pas pouvoir être investigateur clinique. Ceci enlèvera le biais émotionnel. En lisant l’article, cette proposition m’a fait le plus de mal. J’ai du mal à imaginer ne pas participer comme investigateur voir PI à un biomarqueur que je développe. Un peu comme si on m’enlevait mon bébé… Si elle me choque autant, c’est une bonne mesure. Elle touche un point ultrasensible et très important de ce qu’est un lien d’intérêt cognitif. Elle sera difficile à faire passer.
  4. Le lien entre académique et industriel s’est renforcé, plaçant les institutions académiques au cœur de la confluence. Les universités poussent leurs chercheurs à breveter, à utiliser ces brevets et à produire la preuve qui permettra à l’industriel de gagner de l’argent mais aussi à l’université sous forme de royalties. Les universités stimulent ses liens, mais elles ne doivent pas perdre de vue leur mission qui est de protéger l’indépendance des chercheurs. Si les résultats d’un essai ne vont pas dans le sens du sponsor, elles doivent s’assurer que les résultats seront rendus publics pour éviter d’exposer les patients à des thérapeutiques futiles. Ce point est capital, peut être le plus important. Les institutions universitaires doivent protéger leurs intérêts mais surtout l’intérêt supérieur du patient et de la société. Ceci leur évitera d’être vues uniquement comme des danseuses inutiles par la population. Les solutions ne sont pas évidentes à trouver. Nous sommes poussés à transformer nos découvertes, petites ou grandes, en espèces sonnantes et trébuchantes. Quand on a visité l’université du Wisconsin à Madison on en comprend l’intérêt pour la communauté universitaire. Je rappelle que warfarine, vient de WARF qui est la structure de valorisation de cette vénérable institution. Ils viennent d’ailleurs de récupérer quelques millions de dollars (234) dans un procès contre Apple. Cet argent ira nourrir la recherche.
  5. La promotion et l’éducation à la gestion des biais induits par la confluence d’intérêts. Il faut non seulement éduquer les scientifiques, les médecins, les étudiants, les sponsors, mais aussi les politiques et in fine toute la société. Une solution est de donner des récompenses à ceux qui sont le plus actifs dans le domaine. Pour cette année je crois avoir rempli mon quota d’action dans la promotion de l’éducation à la confluence. Vous me direz qu’on en fait jamais assez.

Je vais recopier in extenso la conclusion qui s’approche pour moi du vœu pieux. Elle est quand même très belle. J’ai un peu de mal avec l’idée de trouver des solutions simples et flexibles à un sujet aussi complexe et multidimensionnel.

« Confluence of interest represents a complex ecosystem that requires development of a uniform approach to minimize bias in clinical research across the academic sector. Such a policy must be at once simple and accessible, capturing the complexity of the relationships while being sufficiently flexible at the individual level not to intrude on the process of innovation. »

Je conseille vraiment la lecture et la diffusion de ce papier. Il traduit une très bonne connaissance du milieu par les auteurs. Il soulève des points capitaux pour que nous puissions produire une recherche de qualité. Il est de l’intérêt de tous de trouver cette confluence. La recherche durable est celle qui produit des résultats fiables permettant de proposer de véritables solutions aux patients et à la société. Les chercheurs doivent individuellement s’en emparer mais aussi et c’est le grand mérite du papier de le souligner, les institutions académiques seront au centre de cette confluence. Si nous continuons à répondre mollement à cette vraie question, nous ouvrons la porte à une politique prohibitionniste dangereuse pour la production de savoir utile à la société et aux patients dont nous sommes en charge. Arrêtons de nous voiler la face, cherchons des solutions communes pour une confluence partagée entre tous les acteurs.

Une autre raison pour soutenir le changement de nom est de passer du masculin au féminin. Le féminin est plus doux, moins violent. Le genre est important dans notre perception du risque. Je vous rappelle que les ouragans avec un nom féminin tuent trois fois plus que ceux avec un nom masculin. Peut être que la confluence sera plus efficace que le conflit pour remplir les objectifs de la gestion des biais. Ce chantier mérite d’être ouvert au niveau des universités.

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10 réponses à Du conflit à la confluence

  1. Passionnant ! Je garde ce papier sous le coude pour les étudiants… 😉

    Je suis souvent surpris de lire en queue d’article : « pas de conflit d’intérêt » ou « tel et tel conflit d’intérêt ».
    J’associe, peut-être à tort, le lien à un fait (donc relativement objectif) et le conflit à une interprétation (donc relativement subjectif). La publication des « conflits d’intérêts » m’apparaît absurde, signifiant à l’auteur un effort cognitif par définition biaisé lorsqu’on sait les mécanismes naturels de résolution de la dissonance cognitive.
    A mon sens, un auteur ou enseignant doit exposer ses liens d’intérêt (non ses conflits, de l’ordre de l’interprétatif), et c’est à l’auditeur ou au lecteur de juger si ces liens entrent en conflit avec sa pratique, et sa mission primaire (ses patients).
    L’idée, et c’est encore une vision très personnelle, étant que la publication des liens d’intérêts (et non des conflits) apporte plus de démocratie décisionnelle dans la formation médicale initiale et continue : l’auditeur fait le choix (ou non) d’entrer en conflit avec sa mission primaire. Mais ça implique une conscience déjà aiguë des ces définitions, et donc un travail en amont au sein de l’université.

    Le dépistage du conflit par la publication des liens d’intérêts (et non des conflits) n’est dès lors plus une chasse aux sorcière, mais un pas vers plus de démocratie. Ainsi, le terme « conflit » garde son sens subjectif, et point besoin de parler de confluence. Qu’en pensez-vous ?

    • PUautomne dit :

      Je suis d’accord sur le distingo lien-conflit. Quand on remplit une déclaration pour une revue US c’est toujours les conflits qui sont demandés. Le lien est plus neutre que le conflit, mais je préfère le terme de confluence, car il est féminin et a un coté, on travaille ensemble vers un objectif commun. Lien pourrait effectivement être plus démocratique, laissant plus libre le recepteur. J’ai l’impression que seuls les français ont fait ce choix. J’aime bien l’exception culturelle, mais ici le sujet me semble trop important pour ne pas accepter un terme commun à l’ensemble de la communauté mondiale.

  2. CMT dit :

    Passionnant, en effet. Et je regrette presque de ne pas plus m’intéresser à la néprho, si les posts sont du même niveau.
    Très vite, faute de temps, avant d’avoir lu les textes en lien et avant un commentaire plus fouillé, peut-être, des réflexions en vrac.

    Confluence m’évoque consensus. Connaissant l’importance démesurée du choix des mots dans le marketing, je sens déjà une négation implicite des conflits d’intérêts (j’ai peut-être tort).

    Un problème du concept de conflits d’intérêts, est qu’il ne tient pas compte du bouleversement fondamental dans les processus cognitifs qu’il implique, qui se traduit par un bouleversement du positionnement et un déplacement de loyauté, qui va bien au delà de tel ou tel produit.

    Ce qui me gêne aussi, c’est le postulat implicite qui ressort du post, et peut-être pas de l’article du JAMA, que l’Homme, mais en l’occurrence, le médecin, est naturellement bon et placé devant un choix il va choisir l’intérêt du patient quitte à y perdre beaucoup.

    N’est-ce pas un peu utopique?
    Aurions nous besoin de lois dans quelque domaine que ce soit si l’Homme était fondamentalement bon et altruiste? L’être humain est complexe, disions nous précédemment.

    • PUautomne dit :

      Je suis bien d’accord que le terme de confluence peut largement être détourné de son sens et de sa finalité. Il me semblait l’avoir dit en début de note. J’ai du mal rendre le papier, le papier insiste beaucoup sur la place des institutions pour faire le ménage. Ils partent du principe que la majorité des acteurs sont de bonnes volontés. C’est un peu utopique. Rêver un peu ne peut pas nuire. Le chemin est long avant de résoudre ce problème. La prise de conscience est réelle outre atlantique où culturellement ça passe mieux. J’espère que ce genre d’articles et les contraintes dans les journaux pousseront l’ensemble de la communauté à mieux déclarer.

  3. docteurdu16 dit :

    Bonjour,
    Ce billet est excessivement drolatique.
    Les premières remarques de Richard Lehman sur twitter sur le mot confluence sont savoureux…
    Je me permets de rapporter ce qu’il écrivait le 26 mai 2015 à propos d’une série d’articles du NEJM.
    NEJM 21 May 2015 Vol 372
    2064 The NEJM has the highest reputation of any medical journal, so it’s impossible not to feel dismay when it lets its standards slip towards the near-nonsensical. When the first part of Lisa Rosenbaum’s three-part series on conflicts of interest appeared, I wondered if it might be some kind of elaborate joke: but sadly it seems not. I hate to see it when a clearly talented young writer is encouraged to write below standard, and at great length for no obvious reason. This final article, “Beyond Moral Outrage,” is an attempt to describe people who worry about conflicts of interest as beyond rationality. In a typical section she writes: “As Haidt concludes, moral reasoning is not ‘reasoning in search of truth,’ but rather ‘reasoning in support of our emotional reactions.’” Interesting that Haidt was actually citing an example not of moral reasoning but of emotional reasoning from the start (unless you count putting the American flag down the toilet as a moral issue), and in which no-one was harmed. Is Lisa actually suggesting that the pharmaceutical industry just flushes away used American flags and has never harmed anyone or concealed harm? But there I go—I am responding to wholly unserious arguments seriously, which I suppose must be the purpose of this exercise. I think the NEJM has shot itself in the foot. And also exposed some awful editorial decisions. Please, if you are going to publish someone attempting to persuade us against bias, don’t let through a sentence like “Being a pharmascold conferred the do-gooder sheen many of us coveted.” The only unbiased words in it are “being,” “a,” “the,” and “of.”
    Bonne journée (d’autres commentaires suivront et je peux que rappeler ce que l’on écrivait en 2011 : http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp0810200?query=TOC)

  4. CMT dit :

    Pour vous répondre de manière plus circonstanciée, parce que votre manière d’aborder le sujet m’interpelle et m’intéresse…

    Les méchants et les gentils

    Il ne s’agit pas pour moi d’un problème de statut, même si certains peuvent accorder beaucoup d’importance à cet aspect, mais de se soucier des conséquences de ses actes. Or, comment fait-on quand les avantages d’une situation sont évidents et immédiats et que les conséquences néfastes sont lointaines, méconnues ou occultées. Le choix semble alors facile.

    Prohibition et auto-régulation

    Ce que prône l’article du JAMA est l’auto-régulation, en présentant les conséquences de ce que je persiste à appeler conflits d’intérêts, même si ceux qui en bénéficient, de ces conflits d’intérêts peuvent s’en offusquer, comme aléatoires et marginales. C’est oublier un peu vite d’une part le professionnalisme de ceux qui génèrent ces conflits d’intérêts. Ce sont ni plus ni moins des professionnels de l’influence spécialement formés, de par leur métier, à l’influence, dans le but d’atteindre des objectifs qui sont pour eux, sans équivoque, des objectifs de vente. Et c’est oublier, d’autre part, le caractère très massif et en constante augmentation de ces conflits d’intérêts. Externaliser les coûts de recherche vers le secteur public est un modèle de développement qui présente de multiples avantages pour Big Pharma, dont, la minimisation des coûts (l’essentiel du budget disponible peut ainsi être investi dans le marketing et la vente, ce qui est le cas) et aussi, notamment, le service après vente assuré par des chercheurs réputés indépendants. En 2008, 58% de la recherche biomédicale aux Etats-Unis était financée par l’industrie pharmaceutique http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3118092/ . C’est une conséquence de la loi Bayh Dole qui a été largement détournée de son objectif initial. Détournée par les conflits d’intérêts que ces pratiques génèrent justement.

    Ces conflits d’intérêts n’ont cessé de s’étendre et touchent désormais directement les directeurs de différentes grosses universités, qui sont devenus, de fait, faute de cadre réglementaire, des employés de l’industrie pharmaceutique, détournant totalement ces universités de leurs missions d’intérêt général pour les les mettre au service de leur business http://www.jsonline.com/watchdog/watchdogreports/medical-school-leaders-cash-in-on-drug-company-boards-b99237232z1-253425641.html

    Vouloir s’emparer du problème et prôner l’auto-régulation est une stratégie tellement classique de toutes les industries sous la menace d’une régulation par la loi…Simplement l’auto-régulation n’a jamais marché. On ne peut pas demander à une industrie où la compétition fait rage et où les besoins de bénéfices sont boostés par les exigences toujours croissantes des actionnaires, qui vont, couramment, jusqu’à intenter des procès aux compagnies qui n’atteignent pas les niveaux de profits qu’ils souhaitent http://www.fiercepharmamarketing.com/story/law-firms-trolling-shareholders-sue-sanofi-over-alleged-kickbacks/2015-01-21 . On ne peut donc pas leur demander de ne pas chercher à vendre n’importequoi toujours plus et toujours plus cher. Les médecins qui acceptent de coopérer avec l’industrie se trouvent pris dans la même logique.

    Parler de prohibition c’est poser d’emblée qu’aucune régulation n’est possible. L’extrapolation est aussi une stratégie classique pour faire avorter le débat. La régulation est l’opposé de la prohibition. Demander aux personnels de faire une cagnotte pour se payer les croissants et le café du matin, comme cela se fait dans toutes les entreprises et institutions du monde , apparait déjà comme une exigence totalement déraisonnable (ce serait la prohibition).

    La régulation peut être de dire que les VM ne doivent pas avoir un accès direct aux services à toute heure de la journée. Qu’ils doivent demander un rendez-vous aux chefs de service pour présenter leurs produits et que lui seul, peut ensuite relayer cette information auprès du personnel.
    Cela peut être aussi demander à ce qu’il ne puisse pas y avoir de « dons » directs aux services par un laboratoire. Que ces dons soient versés à un fonds géré par des administrateurs extérieurs.
    Evidemment vous verriez tout de suite baisser voire disparaître ces dons supposément philanthropiques, qui ne pourraient alors donner lieu à des contre-parties, puisque le destinataire final ne connaissant pas la provenance des dons ne se sentirait pas dans l’obligation d’exercer une réciprocité.

    Curieusement personne ne s’attend à croiser un jour quelqu’un dans la rue qui lui dise : « tiens ! Vous avez une bonne tête, vous. Je vous offre un voyage à l’ïle Maurice ». Tout le monde sait que dans la vraie vie ça n’existe pas.

    Et pourtant tous les médecins qui en bénéficient de congrès tous frais payés se disent persuadés que c’est sur leur bonne mine et que ça ne les oblige à aucune contre-partie.

    Cela me fait penser au livre de Bernard Dalbergue, cet ancien cadre de l’industrie pharmaceutique, racontant les péripéties des voyages en groupe organisés par son laboratoire pour les médecins, où l’attitude des médecins l’interpelait, tellement les bénéficiaires non seulement ne se posaient aucune question mais se comportaient comme des gamins de 10 ans en voyage organisé à Disneyland. Cela tombait bien, ils étaient dans des très bonnes dispositions et particulièrement réceptifs aux messages que le laboratoire avait planifié de leur faire passer. Le rôle de l’émotionnel ne se limite pas à la paternité des molécules. Il est mis en œuvre à chaque moment de la relation commerciale.

    Que voulez vous. Cela me choque qu’on soit aussi léger à ce sujet. Même si je sais pertinemment que vous êtes bien plus exposé aux tentations que je ne le suis. Mes recherches ne sont que bibliographiques et je ne bénéficie pas de subventions. Pour moi, seul l’employeur peut payer des formations, qui m’ont été refusées plusieurs fois (je parle de DU) et que j’ai dû me payer moi-même. Je ne peux pas m’en vanter. Je n’avais pas le choix.

    J’ai reçu des VM quand j’étais jeune , en cabinet. Je me croyais obligée.
    J’en ai reçu pendant quelque temps en PMI. Je me souviens avoir reçu un VM avec son directeur qui argumentait avec moi pour un produit contenant du fluor. J’argumentais contre. Les indications du fluor ont été restreintes peu de temps après. Une autre commerciale voulait me vendre je ne sais plus quoi. Des vaccins je pense, et m’a apporté des croissants pour seller notre relation.

    Finalement ces commerciaux débarquant à n’importe quelle heure de la journée (cela aussi fait partie de la stratégie commerciale, seuls les amis proches se permettent de débarquer chez vous sans prévenir) et m’obligeant à argumenter alors que je savais qu’ils se fichaient éperdument de tout ce que je pouvais leur dire ça m’a lassé. J’avais tout de même des choses plus importantes et utiles à faire. Donc, je ne les ai plus reçu. Pour des raisons plus pratiques et d’incompatibilité d’objectifs que purement morales.

    L’information ne suffit pas

    Comme le montrent les résultats décevants du programme choosing wisely, où les recommandations sont relayées par les sociétés savantes de chaque spécialité et établies par consensus https://www.sciencebasedmedicine.org/choosing-wisely-changing-medical-practice-is-hard/ . Un des principaux obstacles est la perte de revenu générée par le respect des recommandations.

    La gloire ou l’argent : et pourquoi pas les deux ?

    En réalité, quand on accepte de travailler pour l’industrie pharmaceutique ces deux là se tiennent la main et l’un vient avec l’autre.

    Biais systématiques

    L’influence de Big Pharma est massive et ni circonstancielle ni marginale. Les biais induits sont systématiques et transforment toute la culture du médicament autant qu’ils influencent le système de santé. Les biais sont toujours les mêmes : surestimation des bénéfices, et sous estimation des risques.

    Conflits d’intérêts

    Je suis désolée que les auteurs de l’étude du JAMA s’offusquent de la consonance « péjorative » de l’expression mais je pense qu’il faut parfois appeler les choses par leur nom. Je voudrais qu’ils s’offusquassent tout autant des conséquences massivement négatives de leur manque de lucidité.

    Tito Fojo, un cancérologue américain, avait montré que dans le traitement du cancer, les nouvelles molécules approuvées par la FDA (de plus en plus par des procédures accélérées, qui deviennent la règle) avaient montré une capacité à augmenter la survie pendant les essais d’une médiane de 2,1 mois.

    La revue Prescrire avait fait une analyse en 2005 (« Innovation en panne ») montrant que sur 3096 molécules entrées sur le marché français depuis 1980 2,5% représentaient un progrès notable, tandis que 75% ne représentaient aucun progrès.

    Je m’offusque, personnellement, de ce que plus de 10% des cancéreux en France, soit quelques 35 000 soient inclus dans les essais cliniques. Principalement des adultes jeunes et des enfants (pour chaque enfant cancéreux il y a deux essais cliniques en moyenne), qui ne sont pas les plus touchés par le cancer mais ceux qui résistent le mieux aux traitements.

    Je suis gênée aussi que les patients cancereux se voient proposer des traitements de troisième, quatrième, cinquième ligne, les condamnant à mourir dans des grandes souffrances, parce qu’il faut bien essayer tous ces nouveaux traitements.

    Les essais cliniques sont bien une manière d’impliquer émotionnellement, les médecins qui les ménent.

    Cela m’embête que, finalement, l’american cancer society change encore son fusil d’épaule en reconnaissant que la mammographie, ce n’est pas si simple (« plus le cancer est détecté petit, mieux c’est ») http://www.bostonglobe.com/lifestyle/health-wellness/2015/10/20/american-cancer-society-advises-women-start-mammograms-later-and-get-fewer-tests/bccqMFKgZ8sg43BUbuSXqJ/story.html?s_campaign=bostonglobe%3Asocialflow%3Atwitter#comments . Il a fallu attendre plus de 30 ans , tellement le lobbying est intense et les conflits d’intérêts omniprésents. Pendant ce temps des millions de femmes ont été traitées inutilement et terrorisées. La double mastectomie après cancer unilatéral est devenue fréquente, tellement les femmes ont subi un lavage de cerveau concernant le cancer du sein.

    Je pense que ça vaut la peine d’appeler les choses par leur nom. Au moins pour prendre acte de cette incroyable violence induite par ces fameux conflits d’intérêts.

  5. ucelli dit :

    En effet c’est un papier bisounoursien. Comme vous dites. Même s’ils évoquent bien nombre de biais.
    Comme dans Hamlet « words, words, words ».
    Les grands « méchants » de Bigpharma sont en train de se rouler par terre (« ROFL ») à le lire , gagé-je.

    Il ne faut pas oublier que si les « Academics » (Universitaires en français ? ) doivent veiller à freiner les velléités des sponsors à oublier l’intérêt du malade, ce sont bien des « academics » qui se prêtent au jeu de bigPharma qui est aussi un bigCrime comme Gotzsche le démontre, avec à la clef condamnations et « settlements » ou accord sur la punition de grandes compagnies qui ont il faut le dire des morts dans les placards, même si elles ont beaucoup de bienfaits à leur actif.

    Ces gens qui rendent compte à leurs actionnaires en premier sont surement très inquiet de ce genre de papier dans le presque meilleur journal que l’Homme ait connu.

    CEs gens sont des pros, comme le dit CMT, ils sont organisés. Organised crime qu’on vous dit (https://www.pulaval.com/produit/remedes-mortels-et-crime-organise-comment-l-industrie-pharmaceutique-a-corrompu-les-services-de-sante ) ou en VO: http://www.amazon.fr/Deadly-Medicines-Organised-Crime-Healthcare/dp/1846198844
    Les vendeurs de la thalidomide poursuivaient « à la Poutine » jusque dans les cabanes au fond du jardin ceux qui évoquaient sa resposnabilité dans les malformation.
    Cynisme à tous les étages.

    Et aussi des gens formidables certes, mais contre les forbans il faut mieux.

    Quant à la confluence elle reste avant tout la confluence de l’intérêt des autheurs parfois « ghostwrittés » et de celui du sponsor, je crains que le ruisseau, que dis-je le ru de l’intérêt des patients soit noyé dans la confluence à gros débit .

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