En cette fin d’année, heure des bilans, j’avais demandé au service de biochimie de me donner les valeurs de natrémie, kaliémie, chlorémie et bicarbonatémie faites lors d’un même bilan. Je cherche à répondre à un de mes collègues qui me soutient que la chlorémie est suffisante pour extrapoler la natrémie et l’état d’hydratation intracellulaire du patient.
Le praticien hospitalier, que je remercie chaudement, m’a gentiment envoyé un fichier excel avec 46631 observations. J’ai commencé à fouiner dedans. Je le vois comme un exercice de pratique pour l’utilisation de R. Dans cette note, je ne vais pas répondre à la question initiale, mais juste illustrer l’impact d’un service d’hémodialyse sur l’activité d’un laboratoire de biochimie.
J’avais les dates de prélèvements. J’ai voulu voir le jour où il y a le plus de demandes avec les quatre paramètres demandés, vous voyez immédiatement le biais qui est la bicarbonatémie qui ne fait pas partie du bilan standard de nombreux services.
J’ai fait un petit graphique. L’année va du 1 janvier au 21 décembre 2015. J’ai marqué les bornes des mois en rouge. Le jour (ligne horizontale violette du bas) ou cette demande était le moins de demandé était le 30 aout (un dimanche) avec seulement 31 demandes, le jour avec la plus forte demande était le 3 juin avec 308 demandes. En moyenne (ligne violette du milieu), par jour, 131 demandes de ces quatre paramètres sont faites au service de biochimie. L’hôpital où je travaille compte un peu moins de 600 lits.
Immédiatement, vous voyez des pics d’activité mensuels avec deux jours particulièrement chargés dépassant les 250 demandes. Je me suis demandé à quoi ils correspondaient. Je me disais que ce devait être les premiers jours de la semaine. En fait non, il s’agit du mercredi et du jeudi. J’ai regardé alors la distribution en fonction des jours de la semaine.
En voyant les jours de la semaine, j’ai compris, il s’agit des bilans mensuels des patients de la dialyse.
J’ai ensuite réalisé exactement les même graphiques en enlevant les demandes de l’UF de l’hémodialyse (-2844 échantillons soit 6% des prélèvements).
Les pics ont disparus, le jour avec le plus de prélèvement est cette fois ci le 19 mai avec 236 (un mardi). Le décrochage d’aout est bien visible. la moyenne quotidienne des prélèvements est de 123.
L’ordre des jours les plus actifs changent.
En miroir, ce qui permet de remarquer qu’alors que la structure est fermée le dimanche 12 prélèvements ont été fait. Je n’ai pas d’explications sauf une erreur d’UF sur le bon de demande. Je me suis rendu compte qu’il manquait de nombreux bilans du service d’hémodialyse, tout ceux hebdomadaire (soit 49 valeurs par patient). Je n’ai pas tous les bilans fait en 2015, mais un bon échantillonnage. J’éclaircirai ce point avec le laboratoire.
Je me suis malgré tout demandé, ce que nous (néphrologie) représentions en terme de volume sur une année, je le répète encore une fois pour une demande particulière de biochimie comportant le ionogramme et la bicarbonatémie. Nous avons fait 19399 demandes soit 41,6% du total. Nous demandons beaucoup de biochimie…
Ce qui est très amusant est de constater que le week end hors néphrologie commence le vendredi. Nous maintenons notre volume de prescriptions du lundi au vendredi alors que pour les autres services la cassure se fait dès le jeudi passant d’une moyenne de 101 demandes à 79 le vendredi. Le jeudi nous sommes à 55, le vendredi à 54 et le samedi à 34 contre 29 pour les autres. C’est amusant ce que l’on peut faire avec quelques dizaines de milliers de valeurs.
En si bon chemin, j’ai fait les mêmes tableaux pour les autres unités fonctionnelles du service.
Il est intéressant de constater pour l’hôpital de jour, quelques prélèvements fait avec l’UF alors qu’il est fermé. Vous constaterez qu’en semaine c’est l’endroit où il y a le plus de prélèvements (3773), avec trois grosses journées le lundi, mercredi et jeudi. L’activité est stable par ailleurs dans les autres unités d’hospitalisation classique jusqu’au samedi avec une chute le dimanche. Ceci s’explique par la densité médicale importante dans le service le samedi matin ou elle la justifie. Enfin en soins intensifs l’activité de prélèvements reste stable, ce qui est logique.
Ces données volumétriques si elles ont du sens pour le service où nous ne faisons pas de ionogramme sans bicarbonatémie, elles ne reflètent pas la pratique des autres services où la réserve alcaline est rarement demandé même si il y a une insuffisance rénale. Je vais voir si je peux achever le travail d’analyse en récupérant la volumétrie ionogramme seule.
En préparation de mes analyses sur les relations sodium chlore, j’ai un peu regardé les valeurs observées sur ces plus de 45000 prélèvements. Je vous propose une représentation sous forme de boxplot ou boite à moustaches. Elles sont avec un notch, si les encoches ne se chevauchent pas la médiane est significativement différentes entre les groupes. Leur largeur est proportionnelle aux nombres d’échantillons. Pour la natrémie, j’ai ajouté une ligne pointillée rouge à 140 mmol/l, pour la chlorémie à 103, pour la kaliémie à 4,5, pour la bicarbonatémie à 22 et pour le trou anionique à 12 (formule Na-(Cl+Bicarbonate).
Comme vous pouvez le constater les valeurs sont différentes entre les différents endroits, ce qui est logique. C’est une représentation du ionogramme moyen d’un patient de néphrologie. Les hémodialysés ont une natrémie plus basse que les autres, une kaliémie plus haute et bien sur une acidose métabolique. Ces données montrent que mon jeu de données représentent une diversité de patients permettant de refléter la diversité des mesures de natrémie. L’interaction chlore/natrémie sera intéressante.
Si vous regardez attentivement la figure sur le trou anionique, une valeur devrait vous surprendre. Je vous laisse l’identifier et chercher une explication.
Pourquoi il y a t il en HDJ un gars avec un TA si effondré ?
C’est le TA du patient qui a une hyponatrémie franche en HDJ ? Je vote pour un artefact en première intention (Myélome ? Hyper gly ? HTG ?) ou pour un très grand buveur d’alcool qui ne mangeait pas par ailleurs.
Je n’ai pas de réponse certaine mais je plaide pour un passage au SID 😉
Effectivement, c’est la valeur négative de trou anionique en HdJ qui interroge.
Je pense qu’il y a une erreur de dosage. J’ai un ionogramme trois jours avant qui est normal.
Ici c’est le chlore qui est trop haut 115 avec une hyponatrémie à 130 et une RA à 23.
Il a une gammapathie monoclonale mais déjà présente trois jours avant.
Les causes de TA négatif sont les erreurs de dosage, les intoxications au brome et à l’iode et le myélome. J’ai éliminé les intoxications ici.
Vous pouvez trouver une très bonne revue sur le TA ici: http://cjasn.asnjournals.org/content/2/1/162.long