Je suis un bon citoyen, mon fils est mort, lettre à un secrétaire d’état

Monsieur le secrétaire d’état au commerce (frédéric Lefebvre),

Je vous écris pour vous remercier de m’avoir donner une raison de me réjouir du décès de mon fils. Son histoire est là. Je ne pense pas qu’elle vous intéresse, mais si entre deux déclarations fracassantes vous avez un peu de temps…

En 38 secondes, vous avez expliqué que la forte natalité française est la cause du chômage et manifestement vous en êtes convaincu. J’en conclus que la mort de chaque enfant doit être une raison de vous réjouir, car chaque décès permet de diminuer le nombre des futurs chômeurs. Si nous sommes des bons français nous devrions aussi être satisfait à chaque mort d’enfant ou d’adolescent. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous suivre dans cette direction. La mort m’attriste.

Je ne suis qu’un humble néphrologue. Je suis incapable de savoir si techniquement vous avez raison ou tort. Si je vous suis pour résorber le chômage, il suffirait d’éliminer les chômeurs, effectivement, c’est un raisonnement imparable. Ce sera peut être votre prochaine proposition.

J’ai un grand respect pour la chose publique inculquée par des grands parents qui ont tous été des serviteurs de l’état. Je ne voulais pas remettre en cause la parole d’un représentant de l’état français. Quand on a été élevé par deux instituteurs de la république, certainement valeurs sont inculquées, le respect de l’ordre, de la république, des hommes et femmes la représentant. Mes deux grands parents maternels ont fait une partie de leur carrière de l’autre coté de la méditerranée, alors département français.

Je ne voulais pas écrire cette lettre et j’ai entendu cette magnifique émission de france culture sur l’Algérie, le pont des soupirs. Ecoutez là, faites là écoutez à vos amis, juste pour une petite leçon d’humanité. Dans cette émission, un des témoins, Aline Cespédès Vignes décrit la mort de sa fille. Plus de 50 ans après, il y a toujours la même émotion dans la voix, comme si elle voyait la petite fille morte pour la première fois. Moi, 8 ans et demi plus tard, en pensant à oscar, à ses petits pieds, ses petites mains, les larmes montent toujours et ma voix déraille. Je ne voulais pas transmettre ma réaction épidermique à la lecture de vos propos, mais le témoignage de cette vieille femme sur sa fille (véronique) morte pour rien, m’en a donné le courage.

Vous ne vous êtes sans doute pas rendu compte de la portée de vos propos pour tous ceux qui comme moi on perdu un enfant. J’ai, immédiatement, de façon instinctive, pensé à mon fils mort. J’ai entendu dans vos propos une agression, je ne sais pas pourquoi, alors qu’il devait plutôt me rasséréner. Mon fils est mort, il ne viendra pas enfler les statistiques du chômage de la belle république française. Mais je ne vois aucun réconfort dans vos propos, je n’y vois que cynisme et mépris pour nous. Car voyez vous, en fait, je suis un mauvais français. J’ai quatre filles qui malheureusement pour vos belles statistiques sont vivantes, très vivantes. Je fais partie dans votre classification de l’antifrance. Je vais participer à la dégradation de vos belles statistiques.

Vos propos sont méprisant pour nous parents de familles nombreuses. Je suis choqué. Alors j’écris juste pour vous dire que nos enfants ne sont pas des statistiques, nos enfants sont des êtres de chair, de sang, nos enfants nous les aimons. Mes filles et mon fils sont les êtres les plus importants de ma vie. Si je suis encore là c’est grâce à mes deux filles ainées. Elles iront peut être gonfler vos statistiques. Je ne sais pas.

Tout ce que je sais c’est que je les aime.

Avant de parlez de chiffres, souvenez vous que derrière chacun, il y a des individus, des êtres humains comme moi, comme vous. J’ai appris en parlant de statistiques, à imaginez la personne derrière le chiffre. C’est mon métier, partir du général, pour allez au particulier. Essayer, juste une fois, vous verrez, c’est un point de vue intéressant la hauteur d’homme…

Je ne mets pas de formule de politesse, c’est le coté carabin, mal élevé, ou plutôt ayant mal profité de ma bonne éducation.

Ce contenu a été publié dans Blog, O, Semaine, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

12 réponses à Je suis un bon citoyen, mon fils est mort, lettre à un secrétaire d’état

  1. LaurenceB dit :

    En pensées à vos côtées, les parents éprouvés, pour affronter les stupidités dans ce genre, tout notre réconfort et notre soutien.

  2. Openblueeyes dit :

    Très touchant, je ne trouve pas les mots…
    Ils sont tellement nombreux à ne nous voir que comme des chiffres et des statistiques, tellement inhumains… Je crois que c’est une bonne chose d’avoir pu écrire ce mot.
    Toutes mes pensées…

  3. chantal dit :

    Bizarre – il n’y a pas si longtemps qu’il fallait mettre des enfants au monde pour diminuer le chômage. Ce n#est pas tant le nombre de naissance qui influence le chômage, mais plutôt la délocalisation, le travail au noir, le travail mal rémunéré et surtout l’absence de former la nouvelles génération, le fait de diminuer le personnel pour réduire le coût de fonction tout en augmentant le chiffre d’affaire afin de verser des intérêts aux actionnaires et aux spéculant (surtout sont la cause du taux de chômage et des trous dans le système social de l’Etat).

    S’attaquer aux parents et prôner une diminution de la natalité sont des coups bas envers des Citoyens du pays, envers des personnes qui ont perdu un enfants ou veulent en avoir et ne peuvent en avoir.

    Surtout ce que ces politiciens ne doivent pas oublier: le nombre est déjà en décroissant, il y aura plus de départ que de nouveau sur le marcher. Si chaque départ à la retraite va être remplacé dans les 20 prochaines années (sauf le nombre des politiciens qu’on peut réduire partout dans le monde), le taux du chômage fondra – à condition que l’embauche se fasse sur le sol national avec une formation et un vrai salaire pour vivre.

    Vous verrez bientôt, ils vont dire que le trous de la sécurité sociale est dû aux retraités et aux malades chroniques, voir en fin de vie.

    Désolé que votre peine revienne, ainsi celles des autres parents orphelins.

    Courage!

  4. StepDoc dit :

    Bon, ben, +1 comme on dit. MG, père de 3 filles. Ulcéré par le propos ministèriel! Merde, alors.

  5. Ha-Vinh dit :

    Pour vous remonter le moral:
    http://www.businessinsider.com/are-the-french-the-most-productive-people-in-the-world-2009-8

    Ne vous inquiétez pas nous nous en sortirons… même si nous donnons trop la vie et vivons trop longtemps!

  6. kyra dit :

    Il a du se tromper dans ses anti-sèches… d’habitude c’est parce qu’il y a trop d’immigrés!
    Te laisse pas atteindre par ses guignols.
    Bisous à tes filles!

  7. Zonder dit :

    Cher M. F. Lefebvre,

    J’apprends avec déplaisir par internet (média que vous n’avez jamais trop compris d’ailleurs au passage à la lecture et à l’écoute de vos saillies précédentes) que vous avez réussi à sortir une nouvelle c… monumentale sur un autre sujet… Cela devient d’autant plus gênant que vous êtes ministre maintenant…
    Malheureusement, je n’ai pas pu entendre (entendre car je n’irais pas jusqu’à écouter ce que vous dites) ces propos car je suis atteint depuis d’un an de lefebrohypoacousie : impossible donc d’entendre vos propos, c’est un syndrome rare que mon ORL m’a expliqué sobrement ainsi : à force d’entendre vos propos iniques et stupides, j’ai maintenant de la merde dans les oreilles…
    Néanmoins, on remarquer juste que Fillon a eu l’humour de vous nommer secrétaire d’état au tourisme, bel hommage à votre carrière de touriste et lobbyiste…

    Je rappellerait enfin qu’il ne faut même pas essayer de répondre à cet homme dont le livre préféré est je vous le rappelle « Zadig et Voltaire » , c’est une perte de temps, c’est comme espérer que son poisson rouge puisse apprendre à lire le journal à travers son bocal.

  8. David dit :

    pour devoir trop souvent porter le nom d’enfants morts trop tôt, je me permettrais de vous rejoindre dans le manque de civilité de la fin. Si le chômage déstructure nombre de familles, la mort détruit tant d’aimés et d’aimants… leurs pleurs, c’est peut être la raison de se battre, encore. toujours.
    M. Lefebvre, La bêtise, ça finit par blesser.

  9. Nicolas Prince dit :

    La lecture de « Une semaine » m’avait touché par la force de son émotion, de sa sincérité et de son courage. Je n’avais pas su ni voulu vous le dire, la marche était trop haute.
    Après avoir divagué sur le terrain de rugby par ailleurs j’ai réalisé que ce que je ressentait était le besoin de vous prendre par l’épaule et de retourner, serrés, à la mélée.

  10. Fluorette dit :

    La lecture d’ « une semaine » m’avait touchée. Profondément. Je n’ai pas perdu d’enfant, j’ai « seulement » été confrontée à la mort d’enfants qui n’étaient pas les miens. J’ai senti la douleur des familles, j’ai moi-même eu mal. On m’a dit que c’est parce que je ne savais pas me protéger. Ce genre de propos sont insultants. Ils sont dits par des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent.
    Ici, c’est une douleur de plus, de trop après ce que vous avez subi. j’ai du mal à trouver des mots. Juste que je pense à vous.

  11. dites44 dit :

    J’ai aussi été bouleversée par la lecture d' »une semaine  » et pas les mots pour le dire…et puis j’ai entendu cela ce week-end, dans l’émission Cosmopolitaine de france inter. L’invité est un écrivain russe, Dimitri Bortnikov, et voici ce qu’il a dit:
    « Je suis inconsolable…il y a un mot pour quelqu’un qui a perdu sa femme, c’est un veuf, un mot pour quelqu’un qui a perdu son mari, c’est une veuve, et pour quelqu’un qui a perdu ses parents, c’est un orphelin, mais il n’y a pas de mot pour quelqu’un qui a perdu ses enfants , ça c’est inconsolable, personne ne peut prétendre te consoler, il faut rester face à la tristesse, rester comme ça, accepter..
    […]
    – Il faut inventer le mot ?
    – Il faut aimer, il faut inventer ou pas mais il faut aimer, sans parler »

    Cela a résonné avec ce texte magnifique partagé sur ce blog…

  12. stéphane dit :

    Merci pour ce commentaire, je connaissais cette phrase. L’attitude qu’il a eu est celle que j’ai eu, celle de Job. Courber la tête, pleurer, mais encore aimer la vie.
    Je crois que je vais lire Bortnikov.
    Merci pour le conseil de lecture.

Répondre à chantalAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.