Dépistage et fausses annonces de maladie rénale chronique

La maladie rénale chronique (MRC) est une maladie grave. Elle augmente le risque cardiovasculaire de façon importante. Sa progression peut conduire au besoin d’un traitement de suppléance. J’ai donné sa définition là, il y a bien longtemps. Elle n’a pas changé. Une des grandes questions est le dépistage. Il n’y a à l’heure actuelle aucun argument pour proposer un dépistage de masse. L’attitude défendue est de proposer un dosage de la créatininémie et une bandelette urinaire ou une protéinurie sur échantillon à intervalle régulier aux patients à risque. Je suis convaincu que faire une créatininémie et une protéinurie tout les 2 à 3 ans à un patient avec une hypertension artérielle ou un diabète est une approche pouvant être utile. Pour comprendre le risque de multiplier les examens paracliniques, je vous renvoie à ça.

Je vous ai déjà parlé de la politique volontariste des canadiens dans la prise en charge des MRC. Quand j’ai vu que dans cJASN, un bon journal de la spécialité, une équipe canadienne rapportée son expérience de dépistage ciblée de la maladie rénale chronique, je m’attendais à de la qualité. Dire que j’ai été déçu est un faible mot. Vous pouvez voir dans l’abstract que leur approche a permis de dépister 18,8% de patients avec une MRC. Alleluia, vite précipitons nous sur cette attitude. Je me suis arrêté à la lecture des matériels et méthodes.

Le problème est que n’a pas été diagnostiqué une maladie rénale chronique mais une diminution du débit de filtration glomérulaire sur une échantillon. La définition de la MRC est d’avoir un DFG < 60 ml/mn/1,73m2 sur deux prélèvements à trois mois d’intervalle. Dans ce travail, on parle de MRC avec un seul dosage de créatininémie mesurée avec une machine qui a une spécificité de 76% et qui donne une valeur non étalonnée de créatininémie. On peut utiliser CKD-Epi derrière si la créatinine est fausse… Surtout quand on voit que la majorité des MRC (14%) sont des DFG entre 45 et 60.

J’ai vu qu’un auteur était de la kidney foundation of canada, je suis aller regarder la définition de la MRC donnée au grand public. Bingo, il faut bien trois mois.

Je trouve choquant de claironner sur tout les toits, regarder comme on est fort alors qu’on ment. Il n’a pas été dépisté des maladies rénales chroniques. Pour le faire, il fallait que les patients ayant subi le dépistage, bénéficient de deux mesures à trois mois d’intervalle du DFG avec des créatininémies prélevées au laboratoire et dosées selon une méthode de référence. Nous aurions pu ainsi savoir combien réellement de patients avec une MRC sont dépistés et déterminer combien de personnes auront été soumis au stress d’une annonce de MRC se voyant déjà dialysé alors qu’elles avaient juste mangé un bon steak avant de doser la créatininémie. Une petite illustration de la difficulté du diagnostic et surtout d’éviter le surdiagnostic.

Imaginez que dans un papier de dépistage du cancer du sein,vous vous contentiez de la palpation des seins faites par un étudiant de 4é année de médecine pour dire il y a un cancer du sein sans confirmation par une analyse histologique de la tumeur derrière. Vous vous diriez, ils sont fous. C’est ce qui a été fait dans cet article. Il y a en plus un éditorial qui dit amen.

La dépistologie sans preuve de la maladie rénale chronique est en marche. Ceci va couter cher et ne rien apporter en terme de santé publique. Faisons de belles études sur ce sujet important, mais par pitié ne tenons pas compte de cet article.

On dira que c’était mon énervement du jour.

Pour rappel, je mets ce graphe que j’adore et qui montre bien qu’une formule n’est qu’une formule.

DFG inuline vs mdrd

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6 réponses à Dépistage et fausses annonces de maladie rénale chronique

  1. Dimitar dit :

    Venant du tiers monde on a réussi à démontré ça Stéphane je te donne le lien: http://www.kidney-international.org/article/S0085-2538(16)00369-0/abstract

  2. Dr MG dit :

    Merci pour cette analyse « coup de gueule »

    Elle concerne des articles de votre spécialité mais hélas, elle est, je crois généralisable à toutes les spécialités.
    Et le plus triste, c’est que l’exercice de la médecine se base sur des articles « scientifiques » globalement de la même qualité que celui que vous décrivez.

  3. Asker dit :

    Bonjour,

    J’ai lu quelques articles de votre blog et ils sont très intéressant et c’est par hasard que je suis tombé sur votre blog. D’ailleurs la plupart de vos articles répondent à mes questions.

    Je me questionne sur moi même pour être sûr que je veux faire médecine.
    Et je me suis beaucoup documenté, jusqu’à voir des documentaires et des films traitant du sujet.
    Donc ma question est de savoir si le métier de docteur est le même qu’est décrit dans le film : Hippocrate. Où c’est décrit comme une « malédiction » par un des internes et non comme un métier, une passion ou autre, où la morale chez certains est à un niveau qui frôle le bas (avec les traditions carabines, tec…) …

    Enfin bref je vous conseille de regarder pour répondre. Les clichés du film sont-ils réels ou très présents dans votre vie d’étudiant en médecine ? ( j’espère vraiment que non mais vu que le film a reçu plusieurs prix… ils y a des chances que ses soient leur quotidien ).
    Bref es-ce que vous regretter ? Ou ce métier est votre vocation ? On peut même se distinguer des autres de par sa moralité et ses principes restés intact ?

    Merci d’avance. Je suis très passionné par la médecine donc toutes ces questions sont orienterons vraiment mon choix (d’études) s’il vous plaît.

    p.s.: répondez-moi que si vous pouvez, et j’espère ne pas trop vous déranger… Et je suis lycéen ( ou futur étudiant ) 🙂 .

    • PUautomne dit :

      Bonjour, je n’ai pas vu ce film et je pense que je ne le verrai jamais.
      Je suis totalement incapable de répondre à votre question.
      Je ne suis plus étudiant depuis longtemps malheureusement et je ne suis pas sur d’avoir un avis neutre.
      Si vous lisez quelques notes sur ce blog vous aurez ma vision de la médecine.
      J’ai le souvenir d’un vieux film, « les sous-doués passent le bac ». Regardez le vous verrez si votre préparation du bac ressemble ça et vous relativiserez peut être la pertinence d’un film pour traduire la réalité d’une profession.

  4. Asker dit :

    Merci Quand même, d’autres m’ont déjà répondu.

    Dsl du dérangement alors ….

    Bonne journée 🙂

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