#ReadingClassicsChallenge2018 Février

J’ai pris de l’avance ce mois ci. Je triche un peu en choisissant des ouvrages pas très épais. Ce mois, c’était Camus et Yourcenar.

J’ai commencé par Camus, du théâtre pour changer un peu, Caligula et Le Malentendu.

Je ne suis pas un grand fan de Camus, mais je reconnais que ces deux pièces sont d’une grande force. Un théâtre de l’absurde, déjà, qui vous touche au cœur. Caligula est une vision de la courte vie de cet empereur romain. Violence, amour, peur, folie, sont au programme, mais tout est maitrisé dans l’écriture et la narration. Le malentendu est un huis-clos entre mère, sœur et frère, un quiproquo qui tourne mal. La pièce aurait pu être un farce, elle ne l’ai jamais, c’est un drame noir sans échappatoire. La vie poussée au sommet de son absurdité. La figure féroce et sans pitié du vieux serviteur est formidable. J’aimerai voir ces deux pièces montées au théâtre.

Ensuite la grande Marguerite, ce fut Les Nouvelles Orientales.

Une série de nouvelles fantastiques, allant de l’extrême orient (Comment Wang-Fo fut sauvé) aux Balkans (le sourire de Marko) en finissant par les pays-bas. J’ai beaucoup aimé ce recueil. Le conte est une forme qui permet la transmission du mythe (j’ai lu en même temps un ouvrage de Vernant sur le sujet). Son travail d’écriture est remarquable, c’est facile à lire et savant dans la construction. Les héros sont fragiles et forts. Ils affrontent tous l’absurdité de leur vie (la veuve Aphrodisia) ou leur folie (La fin de Marko Kralievitch), voir les deux. Ils se précipitent souvent avec entrain dans leur malheur (Le dernier amour du prince Genghi). J’ai beaucoup apprécié notre-dame-des hirondelles.  Un affrontement entre puissances telluriques et spirituelles qui finit par une fusion de l’histoire avec une figure mariale en point d’orgue. C’est puissant et subtile. Marguerite Yourcenar a un grand talent. Je vous conseille ces petits textes et petite plaisance. La dernière phrase pourrait être un épitaphe du monde.

« -Dieu est le peintre de l’univers.
Et avec amertume, à voix basse :
-Quel malheur, monsieur le syndic, que dieu ne se soit pas borné à la peinture des paysages. »
Cornélius Berg

Ce mois, j’ai lu d’autres livres, celui qui m’a le plus emporté est un artiste argentin, Juan, José Saer pour une œuvre qui s’appelle L’Ancêtre. C’est un livre magistral remarquablement traduit par Laure Bataillon. La première phrase est  » De ces rivages vides il m’est surtout resté l’abondance du ciel. » Dès les premiers mots vous êtes emportés par la phrase loin, très loin avec notre pauvre héros qui vit avec des indiens au quotidien découvrant l’altérité radicale d’une autre société, culture, nature. Il retrouvera après dix ans la culture espagnole. Il deviendra le scribe de cette société qu’il a vu disparaitre. Ces hommes de l’instant grâce à qui le monde tient debout, l’ont ouvert à la vie. Un autre homme, l’a ouvert à l’écriture. Nous tenons le fruit de ces rencontres de culture. Il y a une rare sensualité. La phrase, les mots se dégustent, se relisent. Ils restent longtemps en bouche d’abord puis dans notre esprit. En relisant, pour piocher des phrases, je me surprends à relire la page, à gouter ces mots, à voir les couleurs, la plage dorée, le ciel bleu, la végétation verte. Ce petit lieu qui est le centre du monde. Comment faire pour que la société terre tienne debout, ne s’effondre pas? La solution est dans le livre, du moins une vision de la solution. Ce texte est beau.

« Quand nous oublions, c’est que nous avons perdu moins la mémoire que le désir. »

« J’appris grâce à ces enveloppes vides qui prétendent s’appeler hommes, le rire amer et un peu supérieur de qui possède, face aux manipulations de généralités, l’avantage de l’expérience. »

« J’avais appris du vieux que les réponses les plus appropriés que nous pouvons donner sont celles que l’on attend de nous. »

« En entrant dans l’air translucide du matin, le corps se souvient, sans que le mémoire le sache, d’un air fait de la même substance qui l’enveloppait, identique, en des années déjà enterrées. »

« Le seul savoir juste est celui qui reconnait que nous savons seulement ce qui condescend à se montrer. »

Il n’est pas que beau mais d’une immense intelligence.

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