Six conseils diététiques pour les patients avec une maladie rénale chronique

La principale fonction du rein est de vous permettre de vous alimentez comme vous le souhaitez sans vous préoccuper des conséquences métaboliques.

« La fixité du milieu intérieur est la condition d’une vie libre et indépendante. » Claude Bernard

La maladie rénale chronique, en particulier quand le débit de filtration rénale passe sous les 60 ml/mn/1,73m2, s’accompagne de l’accumulation de toxines et d’un défaut d’élimination de certains ions en particulier phosphore (augmentation du FGF23) et protons (acidose métabolique). Il est logique, pour ne pas dire obligatoire, de proposer une approche diététique dans la maladie rénale chronique et ceci le plus tôt possible. Le but  est de réduire l’apport en protéines et en sel. Si vous avez du mal à trouver une diététicienne et que malgré tout vous désirez donner des conseils hygiéno-diététiques à vos patients, voici un article très utile par une équipe napolitaine s10157-015-1172-5.

L’idée est de donner 6 conseils diététiques et de voir leurs effets en vraie vie. Ils ont comparé cette approche à un régime limité en protéines (0,8g/kg/j) pendant 6 mois chez 29 et 28 patients avec une maladie rénale chronique au minimum stade 3b (DFG moyen de 20 ml/mn). La comparaison ici ne m’intéresse pas mais c’est le suivi longitudinal. Au terme des 6 mois, les patients dans le groupe « 6 conseils » ont diminué significativement leur apports en protéines (-0,2 g/kg/j), leur apport en phosphore et amélioré leur acidose métabolique avec une augmentation moyenne de 1,6 mmol leur bicarbonatémie.

Il s’agit d’un petit essai, de courte durée, mais je trouve les résultats très intéressants et pratiques. Ces « 6 conseils » faciles à donner, pas forcément à suivre, peuvent être rappeler rapidement à toutes les consultations pour faire passer le message. Ils ne remplaceront pas un bon suivi diététique mais dans un système contraint en terme de temps diététicien, je les trouve utiles.

Les six conseils sont

  1. Ne pas ajouter de sel en cuisinant ou à table
  2. Les aliments à éviter: toutes les charcuteries, saucisses, fromage, produits laitiers et les conserves
  3. Remplacer les pâtes et pain par des aliments spéciaux (pâtes et pain) réduits en protéines.
  4. Un plat de viande, poisson ou œuf est autorisé une fois par jour dans la quantité habituelle
  5. 4 à 5 portions/j de fruits et légumes sont recommandées
  6. Une a deux fois par semaine le plat de viande, poisson ou œuf doit être remplacé par un plat comportant pâtes et légumes.

Je vais essayer de les rajouter sur ma fiche post-consultation de néphrologie.

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17 réponses à Six conseils diététiques pour les patients avec une maladie rénale chronique

  1. Karine Pilot dit :

    Bonjour, est-ce équivalent de fractionner la portion journalière de protéines ? C’est à dire manger 2 portions de 50gr de viande / poisson / oeuf par jour, au lieu d’une portion unique de 100gr ? C’est ce que je fais, mais je me demande si c’est la même chose… Merci !

  2. Vassy dit :

    Merci et pour l’item 3 des exemples ? Comment concilier l’item 3 et le 6 où les pâtes sont recommandées ?

  3. Dr MG dit :

    Bonsoir

    J’ai été surpris de voir en 3 : pâtes et pain qui sont des glucides et non des protéines.
    Je suis allé regarder leur composition :
    J’ai été surpris de lire que pour le pain baguette 8.48g de protéines pour 100g et les spaghetti 5.8g pour 100g.
    Je comprend mieux la raison de la recommandation pour des malades du rein où un dépassement de l’apport en protéines peut se faire sans d’en rendre compte et cela d’autant plus avec des aliments considérés comme des glucides et non des protéines.

  4. Lise BANKIR dit :

    Bonjour,

    Je lis les articles de PerrUche en Automne avec intérêt.

    Je comprends le bien-fondé des conseils ci-dessus, sauf celui de s’abstenir de manger des conserves. Est-ce parce qu’on craint que leur contenu en sel soit trop élevé? Si oui, je ne dirai pas qu’il faut s’en abstenir mais qu’il ne faut pas en manger trop souvent.

    Il y a une contradiction entre les points 3 et 6 puisqu’il faut s’abstenir de manger des pâtes (en 3) mais remplacer un plat de viande par un plat contenant des pâtes (en 6).

    J’ajouterai qu’il est important de boire assez abondamment (mais sans excès bien sûr, et pas au point d’être dérangé par des mictions trop fréquentes). Car en effet, si les protéines sont déconseillées en trop grande quantité, c’est parce que les déchets azotés excrétés par le rein (urée, acide urique, NH4), ainsi que les phosphates et les charges acides, doivent être CONCENTRES dans l’urine bien au dessus de leurs concentrations plasmatiques.

    Pour en savoir plus au sujet des risques que cette activité de concentration entraîne (et donc l’hormone anti-diurétique), consulter les revues suivantes:

    Bankir L, Bouby N, Ritz E.
    Vasopressin: a novel target for the prevention and retardation of kidney disease?
    Nat Rev Nephrol. 2013 Apr;9(4):223-39. doi: 10.1038/nrneph.2013.22.

    Bankir L, Roussel R, Bouby N.
    Protein- and diabetes-induced glomerular hyperfiltration: role of glucagon, vasopressin, and urea.
    Am J Physiol Renal Physiol. 2015 Jul 1;309(1):F2-23. doi: 10.1152/ajprenal.00614.2014.

    Bien cordialement,

    Lise Bankir

    • PUautomne dit :

      Merci, pour les conserves, c’est le sel qui pose problème mais aussi la composition en protéines qu’il est difficile de déterminer. Pour le point 6 on fait comme dit dans le point 3 on utilise des pâtes sans protéines. Concernant l’apport hydrique, il n’existe pas à ma connaissance d’études bien faites permettant de recommander une augmentation de l’apport hydrique pour prévenir la soif.

      • Lise Bankir dit :

        Merci pour cette réponse et l’explication concernant les pâtes.

        Pour l’hydratation, il ne s’agit pas de “prévenir la soif” mais de réduire la sécrétion d’hormone antidiurétique. Comme résumé dans les deux revues que j’ai citées, les effets de cette hormone sur la progression des maladies rénales sont bien démontrés chez l’animal, et très fortement suggérés chez l’homme par un bon nombre d’études épidémiologiques.
        Il y a peu d’études d’intervention car qui est prêt à financer des travaux où le “traitement”, s’il s’avérait efficace, n’apporterait pas de bénéfices pour un laboratoire quelconque puisqu’il s’agira seulement de boire plus d’eau.

        • PUautomne dit :

          Les études animales sont intéressantes mais ne sont que des travaux expérimentaux qui donnent des pistes certes intéressantes mais qui doivent être confirmés, pour les études épidémiologiques je ne trouve pas que le signal va vers un boire beaucoup c’est bon pour les reins, parfois oui parfois non. La qualité des études est de plus très discutables.
          Je pense que les fabricants d’eau aimeraient beaucoup avoir ce genre d’études, d’ailleurs si ma mémoire est bonne Danone par exemple finance quelques laboratoires.
          Enfin si ma mémoire est bonne pour réduire à 0 la sécrétion d’ADH il faut diminuer l’osmolalité plasmatique à moins de 280 ce qui me parait franchement difficile en clinique, juste en buvant de l’eau, si on y arrive l’hyponatrémie n’est pas dénuée non plus de risque. J’ai donc quelques doutes sur notre possibilité de réduire la sécrétion d’ADH sans approche pharmacologique.

          • Karine dit :

            Bonjour, j’ai déjà lu quelque part qu’il était nocif pour l’organisme de boire trop.
            Je prends le traitement Jinarc depuis 1 an et bois environ 6 litres d’eau par jour…

  5. Lise Bankir dit :

    Il ne s’agit pas de réduire l’ADH à zéro ni de provoquer des osmolalités plasmatiques très basses. J’ai bien expliqué dans tous mes articles et dans les revues indiquées plus haut que la production d’urines diluées peut aussi entraîner des conséquences négatives. Les effets de l’ADH sur la filtration glomérulaire montrent une courbe en J. Le but de boire plus est d’EMPECHER LE REIN DE CONCENTRER. Pas de le forcer à produire des urines hypo-osmotiques.

    Danone en effet soutient certaines études sur les effets d’une augmentation de l’hydratation. Mais reproche-t-on aux labos pharmaceutiques de soutenir des études pour évaluer leurs nouvelles molécules? Et qui d’autre pourrait soutenir des travaux où le traitement proposé est d’augmenter l’hydratation? De plus, je ne pense pas que Danone compte beaucoup sur le marché que représentent les patients en insuffisance rénale. Ça ne représente pas une cible commerciale bien significative.

    Il faut comprendre que la concentration de l’urine a un « coût ». Elle diminue l’excrétion fractionnelle de différents solutés (dont principalement, mais pas seulement, l’urée) et entraîne, par des mécanismes indirects, une augmentation du débit de filtration glomérulaire et une hypertrophie rénale qui sont tout à fait comparables à ce que produit un régime riche en protéines (comme montré dans mes travaux expérimentaux et expliqué dans les revues citées plus haut).

    Les travaux expérimentaux sur rat normal, sur rat en insuffisance rénale et sur rat diabétique sont très convaincants. Je suis bien d’accord qu’il faut ensuite les confirmer par des études chez l’homme. Les études épidémiologiques ne peuvent permettre d’établir des liens de cause à effet. Et pour les essais clinique, l’amplitude des changements qu’on peut provoquer chez l’homme est bien moindre que celle qu’on provoque chez l’animal. De plus, les facteurs de confusion sont bien plus nombreux. Donc, les résultats seront surement moins faciles à démontrer. Mais le principe de base reste vrai: concentrer l’urine est une fonction que l’évolution a favorisée pour limiter nos besoins en eau (comme chez la plupart des mammifères). Mais c’est une fonction qui peut avoir des conséquences négatives en imposant au rein des contraintes qui ne sont pas souhaitables lorsque le rein est malade (quelque soit le type de pathologie).

    • PUautomne dit :

      J’entends bien les arguments que vous donnez, ce que je dis juste, c’est qu’il faut bien à un moment des essais cliniques pour montrer qu’augmenter l’apport hydrique avec un objectif d’osmolalité U si je comprend bien autour de 300 est utile et non délétère. Chez l’animal beaucoup de choses marchent que nous n’arrivons jamais à retranscrire en clinique humaine. De nombreuses études épidémiologiques ne montrent aucun bénéfice à l’augmentation de la diurèse.

      • Lise Bankir dit :

        Merci PerrUche. Je comprends moi aussi vos réserves. Et je sais bien que les études chez l’animal « marchent » plus souvent que les études chez l’homme car, chez l’animal, les groupes sont vraiment similaires sauf pour le facteur considéré qu’on fait varier intentionnellement. De plus, on peut faire des variations bien plus fortes que celles qu’on peut envisager chez l’homme.

        Mais les mammifères ont tous des traits communs et je pense que les études animales, quand elles portent sur des fonctions vraiment basiques des organes considérés, permettent d’identifier des facteurs importants, même si les effets escomptés seront plus faibles chez l’homme.

        Quant aux études épidémiologiques qui ne montre pas de bénéfice d’augmentation de la diurèse, elles n’ont pas dû être bien contrôlées ou basées sur des critères peu valides sans tenir compte de facteurs confondants. Pouvez vous m’indiquer à quelles études vous pensez? Pour la ré-analyse du débit urinaire dans l’étude MDRD (premier auteur Hebert), je peux vous expliquer beaucoup de choses non satisfaisantes à son sujet.

        Il y a maintenant un bon nombre d’études épidémiologiques qui montrent des associations positives entre différents marqueurs de faible hydratation ou de forte concentration urinaire (tels la concentration plasmatique de copeptine -marqueur de l’ADH-, ou la diurèse de 24h, ou la consommation d’eau, ou l’osmolarité urinaire) avec, soit la prévalence ou l’apparition d’insuffisance rénale dans des populations (études transversales et longitudinales), soit la progression de l’insuffisance rénale dans des cohortes diverses (études longitudinales). De plus, les effets pervers de l’AVP sont aussi fortement suggérés dans l’albuminurie chez l’homme, et bien démontrés dans l’ADPKD.

        Nous avons cité plusieurs de ces articles dans une revue récente. Et un article très convainquant vient d’être publié par un groupe suédois.

        Clark W et al. Hydration and Chronic Kidney Disease. Progression: A Critical Review of the Evidence
        Am J Nephrol 2016;43:281–292, DOI: 10.1159/000445959

        Enhorning S et al, Plasma copeptin as a predictor of kidney disease
        Nephrol Dial Transplant (2018) 1–9. doi: 10.1093/ndt/gfy017

        • PUautomne dit :

          J’avais écrit un truc sur le sujet avec des références. https://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=2931

          • Lise Bankir dit :

            Merci pour ce lien. Je n’avais en effet pas lu ce sujet sur votre blog. Je vais le lire attentivement.

            Je reprends votre conclusion: « En attendant, soyons raisonnable, écoutons notre hypothalamus et buvons quand il nous le dit. »

            J’y adhère tout à fait pour la population générale. Il n’est pas question de dire à tout le monde de boire plus que ce que la soif nous amène à faire. L’incidence des maladies rénales dans la population n’est pas suffisante pour qu’on donne un pareil conseil à tous.

            Mais pour les gens qui ont une insuffisance rénale pas encore trop avancée, il me semble important qu’ils ne « fatiguent » pas leurs reins en continuant à concentrer l’urine, ce qui provoque une hyperfiltration glomérulaire comparable à celle induite par un régime riche en protéines.

            Dans notre civilisation occidentale, nous mangeons beaucoup de protéines, qui apportent au rein beaucoup d’urée, d’acide urique, d’ammonium, de charges acides, etc…. à excréter, mais pour ce faire, à les concentrer dans l’urine (entre 10 et 1000 fois plus que dans le plasma selon les solutés considérés).

            Et puis la sélection naturelle a privilégié une certaine économie d’eau chez les mammifères y compris l’homme, pour leur donner une liberté par rapport à leur environnement. Et cette fonction d’économie d’eau est maintenant moins nécessaire puisqu’il est facile d’avoir accès à l’eau, en tout cas dans les pays occidentaux.

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