Nous savons depuis longtemps que les cadeaux influencent nos décisions. Ceci s’appelle un conflit d’intérêt. Ce phénomène est bien connu en médecine. Les cadeaux impactent les décisions de prescriptions, il n’y a pas de doute là dessus. Les cadeaux ne sont pas seuls en cause, nos convictions scientifiques, morales, éthiques jouent aussi beaucoup. C’est un autre sujet. L’évaluation des cours par les étudiants est devenu dans de nombreux pays un outil de mesure de la qualité des enseignants. Le corollaire est l’impact de ces évaluations sur la carrière, le salaire, voir la nomination. Les facteurs non pédagogiques influençant la note finale est un sujet à débat sans fin, qui poussent certaines facultés à renoncer à cet outil. La note obtenue à l’évaluation, le sujet du cours, le coté sexy de l’enseignant, le genre de l’enseignant, la taille de la classe, la bonne entente dans la classe, par exemple ont un impact sur la note qu’aura le professeur. Un groupe allemand s’est intéressé à cette question. Les auteurs sont probablement partis de l’observation que le « free lunch » joue sur la prescription médicale. Il existe une association qui lutte contre ça. Personnellement, j’accepte toujours de manger quand on me le propose et je sais que je suis sous influence. Méfiez vous de ce que je dis. L’article dont je vais parlez est disponible en cliquant sur le lien ci dessous.
Les auteurs ont évalué l’apport de cookies au chocolat sur la note finale fournie à l’enseignement. La méthodologie est très propre. 118 étudiants en troisième année d’école de médecine bénéficient d’un cours de médecine d’urgence (le syndrome coronarien), ils sont divisés en 20 groupes. Les cours sont faits par deux enseignants qui feront cours à 5 groupes cookie et 5 groupe contrôle chacun. Une boite de 500 g de cookies est apporté par l’enseignant qui l’annonce. L’évaluation est faite à la fin (on coche de 1 à 7 pour 36 items et de 1 à 6 pour 2). Le score maximum est de 264 points, pour l’évaluation du professeur, il est de 124, pour la note matériel de cours la note maximale est de 14. Les statistiques sont standards.
Les résultats sont très intéressants. 112 étudiants ont remplis l’évaluation finale, les caractéristiques démographiques entre les deux groupes ne sont pas différentes.
Les étudiants du groupe cookie ont mangé en moyenne 3,6 +/- 1,4 cookies par participants. 54% des commentaires ouverts sont en rapport avec les cookies. Les gâteaux influencent les réponses, la note est meilleure dans le groupe cookie de façon globale et pour les questions concernant la qualité de l’enseignant et la qualité du support de cours.
En analyse multivariée, si on met dans le modèle, le genre de l’étudiant, l’IMC, l’age, le professeur A ou B, et les gâteaux, seuls les cookies au chocolat ont un impact sur la note finale de l’évaluation. Le don de pâtisserie joue sur 6,3% de la variation de la note finale. C’est peu mais significatif.
Cette étude a des limites, les étudiants n’ont pas été informés de l’étude (problème éthique, mais insolvable), les professeurs n’étaient pas en aveugle par rapport à l’intervention, le chocolat peut influencer l’humeur (est ce un effet cadeau ou spécifique, il faudra essayer avec des pommes). Malgré tout, elle montre qu’une petite attention qui n’a rien à voir avec la qualité de l’enseignement influence de façon peu importante mais significative la note finale. Ceci est très important quand on évalue les enseignants avec cet outil. Quelques points peuvent faire la différence entre titularisation ou pas dans certains pays. Je vous rassure pas en France.
Je retiens que si je veux une bonne note la prochaine fois j’apporte une boite de Haribo en cours, peut être que ceci peut aussi faire venir les étudiants en cours. Pour une évaluation sans biais, il faut interdire que l’enseignant amène des sucreries en cours. Je lance le mouvement « No free cookies ».
Pour ceux qui en doutaient encore, le petit cadeau a une influence sur notre jugement aussi bien pour évaluer un enseignant que dans le choix d’une molécule dans le traitement d’un patient. Nous devons en être conscient. Chacun est libre ensuite d’accepter ou pas cette mise sous influence.
Bonjour, je trouve rassurant de voir que l’impact des cookies est aussi faible, même si tu signales qu’il peut-être signifiant pour la carrière de l’enseignant. Il me semble que les comportement positifs des enseignants en cours sont susceptibles d’avoir un impact bien plus fort qu’une boîte de chocolats.
Par ailleurs, si les profs se mettent à faire des cadeaux de ce type aux étudiants, ceux-ci, qui ne sont pas si cons, vont se rendre compte de la manipulation et l’effet pourrait être inversé.
Mais tu as parfaitement raison : une telle évaluation doit être accompagnée d’une interdiction des cadeaux aux étudiants, sous toutes leur formes (les cadeaux…) !
Ping : Plus belle l’évaluation avec un gâteau? – Portail-Veille
Il ne faut pas mésestimer le rôle de l’empathie (créée par un gâteau ou autre) sur l’éveil de l’intérêt au cours, sur la bonne réception du cours.
Un cours doit être bien donné, mais aussi bien reçu.
Qui n’a pas repris goût à l’école le jour où il a bien aimé sa maîtresse ou son maître ? ou est entré dans une école jolie et fonctionnelle ?
Exactement la même chose qu’un malade qui va mieux quand il rencontre un médecin dont l’écoute et la parole lui conviennent mieux. A traitement médicamenteux égal.