Aujourd’hui, deux podcasts écoutés sur le chemin du travail, un Superfail sur la canicule de Chicago et un pourquoi du comment sur le mutualisme. Le point commun entre ces deux émissions, montrer que les interactions sociales complexes sont la base de la survie. Une preuve, si il en fallait encore une après deux ans de pandémie, que la réalité du vivant aussi bien en terme écologique qu’en terme social ne résiste pas au simplisme. Le rôle de la science est de dépasser le bon sens pour révéler la complexité. Parfois la science fait du simplisme et nourrit des idéologies qui n’ont pas fait du bien à la planète et à l’animal Homo Sapiens. Si pour expliquer la société ou le vivant, on vous donne une explication simple avec une voie unique sans rétroaction avec un seul exemple, c’est que probablement on fait fausse route.
Pour la canicule, il est facile de dire que c’est les pauvres qui meurent car ils sont pauvres, pas de climatisation, moins de savoir et puis ils sont pauvres donc pas comme nous, car on est toujours le pauvre de quelqu’un, une explication facile et rassurante. L’analyse d’Eric Klindberg montre que la mortalité est corrélée à la densité des infrastructures sociales indépendamment de la pauvreté. Pour résister à une catastrophe, il faut des liens faibles en gardant des infrastructures sociales, le boulanger du coin de la rue, l’association paroissiale, des services publiques, etc. Il faut un ensemble d’acteurs qui permet de faire société. Ce travail montre que pour survivre à un drame, le lien social est important. Les survivalistes qui pensent pouvoir vivre dans leur coin sans rien ni personne au moment de la catastrophe font fausses routes de même que la société libérale qui voudrait faire de nous des entrepreneurs de nous même. Nous ne sommes pas des êtres rationnels, sinon la publicité ne marcherait pas. L’humain(e) est un animal social, il a besoin pour exprimer son meilleur des autres et de collaborer autrement que par des liens financiers ou d’intérêts, même si il s’agit de moteurs puissants. Nous ne surmonterons pas la crise climatique sans nous envisager en société globale. Ceux qui pensent survivre sur leurs petites montagnes se trompent. La pandémie a montré que nous étions dans la même galère. Chaque fois que nous avons cru que nous avions surmonté le plus difficile, un variant est venu nous rappeler que nous ne sommes pas seul mais connectés. Si nous ne retenons pas cette leçon, la souffrance sera grande quand nous aurons atteint les 3 degrés de plus qui nous attendent car nous n’avons pas collectivement voulu changer.
Pour l’écologie, nous avons longtemps vécu dans un modèle qui est faux celui de la chaîne alimentaire linéaire, où la vie n’est que lutte sans place pour la collaboration. Il y aurait un superprédateur au sommet à qui tout profite sans rien en retour, ceci a justifié et justifie encore des visions très darwiniennes (en fait une lecture très superficielle du grand Charles) des liens sociaux et des approches type the winner take all. Comme c’est dans la nature, c’est que c’est bien. Cette vision pyramidale des relations dans le monde vivant n’est qu’un minuscule fragment de la réalité. Il occulte que la majorité des interactions entre êtres vivants sont des chaînes de mutualismes. Les exemples pris dans l’émission sont remarquables allant du très simple (pourquoi la punaise de lit arrivent à ne se nourrir que de sang) au formidablement complexe (la cote atlantique du Brésil et ses centaines d’espèces connectées). Ces modifications de perspectives sur la robustesse du vivant qui passent par des chaînes mutualistes redondantes devraient nous faire réfléchir à la survie de nos écosystèmes sociaux. Nous ne sommes que des animaux dans la grande chaîne du vivant. Notre gros cerveau nous a donné une puissance incroyable de modifications de l’environnement. Qui dit grande puissance dit grande responsabilité. Nous ne sommes qu’un maillon et nous avons besoins des autres vivants pour être en bonne santé, c’est le sens de One Health.
C’est passionnant de voir comment les idées simples et fausses persistent dans l’imaginaire collectif et poussent à faire de mauvais choix. La culture scientifique devrait servir à ça, montrer que rarement le vivant est simple. Il est complexe et ne repose jamais sur une vision du winner take all, car quand le winner n’a plus rien à prendre ils meurent comme les autres. Nous devrions être humbles devant la superbe complexité du vivant et la respecter en ne nous contentant pas d’explications simplistes alors que de toute évidence les questions sont ardues.