La maladie rénale chronique est une affection méconnue du grand public et de beaucoup de médecins. C’est malheureusement une pathologie fréquente et qui est en augmentation. Nous avons de nombreux outils à notre disposition pour ralentir la dégradation de la fonction rénale et améliorer le pronostic des patients. Nous avons le traitement de la maladie sous jacente, la néphroprotection et la diététique. Avec les outils actuels et ceux à venir nous pouvons gagner de nombreuses années avant de proposer un traitement de suppléance à nos patients. Nous avons une particularité en néphrologie, quand l’organe qui nous intéresse ne fonctionne plus du tout nous pouvons encore proposer quelque chose, dialyse ou transplantation. Alors que l’histoire devrait finir, elle va continuer. Les techniques de suppléance ont un coup avant tout pour le patient avec le temps dédié à la prise en charge et ses complications. Je ne vais probablement pas donner envie de faire de la néphroprotection en vous parlant de la charge monumentale que représente cette maladie pour le patient. L’empathie est une chose très limitée dans l’espèce humaine. Si vous n’êtes pas sensible à la souffrance de vos congénères peut-être le serait vous à celle de votre portefeuille car les techniques de suppléance ont un coup aussi monumental financier. Le dernier rapport « AMÉLIORER LA QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ ET MAÎTRISER LES DÉPENSES » de l’assurance maladie nous apporte des informations importantes sur le sujet.
La maladie rénale chronique stade 5 au stade de suppléance concerne 101 000 personnes en 2021. La dépense annuelle individuelle moyenne par patient est de 43 086 euros. Ceci ne va pas beaucoup vous parler. Comparons à la dépense annuelle moyenne pour l’ensemble des patients soit 2 696 euros et 374 euros pour ceux ne consommant que du soin courant. La dépense annuelle moyenne pour un patient avec un cancer actif, c’est 13 410 euros.
La prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale représente un volume financier de 4 milliards 300 millions d’euros soit 2,3% des 185 milliards d’euros des dépenses de santé en France en 2021 pour 0,14% de la population française (vous verrez sur le graphe suivant 4,4% ce que je ne comprends pas).
Sur le tableau, vous verrez les différences de coûts entre dialyse et transplantation. La dialyse c’est 62 950 euros par an et par patient en moyenne, la première année de transplantation rénale est plus chère pour un montant de 71 150 euros et pour le suivi de transplantation 13 450 euros par an comme pour un cancer actif.
C’est l’honneur de la solidarité nationale de prendre en charge les patients avec une insuffisance rénale chronique terminale au vu de son coût individuel. Il faut absolument que nous maintenions cet effort d’autant plus qu’il s’accompagne d’une très bonne qualité des soins dans les différentes techniques. Il ne sert à rien d’opposer les techniques, elles sont complémentaires et tout néphrologue doit savoir proposer l’approche qui sera la plus adaptée à son patient. Soyons clair, la transplantation rénale reste le meilleur traitement de la MRC.
Il est du devoir du médecin de ralentir au maximum la nécessité d’une technique de suppléance. J’espère que la prochaine fois nous aurons le coût du forfait MRC dans ce rapport pour comparer combien coûte un an de traitement néphroprotecteur par rapport à un an de dialyse. Vous vous dites certainement que c’est une histoire de néphrologue, en fait non c’est une histoire de tous les médecins qui voient des patients avec un diabète, des patients hypertendus ou avec une pathologie cardiovasculaire. Identifier les patients à risque de progression, en pratique ceux avec une albuminurie et/ou avec une HTA non controlée, pour leur proposer le meilleur traitement néphroprotecteur est du devoir de l’ensemble des médecins de soins primaires et des cardiologues. Malheureusement, le chemin est long.
Car comme vous le voyez moins d’un tiers des patients hypertendus ont bénéficié d’un dépistage de la MRC. Nous avons pas mal de boulot pour identifier les patients chez qui nous pouvons ralentir la dégradation de la fonction rénale. Les médecins de soins primaires doivent s’approprier le dépistage de la MRC et la néphroprotection pour réduire la charge de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale.
Il est essentiel que nous prenions la pression artérielle à nos patients et que nous souhaitions viser une tension artérielle inférieure à 135/80 mm Hg. Il est essentiel de réaliser un RAC (ratio albuminurie/créatininurie) pour trouver les patients qui bénéficierons vraiment de la néphroprotection. La prochaine fois que vous doserez la créatinine pensez à ajouter sur votre ordonnance un RAC. Prélever du pipi c’est bien moins invasif que prélever du sang.
La néphroprotection est économiquement viable, elle est surtout une chance formidable pour les patients d’avoir une meilleure qualité de vie et une plus grande liberté qu’en traitement de suppléance. Y a pas que l’argent dans la vie.
En tant que patiente, je préfère une prise de sang à une analyse d’urine … c’est moins contraignant (je vais au cabinet infirmier et hop). Alors que l’analyse d’urine, faut aller au labo chercher le pot, faut faire pipi dedans (c’est pas si simple :-D) et le ramener. Ca me prend beaucoup plus de temps et d’énergie.
« Il est essentiel de réaliser un RAC (ratio albuminurie/créatininurie) pour trouver les patients qui bénéficierons vraiment de la néphroprotection. La prochaine fois que vous doserez la créatinine pensez à ajouter sur votre ordonnance un RAC. »
Je note que cette recommandation apparaît dans la nouvelle version du « Guide du parcours de soins – Maladie rénale chronique de l’adulte (MRC) » de la HAS (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3288950/fr/guide-du-parcours-de-soins-maladie-renale-chronique-de-l-adulte-mrc).
« Les patients à risque sont repérés, un suivi annuel est réalisé avec dosage sanguin de créatinine et un dosage d’albuminurie/ créatininurie. »
Bon dimanche.