Il est certaines œuvres qui vous bouleverse. J’ai failli ne pas acheter ce recueil. Il a traîné longtemps avant que je ne l’ouvre. Il est venu avec moi en déplacement. je l’ai lu dans une chambre d’hôtel sans charme et dans une salle de petit déjeuner bruyante. J’ai pleuré. Émotion brute. Je ne saurais vraiment pas expliquer autrement ces larmes. La qualité du poème et la puissance de l’art ont raisonné en moi.
Larmes nées de la honte, honte d’avoir détesté quelqu’une, pas pour ce qu’elle était mais pour ce que les médias en avaient fait. Honte d’avoir raté une œuvre monumentale et troublante. Honte d’avoir accepté ce narratif de la méchante femme asiatique qui pervertit le gentil homme blanc en détruisant le plus grand groupe de pop du monde. Honte d’avoir admis ce racisme ordinaire, cette misogynie de bas étage. Oui, une des artistes le plus important du XXe siècles est une femme japonaise, riche, déracinée et veuve.
Je pleure sur la souffrance de cette femme si forte et si fragile. Tout ce bruit alors qu’il n’y avait qu’une aspiration au silence. Travailler pour oublier la perte. Prouver qu’on peut, même si on est femme. J’ai rarement aussi bien senti, la difficulté d’être femme dans un monde fait par les hommes et pour les hommes. Ce que nous n’avons pas supporté de Yoko Ono, c’est ce que nous trouvons admirable chez les hommes. L’assignation de genre est une mécanique mortifère. J’ai une honte terrible d’avoir accepté ça sans réfléchir.
Elle a inventé la performance avec d’autres. Son œuvre a été largement pillé, sans vergogne et sans lui rendre justice. Elle a souffert de part sa famille totalement folle, peut être une forme d’identification dans mes larmes. Travailler pour oublier la douleur de la perte, quelle connerie. Comme les réflexes familiaux reviennent au galop quand on souffre. Comme il est détestable de ne pas être capable de surmonter notre héritage pour être nous.
Si troublant, ce texte, si troublant cette expérience littéraire, si troublant ces images en noires et blancs. Si troublant, cette œuvre qui raconte la vie d’une femme dont la vie est une œuvre d’art.
Un exemple du talent de cette très grande artiste.
Un jeu d’échec entièrement blanc qui illustre l’absurdité de la guerre. Chaque adversaire joue jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus reconnaître leurs pièces. Ceci soulève une très belle question sur l’identité. Est ce que le noir ou le blanc que la génétique nous assigne nous résume? Ne sommes nous pas avant tout, des humains qui plutôt que de s’entre-tuer et se haïr devraient essayer de se comprendre et se respecter.
Elle fait ce qu’elle veut Yoko Ono en ne cédant rien. Le refus de la convention sociale est radicale. Je suis troublé par la force de l’évocation de Yoko Ono dans ce texte. Forcement je pense à Oe et à son absence absolue de bienséance au service du texte et de la transmission de son expérience de vie dramatique, sans fard
C’est probablement ça qui me bouleverse, découvrir qu’on peut être soi mais qu’il faut accepter d’être détesté pour de mauvaises raisons. Je n’aurai pas aimé être le fils de Yoko Ono mais j’ai une grande admiration pour elle et pour son expérience. Les œuvres décrites dans le texte sont d’une grande force et remuent nos méninges comme rarement.
On devrait plutôt dire de John Lennon, ce musicien anglais vous savez le mari de Yoko Ono plutôt que l’inverse. La musique des Beatles est probablement moins dérangeante que les œuvres de Yoko Ono.
Vous l’avez compris, j’aime ce texte.
L’autrice parle mieux de sa poésie que moi. J’en profite pour la remercier de m’avoir fait découvrir Yoko Ono.
Les Beatles par Brad, c’est quand même top.