Une urgence néphrologique classique

Un matin, un patient hémodialysé du centre est amené par ses ambulanciers en fauteuil alors qu’habituellement il marche. Ils l’ont retrouvé à son domicile incapable de faire deux pas. Il est incapable de bouger ses jambes. Il arrive péniblement à bouger ses bras. L’infirmière décide de le brancher en dialyse et fait appeler le médecin de garde. Quand il est arrive, le patient n’est pas encore branché mais on a pris son pouls qui est à 25 bpm. Ce n’est pas son rythme cardiaque habituel, comme vous pouvez le voir sur son ECG de base.

Le médecin accélère le mouvement du branchement en dialyse et demande qu’on injecte un peu de gluconate de calcium en IV. Un ECG pendant ce temps est fait.

Il n’est effectivement pas très rapide avec un ECG profondément modifié. Bradycardie, plus d’onde P, des QRS bien élargis et des ondes T qui ne sont pas vraiment comme on s’y attend. Pendant que la prise en charge commence à prendre forme, on fait un nouveau tracé.

Vous voyez en fin de tracé, sur le DII long, la modification de l’ECG avec une accélération du rythme, le changement de forme du QRS et des ondes T qui retrouvent la forme attendue surtout en V4 , V5 et V6. La pression dans la cervelle du médecin diminue un peu. Le bilan qu’il avait demandé arrive sur ses petites jambes.

Le diagnostic et la prise en charge était la bonne, une belle hyperkaliémie responsable d’une bradycardie extrême. La sévérité de l’hyperkaliémie explique l’absence des ondes T amples pointues et symétriques sur le premier ECG. Le gluconate de Calcium, plus la baisse de la kaliémie avec la dialyse entraine une réapparition de ces dernières.

La leçon, un dialysé qui marche plus et/ou qui est bradycarde jusqu’à preuve du contraire, c’est une hyperkaliémie et on traite comme telle.

Pour comprendre les anomalies électriques associées à l’hyperkaliémie je vous conseille ça, si vous êtes cardiologue. Plutôt ça, si vous êtes un néphrologue de base comme moi.

Enfin pour la prise en charge thérapeutique, c’est ici avec cette très bonne revue récente.

Le traitement de l’hyperkaliémie doit être connu de tous les médecins. Le pronostic vital peut être mis en jeu très rapidement. La demande d’avis est inutile voir dangereuse pour le patient. Il ne s’agit pas d’une question de spécialiste.

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3 réponses à Une urgence néphrologique classique

  1. Florian Zores dit :

    très joli déroulé ECG lors de la correction de l’hyperkaliémie !

  2. b2c dit :

    Merci d’avoir rappelé que les résines échangeurs d’ions ne sont pas le traitement d’une hyperkaliémie menaçante. Trop d’étudiants les citent dans le traitement curatif, alors qu’elles n’ont leur place que dans la prévention de ce désordre.

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