L’IRDES a publié son atlas des pratiques médicales en France en 2019. Il s’agit d’une lecture importante. Les auteurs de ce travail, regardent pour une dizaines de pratiques essentiellement chirurgicales, les variations de recours à l’échelon départemental et leurs conséquences. Sur la figure ci dessous vous avez la moyenne nationale (trait noir) et chaque point est un département. Par exemple, pour la prothèse de hanche, 54 personnes pour 100000 habitants en France ont eu la pose de ce dispositif médical après une fracture. Il n’y a pas beaucoup de variabilité (écart-type faible, 8,99) entre les différents départements français. Ce qui est logique pour cette pratique dont les indications sont très claires. Je signale qu’il y a un ajustement pour la structure de la population (âge et sexe). Prenons une autre chirurgie, celle de l’adénome de la prostate, on a un taux moyen national de 376 pour 100 000 hommes de plus de 40 ans, ici la variabilité interdépartementale est très importante, écart-type de 62. Le département où il y a le moins d’actes est à 268 et le plus haut à 644, soit 2,4 fois plus d’interventions que dans le département où il y en a le moins. Il y a des vraies questions à poser sur la pertinence des soins dans un sens ou dans l’autre, peut être qu’on opère trop ou pas assez. Je ne sais pas.
L’atlas capte aussi le taux de réhospitalisation à 30 jours, c’est un indicateur de la qualité mais aussi du risque d’une pratique à mettre en balance avec les bénéfices attendus. Vous voyez que le taux de réhospitalisation le plus faible est de 1,1% après une césarienne. Pour la chirurgie de la prostate, c’est 12% avec une variabilité non négligeable de 3% à 21%, un facteur 7. Vous voyez l’utilité du truc quand un de vos patients va se faire opérer de la prostate vous pouvez lui dire qu’il a une chance sur 10 de devoir retourner en hospitalisation dans le mois qui suit l’intervention.
Ce qui m’a particulièrement intéressé, la pose de stents coronaires en dehors de l’infarctus du myocarde (IDM). Je regrette que nous n’ayons pas les mêmes données pour la pose à la phase aigue. On parle ici d’angioplastie avec pose de stent dans un contexte de coronaropathie chronique dont le traitement doit être essentiellement médicale. Je vous renvoie à cette note de blog volontairement car rédigé avant les résultats d’ISCHEMIA. Juste pour dire qu’en 2019, on savait déjà que dans la coronaropathie chronique le traitement médical doit être optimal et l’angioplastie venir en cas de symptômes insuffisamment contrôlés et pour objectif d’améliorer la qualité de vie des patients, ce qui est important, mais pas pour améliorer le risque de MACE. Je vous rappelle juste que pour les patients avec une maladie rénale chronique dans ISCHEMIA, le bras angioplastie est plus mauvais que le bras sans du fait d’une augmentation du risque d’AVC et du risque de décès ou de mise en dialyse. C’est un autre sujet.
En France, en 2019, le taux de recours pour la pose de stent hors IDM est de 163/100 000 habitants à l’échelon national avec une variabilité importante puisque dans le département où on pose le plus de stents, la Meuse, le taux est à 342 contre 85, en Vendée, département où on en pose le moins en France métropolitaine. On pose 4 fois plus de stents dans l’est que dans l’ouest en France. Analyser pourquoi il y a une telle différence est un enjeu majeur, pour savoir si c’est pas assez ou trop. Vous remarquerez qu’entre 2014 et 2019, le taux de recours médian à franchement augmenté.
Quel le risque d’être hospitalisé dans les 30 jours après la pose d’un stent? 16% en moyenne en France en 2019, une donnée importante à donner à vos patients. Là encore une variabilité non négligeable car les départements les moins à risque de réhospitalisation sont autour de 8% contre 23% pour les départements les plus à risque, ici un facteur 3 qui n’est pas négligeable et pose des questions.
Cette publication est passionnante avec beaucoup d’informations et ouvre des champs d’investigations importants sur l’analyse des pratiques et sur comment les faire évoluer. J’espère que les tutelles mais aussi les sociétés savantes vont s’emparer du sujet. Dans un système de santé contraint financièrement, au vue des volumes, l’efficience des pratiques est une question majeure pour les patients mais aussi pour les finances publiques. On aimerait bien avoir ce document tous les deux ans.
Un commentaire, suite à un échange Twitter (ou maintenant X) sur l’importance, pour les auteurs de blog, des commentaires.
Les publications de l’IRDES sont une source de réflexion , malheureusement on peut douter que les tutelles ne les lisent, ou du moins y attachent une importance.
Merci et je crains que vous n’ayez raison
Super billet Stéphane ! Est-ce que quelque part dans ce document ils cherchent à mettre « l »offre de soins » en rapport avec ces écarts ? Autrement dit est-ce que c’est normalisé par le nombre de cardiologues/coronarographistes dans la région ?
merci
Non j’y ai pensé mais j’avais pas le temps de chercher et c’est plus compliqué que ce qu’on croit.
Yvan ILLITCH se retourne sans doute dans sa tombe, visionnaire des années 70, Némésis médicale, médicalisation de la vie où quand un système de soins devient une industrie de santé.
Ça rejoint les données de France-PCI publié tout récemment où la moitié des angioplasties sont hors infarctus ! https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37783602/
Pour l’intérêt (hum) de l’angioplastie dans la maladie coronaire stable, c’est tout récent (re-hum) https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(97)07298-X/fulltext (il faut bien lire les résultats pour apprécier à sa juste valeur le spin final)