J’ai découvert R. Carver en écoutant cette émission des nouveaux chemins de la connaissance. Une nouvelle m’intéressait particulièrement, « Une petite douceur ». En attendant mon train, j’ai trouvé le volume de nouvelles, qui contient celle qui avait retenu mon attention.
Il y a douze histoires, douze bijoux de littérature, douze aventures humaines, douze huis-clos, douze coups de poing, douze découvertes, douze peintures d’une Amérique alcoolisée, douze désespoirs et quelques raison de croire en l’humanité. Je conseille sa lecture à tous les futurs médecins ou médecins, comme je conseille systématiquement celle de « Récits d’un jeune médecin« .
Plumes, la maison de Chef, Conservation, Le compartiment, Une petite Douceur, Les vitamines du Bonheur, Attention, Là d’où je t’appelle, Le train, Fièvre, La bride, Cathédrale.
Ces douze textes sont une expérience de la solitude, de l’alcoolisme, du chômage, de la perte de l’être aimé, de la peur de l’autre, de la pauvreté, de la peur du lendemain, de la peur de soi.
Carver transmet l’expérience de l’alcoolisme de l’intérieur. Il permet de comprendre la détresse, la mécanique de la chute dans l’addiction, la difficulté d’en sortir, de ne pas replonger. Ces courts récits sont des ouvertures vers l’autre, ils sont plein d’empathie pour ces personnages perdus, abandonnés, isolés. Il nous explique la fin de l’amour, la solitude à deux, la perte de l’estime de soi et cette haine qui arrive qui détruit tout. De temps en temps, une lueur d’espoir, les hommes ou les femmes sortent des murs de leur asiles intérieurs et découvrent en eux des ressources insoupçonnées d’amour. Ces textes sont d’une beauté mélancolique.
Carver a un talent exceptionnel, en quelques lignes les intérieurs sont là, vous êtes dans ces séjours sordides, dans ces chambres miteuses, vous sentez tous, vous voyez tout à travers les yeux de ces héros malheureux. Si vous voulez mieux comprendre certains de vos patients, lisez Carver, il y a une justesse, une précision clinique dans l’analyse de la mécanique des sentiments. Ses histoires vous feront gagner un peu de temps comme seule la littérature peut le faire quand l’auteur est un monstre d’amour de l’autre.
Certaines nouvelles vous feront penser à des tableaux de Hopper. Après avoir lu, Carver on comprend mieux d’où vient beaucoup de la littérature américaine des années 80 et 90. Ces nouvelles sont d’une puissance unique. Ces textes peuvent paraitre sombres et sans espoir, mais un message persiste et rémanent, celui de la possibilité d’un meilleur par l’ouverture vers l’autre et en fait vers soi. Ne plus avoir peur de ses fantômes pour vivre et ne pas survivre, comme une ode à la quête de la vie psychique autonome. Il faut un choc, un événement et le dire ou le faire qui permet de sortir de sa prison névrotique, et peut être, la porte ne se refermera pas.
Ces nouvelles sont indispensables à lire. Elles me hanteront longtemps. Je reviendrai sur celle qui m’a fait acheter le recueil, une petite douceur… Elle entre en résonance étonnante avec un truc que j’ai écrit deux jours avant de lire la nouvelle.
Je prends note, mais pour l’instant je continue à lire l’oeuvre Boulgakov 🙂
Raymond Carver a été un grand choc de lecture, je l’ai découvert quand j’ai vu Short Cuts, film adapté de Carver. Je suis d’accord : on comprend mieux la littérature américaine de ces trois dernières décennies quand on lit Carver.
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