J’aime les conflits d’intérêt, les années passent et je les accumule joyeusement. J’avais un peu de culpabilité, surtout quand je vois ceux qui restent propres. J’ai même écrit pour passer du conflit à la confluence et me dédouaner un peu. Depuis un mois, je me sens beaucoup plus à l’aise avec cette problématique.
La loi française oblige tout industriel à déclarer le moindre avantage en nature à partir de 10 € fait à un professionnel de santé. J’adore aller regarder la mienne et voir cette accumulation, je suis un vrai vendu. Vous pouvez savoir exactement de quel laboratoire votre médecin est un affidé. Vous pouvez ainsi discuter avec lui de la pertinence de sa prescription à la lumière de ces informations. Vous prescrit il cette molécule car vous en avez besoin ou juste car il espère un repas gratuit ? Il faut aller plus loin et obliger les médecins à afficher dans la salle d’attente leur fiche conflits d’intérêts mise à jour en temps réel.
Il faut féliciter notre ministre de ce sunshine act à la française. Vous pouvez d’ailleurs vérifier sa probité ici. Elle avait expliqué à quel point le conflit d’intérêt était insupportable et inique, brisant la confiance etc. J’arrête le violon.
Je m’attendais, naïvement, à un positionnement éthique rigide de la part du gouvernement avec le refus de tout argent venant de l’industrie qui pourrait corrompre les décisions du gouvernement ou de ses agences dans le domaine de la santé. Dans le même temps nous avons d’autres messages de notre secrétariat d’état de tutelle (celui de l’enseignement supérieur et de la recherche). Nous avons une incitation forte, pour ne pas dire une injonction, de ne pas vivre qu’au crochet du contribuable pour conduire nos travaux de recherche. Nous devons absolument aller chercher de l’argent auprès des industriels. En temps qu’enseignant-chercheur mais aussi médecin prescripteur, je suis pris entre deux feux, situation un tantinet schizophrénique. D’un coté quand un laboratoire me paye un croissant, un café et un jus d’orange, je suis un salaud vendu qui va prescrire n’importe quoi et n’importe comment. De l’autre coté, si je ne vais pas draguer de l’industriel pour qu’il me donne un peu d’argent, je suis un incapable, un assisté, qui ne comprend pas la modernité de la recherche publique dont le salut est dans le partenariat avec le privé.
Il y a des jours où j’ai un peu de mal à tout comprendre. J’avais des remords à me faire inviter par l’industrie surtout quand je lis les appels de ces gens si purs et si propres. Heureusement, Madame la Ministre des affaires sociales et de la Santé vient de me déculpabiliser totalement. Récemment, en grand pompe vient d’être signer un accord entre MSDAvenir et Marseille immunopole. Il faut féliciter les cinq projets qui vont bénéficier de la manne de 5,4 millions d’euros pour mener à bien leur recherche dans le domaine de l’immunothérapie du cancer. Sujet qui nous est présenté d’une grande modernité, je me souviens quand j’étais externe (il y a plus de 20 ans), déjà on promettais à tous les patients que l’immunothérapie allez les sauver. Quand un message est bon, la communication le recycle toujours, regardez l’abstract, 1990, les auteurs parlaient déjà de thérapie ciblée. Vous pourrez voir ici qu’en 1962 on essayait déjà l’immunothérapie chez la souris.
MSDavenir est le bras philanthropique de MSD, un laboratoire pharmaceutique. Je pensais que cet accord serait signé à Marseille, manifestement ce n’était pas possible, même si les bénéficiaires sont en province, l’accord doit être signé à la capitale. Naïvement je pensais que la ministre de la santé ne serait pas là craignant de voir en ce rapprochement un conflit d’intérêt. Il s’agit de recherche encore très amont qui relève du secrétariat à la recherche, donc du ministère de l’éducation nationale plus que du ministère des affaires sociales et de la santé. Et bien, pour être sur une photographie, on oublie les beaux discours sur les conflits d’intérêts.
J’aimerai savoir comment sera géré la négociation sur le prix des médicaments qui sortiront de cette recherche ? Ou si demain MSD doit commercialiser un nouveau produit à un prix un peu élevé comme se feront les discussions? J’ai du mal à croire que le directeur général d’une grande entreprise ne sera pas tenter de rappeler ce coup de pouce à la recherche française qui a permis à Mme la ministre de paraitre si moderne. J’ai mauvais esprit, je dois me tromper. Ceci n’est fait que pour le bien du malade souffrant qui attend impatiemment de nouveaux traitements.
Depuis cette signature et la présence du ministre de la santé, je me sens beaucoup plus à l’aise pour manger un petit four lors d’une réunion organisée par un laboratoire où je suis invité à parler.
Excellent l’abstract du Lancet 1990. Je l’ai fait lire dans mon labo sans montrer la date, tout le monde y croyait!
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Bonjour,
je tenais à vous informer que dans le cadre de notre rubrique « Le Post », nous citerons votre blog dans un article publié ce 21 mai sur le site JIM.fr
Cordialement.
L’équipe du JIM