A quelques mois d’intervalle, j’ai tweeté deux articles parlant d’obésité. L’un sur l’intérêt de proposer aux patients obèses, consultant leurs médecins traitants, un programme de perte de poids. Que n’avais je pas fait, oser parler à un patient de son poids, quel acte de stigmatisation intolérable, j’ai reçu quelques messages me signifiant ma nullité médicale et mon absence totale d’empathie. Le deuxième hier, un article observant une diminution de la motivation des patients obèses sur la perte de poids au cours de différentes périodes allant des années 80 à 2010. Là aussi, volée de bois vert, vouloir inciter les gens à maigrir est un scandale et une ineptie médicale.
J’ai compris, je vais arrêter de parler de ça en tout cas en 140 caractères. Les réactions observées qui viennent de professionnels de santé confirment que la lutte contre l’obésité est perdue. Manifestement dénoncer big pharma, c’est bien, attaquer big food et ses conséquences, c’est mal. Je rappelle, en passant, l’impact sur la survie de l’obésité. Si les soignants pensent qu’il n’est pas utile, pas important, pas nécessaire de parler de leur problème de poids aux patients, très bien. Je dois faire parti de ces maltraitants de soignants dénoncés par Martin Winckler.
Je fais un truc horrible pendant ma consultation. Je regarde le poids des patients et j’ose leur en parler avec quelques conseils diététiques et sur l’importance de l’activité physique. J’insiste sur le rôle de la perte de poids pour améliorer la glycémie, le contrôle tensionnel et la dégradation de la fonction rénale. J’essaye d’expliquer qu’une activité physique régulière est centrale, qu’il faut commencer doucement puis augmenter sa charge de travail régulièrement. Pareil pour maigrir, rien ne sert de partir comme un fou, mais qu’il faut avant tout réduire les quantités, éviter le grignotage, faire attention aux produits riches en sucres, etc. Je ne fais pas de la grande diététique, ni psychologie, parfois ça marche parfois non, j’adresse aussi à mes collègues endocrinologues. Voilà, j’ai confessé mes pêchers en public, je suis un maltraitant anti-gros.
Je suis convaincu de l’importance de ramener le poids dans des proportions raisonnables c’est à dire un IMC entre 25 et 30 pour les sujets obèses. Je rappelle au passage que viser un IMC entre 18,5 et 22,4 est l’idéal. La surcharge pondérale est un problème individuel et collectif. Il est difficile de résister à la pression de la publicité, de la tentation de cette oralité si rassurante et rapidement satisfaisante. Interdire la publicité sur la boustifaille et les émissions de cuisine me sembleraient une mesure de bon sens. Améliorer l’étiquetage pour le rendre claire, faire de l’éducation diététique dès le primaire et surtout la poursuivre durant toute la scolarité. Il y a aussi une part de choix individuel. L’obèse n’est pas une victime, c’est un sujet agissant capable de modifier ses comportements alimentaires. Il faut juste l’aider. Éviter un discours stigmatisant mais aussi éviter un discours totalement libérateur. L’obésité est un vrai problème de santé publique pas uniquement une lubie de fabricants de produits light ou de vendeurs de régime. Je continuerai à aborder ce problème avec les patients qui viennent me voir en consultation. J’ai le sentiment que c’est aussi mon travail de médecin.
J’en profite pour signaler que demain, c’est la journée mondiale du rein. Son thème porte sur ce non problème qu’est l’obésité et le rein. Tous vendus au lobby du maigre. Vous aurez peut être droit à une petite présentation sur le sujet.
On vous a donné une volée de bois vert pour avoir parlé du poids ? Je suis totalement d’accord avec vous et votre maniére de proceder.
nephropathie et obésité. tissu adipeux ( mais pas tout le tissu adipeux » partout » ) = organe endocrinien, sécretion de multiples cytokines inflammatoires , état inflammatoire chronique, pbe immunitaire etc…
par ailleurs : obésité centrale =>mauvaise mécanique diaphragmatique, syndrome restrictif, apnées du sommeil, hypoxie chronique, augmentation de la resistance à l’insuline etc..et on tourne en rond dans les effets secondaires de l’obésité;
sans culpabiliser les patients, puisque nous ne sommes pas tous » égaux » devant la prise de poids : il est tout de meme bon à un moment, quand on a fait connaissance, de dire aux gens que tout kilos perdu peut » faire du bien » et donner quelques conseils de bon sens.
En interrogeant les gens, sur ce qu’ils mangent, on voit parfois de grosses erreurs.. faciles à corriger ( aliments à index glycémique élevé ).
Ensuite, le non sens général est que les consultations dietétiques ne sont pas remboursées , ors elles devraient l’être pour les diabétiques au moins..
Il y a des gens qui ne peuvent pas bouger ( handicapés ), pas la peine de les « culpabiliser « avec le poids, ils font ce qu’ils peuvent…. tous les cas de figure existent. Il faut avoir du tac.
au début, je n’osais pas trop parler du poids.. mais désormais, j’en parle.
anne
En même temps, ces mêmes font une campagne de sensibilisation sur les risques de l’obesite…c’est exactement comme l’illettrisme, une insulte…du mépris alors que cela précarise des milliers de gens dans leur poste de travail.
Il faut savoir et apprendre à se confronter à cette réalité car y mettre trop de franfreluches, on bascule dans le deni et le corps nous le rappelle sauvagement!
Bonjour,
J’ai découvert votre blog il y a peu, et comme je l’ai trouvé pertinent, je me suis inscrit; j’ai donc reçu cet article ce jour.
Ce qui est le plus important, c’est ce que vous ressentez devoir faire, les insultes n’ont jamais fait avancer quoi que ce soit. Ce qui est le plus important, c’est de constater que vous vous posez des questions, et que vous essayez d’y répondre sans foncer tête baissée sur les modes unicistes du moment. Ce qui est important, c’est d’abord l’avis de vos patients. Ce qui est important c’est le résultat que vous obtenez avec votre savoir faire qui évoluera avec le temps, et vos constatations.
La mode veut que l’on appelle maladie des symptômes pour devoir les traiter; la mode veut que l’on traite des chiffres, avec une seule méthode pour pouvoir l’analyser « scientifiquement ». La mode veut que des symptômes tels que l’obésité, provoqués par des dysfonctionnements de notre système socio-économique soient traités par des médecins pour que l’on puisse continuer à vivre avec ces dysfonctionnements, moteur de notre économie.
Alors, effectivement, chaque cas est un cas particulier, chaque cas est une conséquence d’un dysfonctionnement de nos société (avec une prédisposition génétique), seule une analyse faite conjointement par un patient et par son médecin, avec du temps, permettra de trouver une porte de sortie. Traiter un chiffre avec un régime standard (pseudo-individualisé raccourci en individualisé), contrôlé par une « Intelligence artificielle » est une ineptie la plus totale qui plait à tous ceux qui sont devenus incapables de réfléchir par eux-mêmes, et dont la nourriture intellectuelle est prédigérée par les médias tous à la solde des payeurs qui permettent la survie de ces médias.
Je vais vous donnez un exemple, non pas concernant une personne « obèse » (terme qu’il ne faut plus utiliser, il faut dire individu de corpulence supérieure), mais une personne hypertendue, pardon, « à tension élevée », pour vous montrer comment fonctionne notre société moderne.
Donc, une grand-mère de 80 ans, équilibrée avec 1 esidrex par jour. Une nuit agitée, elle fait une chute du lit, sa fille la retrouve le lendemain matin au pied du lit, après une nuit d’insomnie frigorifiée. Elle saute sur son appareil à tension conseillé par son pharmacien…220/110…elle l’emmène illico chez le cardiologue, qui confirme 220/110. Arrêt de l’esidrex, mise sous bi-thérapie, le lendemain toujours TA trop élevée, retour chez le cardiologue, mise sous tri-thérapie, le lendemain toujours TA trop élevée, retour chez le cardiologue qui change la tri-thérapie pour une autre; le lendemain, TA toujours trop élevée, appel du cardiologue qui dit que ce n’est plus de son domaine, mais de celui de son médecin traitant; je suis donc appelé. Je trouve 220/110, j’indique que 8 jours avant, la TA était bonne, que l’on allait revenir à l’ancien traitement de 1cp d’ESIDREX (2 euros environ par mois au lieu de 40 avec le dernier traitement); la fille partant en vacances, elle voulait que je passe tous les jours, je suis passé tous les deux jours. A J2, elle avait 220/110, alors je lui ai dit qu’elle avait 210/100. 2 jours après, elle avait 210/100, alors je lui ai dit qu’elle avait 200/95…et on est arrivé comme cela, progressivement à 120/80 comme avant…Je suis sûr que ma technique pourrait être considérée comme une technique d’assassin, mais si la science permettait de comparer, pour la même personne la durée de survie comparée, mon traitement esidrex versus trithérapie du cardiologue, on rigolerait peut être…mais c’est sûr, big pharma et ses prolongations m’auraient distribués avant une interdiction d’exercer.
vive la médecine moderne!
Cordialement et bon courage.
Bonsoir,
La volée de bois vert était toute relative. Il devient douillet le PU Automne.
Simplement, tu as beau faire ce que nous faisons tous : donner de bons conseils, éducation thérapeutique, hospitalisation dans des centres, régimes divers et variés et bien ça ne marche pas. C’est tout. Nous (j’essaie aussi) perdons du poids, parfois beaucoup, parfois pendant quelques années et puis le poids revient avec en général un petit plus. C’est comme ça.
Je me suis installé en médecine générale il y a 25 ans et j’ai un fichier informatique qui remonte à 1985. En dehors des jeunes et des post grossesses, AUCUN patient n’a maigri durablement. AUCUN. Zéro.
Heureusement, il y a le byepass, mais j’attends le recul et le vieillissement des patients.
Bon, tu m’as assez agacé pour que j’écrive un billet.
Docteur_V
Merci beaucoup Docteur_V
infirmière libérale, je me suis formée récemment à l’éducation thérapeutique avec un groupe de médecins, diététicienne, podologues, psy,dans le cadre d’un projet de maison de santé. Au bout de 30 ans de pratique, j’en arrive aux mêmes conclusions que le Dr V. ,il est difficile voire impossible de changer les habitudes alimentaires.Du coup, service minimum…mais j’insiste sur l’activité physique, la marche étant la plus facile, et plusieurs s’y sont mis!
Mais donnez nous un truc qui marche pour maigrir: vous serez l’homme le plus riche du monde tellement on veux tous être maigre.
Le probleme c’est qu’on n’arrive pas à maigrir durablement. Alors qu’est ce qu’on fait ? On se flagele toute notre vie ? Non merci.
J’ai de la chance, en tant qu’endocrino, les patients viennent pour qu’on parle de leur poids.
Et je vois qu’en tant que professionnels de santé, nous sommes EXTREMEMENT mal armés pour en parler et pour affronter le problème. Sincèrement, j’ai eu 2h de cours de nutrition en 10 ans de médecine ! si c’est pas une honte ça !
Les médecins ici présents, avez-vous été mieux lotis que moi en terme de formation diététique ?
Que savons-nous sur l’alimentation de plus que les patients avec nos 2 pauvres heures de fac sur le sujet (enfin moi, vous je ne sais pas, racontez-moi) ? est-ce que la blouse blanche fait autorité sur la qualité de notre alimentation ? sachant qu’aux congrès et autre réunions médicales, je vois mes confrères manger mal, très mal et en grosses quantités.
Et plus je lis sur le sujet (auto formation un minimum pour ne pas dire de conneries devant les patients), plus je me rends compte que les conseils que je donne sont diamétralement opposés au discours ambiant et même à certains conseils des médecins qui m’adressent leurs patients. Que faire ? dire que les médecins d’avant avaient tort ?
Bref, j’ai réussit à faire perdre 250kg à mes patients en 2016 (400 de perdus et 150 de retrouvés). En tout cas pour ceux qui reviennent…je ne compte pas le nombre de perdus de vue.
Pour la formation, j’ai un peu tout essayé, sauf le DU : lectures diverses, DPC Et j’ai eu quelques cours en capacité de gériatrie (mais là, c’est plus pour les faire grossir ;)). 32 ans après mes études, je peux dire une chose : c’est que c’est en nutrition que l’on entend le plus de tout et de son contraire. Les « principes » en particulier chez les bébés ont changé une douzaine de fois.
Vu qu’il est impossible de faire des études « double aveugle », d’affamer les gens ou de les gaver, il est très difficile d’avoir des niveaux de preuves qui dépassent les « hypothèses physiopathologiques » ou l’avis d’expert autoproclamé.
Donc tout le monde raconte ce qu’il veut, ce qu’il croit et ce qui l’arrange.
Le discours est totalement brouillé par BigFood qui vend de l’allégé au prix du foie gras et du gras/sucré au prix de la santé des gens.
À court terme, TOUT marche. C’est comme pour le tabac. Arrêter c’est assez facile, ne pas reprendre c’est plus dur. Mais je trouve qu’il est beaucoup plus facile, au long cours, de faire arrêter les gens de fumer que de les empêcher de reprendre leurs kilos.
Bonjour. Oui c’était (PCEM 1996-1998, DCEM 1998-2000) plutôt léger, plus que 2 heures quand même. Depuis c’est de l’autoformation sauvage, quoique le temps de l’internat en néphrologie nous étions dans un CHU avec un vieux patron jeune retraité pétri de culture générale qui venait faire des topos qui nous ouvraient les écoutilles, y compris sur ces questions. J’ai appris aussi en écoutant les diététicien(ne)s. Leur travail est précieux et comme pour le reste dès qu’on accorde du temps et de l’écoute aux patient(e)s les problèmes se complexifient. Je ne vois moi aussi guère de champ médical plus miné que la nutrition avec ses infinies controverses et orientations. Ca ne justifie pas d’abandonner ce terrain. Je reste persuadé que beaucoup de patient(e) peuvent bénéficier réellement de quelques conseils simples, sans que ce bénéfice ne se « voit » forcément en kg perdus. Enfin peut-être est-ce une douce illusion….
Il n’y a rien de plus compliqué que de modifier des comportements souvent ancrés depuis l’enfance. Les enjeux autour de la nourriture dans la vie des gens sont tels qu’il me semble illusoire d’avoir une approche centrée seulement sur les recommandations diététiques.
« Faut manger plus de ci, moins de ça… »on peut le répéter pendant des jours, ça va marcher un temps, puis non.
Pour la qualité nutritionnelle des aliments, les bouquins et les conseils de JM Cohen sont bien étayés.
J’ai prévu de lire le psy Apfeldorfer spécialiste des comportements alimentaires pour voir ce qu’il raconte.
J’ai quelques bouquins en anglais sur le régime paléo, mais j’ai la flemme de les lire, en plus je n’ai pas de problème de poids : le même depuis 20 ans.
Il semble d’ailleurs bien plus compliqué de faire prendre du poids à un maigre que de faire perdre du poids à un gros et en plus c’est beaucoup moins rentable, pour parler crument.
J’ai de plus en plus l’impression que le poids est une sorte de point d’équilibre qui dépend de tellement de facteurs que l’on ignore qu’il semble revenir à cet équilibre dès qu’on relâche les efforts.
Pour l’aspect santé publique, interdire les pubs et les émissions de cuisine ne correspond pas trop avec ma vision de la liberté, et de la vie en société. Je serais plus favorable à des politiques incitatives qu’à des interdictions.
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Une piste peut-être ! gros.org (groupe de reflexion sur l’obésité et le surpoids)
Bonne journée
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