Uricémie et crises de goutte

La goutte est une maladie humaine. Elle est probablement vieille comme l’humanité. Nous sommes une des rares espèces à avoir perdu l’uricase. Nous accumulons ainsi plus ou moins d’urate. A 37°c, quand la concentration d’urate dépasse 405 µmol/l ou 6,8 mg/dl, il va former des cristaux qui se déposeront et entraîneront une réponse inflammatoire. Ce phénomène conduit, quand ça se passe au niveau des articulations, à la crise de goutte. Cliniquement, c’est une arthrite, douleur, chaleur et rougeur de l’articulation. La localisation la plus classique est le gros orteil, mais toutes les articulations peuvent être touchées. Les facteurs favorisants la maladie goutteuse sont la prise d’alcool, la consommation d’aliments riches en purine, la prise de diurétiques, le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension et surtout la maladie rénale chronique. La prise en charge thérapeutique repose sur le traitement de la crise de goutte, l’arthrite (en pratique des anti-inflammatoires (colchicine ou AINS ou corticoides) pendant quelques jours) et sur le traitement de fond (la prise en charge des facteurs favorisants (alcool, alimentation, etc) et médicaments diminuant l’acide urique (allopurinol ou febuxostat)). Une question pour lequel nous n’avions pas beaucoup de réponses était la question de la valeur prédictive chez des patients avec une maladie goutteuse de la concentration d’urate sur le risque de crise de goutte (poussée d’arthrite microcristalline).

Une analyse de la cohorte UK Biobank y répond. Les auteurs ont inclus tous les patients avec une maladie goutteuse et un dosage de l’acide urique à l’inclusion dans la cohorte soit 3613 patients. Ils ont ensuite recueilli les épisodes de goutte. Il s’agit d’une étude rétrospective, d’analyse de dossiers. La partie la plus robuste est la fréquence des crises de goutte nécessitant une hospitalisation. Ils ont fait des groupes de patients par mg/dl d’urate de 6 jusqu’à plus de 10. Je mets un tableau de conversion de l’uricémie en µmol/l (j’ai arrondi, sauf le facteur de conversion).

Conversion Uricémie
Uricémie en mg/dlUricémie en µmol/
159,98
5297
6357
6,8405
7416
8475
9535
10595

Les patients avec l’uricémie la plus importante sont des hommes, plus gros, consommant plus d’alcool, fumant, consommant plus de viande rouge, utilisant plus de diurétiques et présentant plus souvent une fonction rénale altérée.

Le résultat de l’étude est simple et attendu, plus votre uricémie est importante plus votre risque de faire une nouvelle crise de goutte est important, en ajustant sur les facteurs de risque de crises de goutte, l’age, le poids, le sexe et la prise d’hypouricémiants. Je mets volontairement la figure pour les crises ayant nécessité une hospitalisation car le résultat le plus robuste. Vous pouvez remarquer que si votre acide urique est inférieure 357 µmol/l votre risque de faire une crise de goutte nécessitant une hospitalisation est quasi nulle.

En ambulatoire, vous avez le même ordre de grandeur, la première année, pour une uricémie inférieure à 357 µmol/l, il y a 9,5 crises de goutte pour 1000 patient (1% des patients goutteux ferons une crise de goutte). Pour ceux avec une uricémie entre 357 et 416, le risque de faire une crise est multiplié par 4,6, pour ceux entre 416 et 535, multiplication du risque par 9, entre 535 et 595, on multiplie par 16 et si l’uricémie est supérieur à 595 µmol/l on multiplie le risque par 27. Pour ce dernier groupe, de 82 patients, il y aura 25 crises de gouttes, en gros un patient sur 3 fera nouvelle crise de goutte. Ceci peut vous aider à expliquer l’intérêt du traitement hypouricémiant pour réduire le risque de crise de goutte à vos patients réticents à en prendre un.

Cet article fournit des données utiles pour informer les patients sur leur risque de refaire une crise de goutte en fonction de leur concentration d’acide urique. Ce n’est qu’indicatif mais dans la discussion du traitement de fond ceci peut être utile. Je vous rappelle qu’il n’y aucun intérêt à traiter une hyperuricémie en dehors d’une maladie goutteuse. Ceci n’a aucun effet néphroprotecteur.

Ce contenu a été publié dans Medecine, Non classé, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.