L’insuffisance rénale chronique peut se compliquer d’atteintes de tous les organes. Une cible majeure est le système cardiovasculaire. L’insuffisance rénale chronique est reconnu comme un facteur de risque cardio-vasculaire indépendant. Les mécanismes conduisant à ces complications sont mal connus. J’espère vous avoir convaincu dans mes notes précédentes (ici et là) que ce sur-risque ne peut pas être expliqué par les facteurs de risque traditionnels. Il a été proposé que l’accumulation de composés produits par l’organisme et normalement éliminés par le rein sont responsables des complications de l’IRC. Ces molécules sont appelés toxines urémiques. Parmi celles ci, un groupe fortement lié aux protéines, donc difficile à éliminer par les techniques classiques de dialyse, joue un rôle dans la toxicité vasculaire de l’IRC. Les solutés indoliques sont produit à partir du tryptophane alimentaire par les bactéries du tube digestif, parmi eux l’indoxyl sulfate (IS) est associé à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire chez l’insuffisant rénal chronique.
Une des grandes complications cardiovasculaires observées au cours de l’IRC est l’augmentation du risque thrombo-embolique . L’état prothrombotique est secondaire à de multiples phénomènes mettant en jeu une augmentation de facteurs circulants de la coagulation et un défaut de protection contre la thrombose du vaisseau en particulier une dysfonction endothéliale phénomène bien connue chez l’IRC.
Un groupe français vient de publier dans Kidney International (en AOP) un très intéressant article sur les mécanismes moléculaires de la toxicité des solutés indoliques sur la cellule endothéliale pouvant être responsable de l’augmentation du risque thrombotique.
Cette équipe a utilisé une approche par microarray pour identifier les gènes dont l’expression est modifiée après exposition de cellules endothéliales à de l’IS. Cette stratégie, dont la puissance n’est plus à démontrer, a permis d’identifier le gène codant pour le facteur tissulaire (FT) comme un des gènes les plus fortement induit par la toxine urémique. Plus important, il existe un enrichissement en gènes dont l’expression est contrôlée par un facteur de transcription, aryl hydrocarbon receptor (AHR).
Les chercheurs ont fait l’hypothèse, qu’ils ont confirmée, que le FT est un nouveau gène dont l’expression est contrôlée par AHR et que de ce dernier est le ligand des indols. Ces toxines induisent in vitro et in vivo une activation de la coagulation dépendante du FT. In vitro, l’exposition de l’endothélium à l’IS augmente la production de facteur Xa traduisant l’activation de la coagulation. Chez l’homme, il y a une corrélation entre le taux circulant de FT et les taux de solutés indoliques. Il existe de plus une activation de la coagulation dépendante du FT chez les patients insuffisants rénaux chroniques.
Enfin, ce groupe montre qu’un agoniste bien connu d’AHR, la dioxine, stimule la production de FT et active la cascade de la coagulation.
Cet article novateur et provocateur suggère que certaines toxines urémiques, les indols, ont un mode d’action moléculaire identique à la dioxine. Il faut noter qu’une autre toxine, la kynurénine est aussi connu pour être un agoniste d’AHR. Il est probable que l’activation d’AHR soit un phénomène important dans la survenue des complications cardiovasculaires de l’insuffisance rénale chronique. Il a été montré que les personnes exposés à ce toxique, qu’on trouve aussi dans la fumée de cigarette, ont un risque cardiovasculaire augmenté et que des animaux gavés à la dioxine ont une accélération du processus d’athérogenèse.
Au delà de l’insuffisance rénale, cet article montre que les agonistes d’AHR peuvent activer la coagulation. Ceci pourrait expliquer l’augmentation du risque thrombotique retrouvé chez les fumeurs.
Ce papier propose une nouvelle façon de voir l’insuffisance rénale chronique qui pourrait être assimiler pour certaines complication à une intoxication « dioxin-like ». Il reste à montrer qu’in vivo les patients avec une insuffisance rénale chronique ont une activation de la voie AHR.
Cette nouvelle vision des mécanismes moléculaires associées aux complications de l’IRC est pleine de promesses car il existe des antagonistes d’AHR. Nous verrons si l’histoire donne raison à ces scientifiques et médecins.
En parlant du sur-risque CV de l’IRC, vous n’auriez pas un avis sur l’elimination d’une cible d’hta a 130/80 dans l’IRC par la SFHTA et plus recemment par l’ESC? (cela me semble plus que surprenant, ayant clairement ignorer les recos de la SFHTA, mais l’ESC…. c’est plus complexe a ignorer… ce que j’aime apprendre le CUEN comme un benet 🙂 )
La simplification de la cible est une très bonne chose.
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