Voici une grave question. Honnêtement je changerai bien le nom de ce blog pour mandarin archéo-réac (MAR), ce qui me retient est la complexité du truc. Je resterai donc une perruche jabotante, pour ne pas dire radotante ce qui va bien avec le mandarinat. Disons le tout de suite le terme de réactionnaire est tellement mis à toutes les sauces que je ne sais plus ce qu’il veut dire. Je vous conseille la lecture de ce petit article du monde sur le sujet.
Pourquoi se poser cette question? J’ai appris grâce à l’ISNI que j’étais un sale réactionnaire, oppresseur du prolétariat internesque. Je ne reviendrai pas sur les échanges de tweets qui on conduit à ce diagnostic sans appel. Je mets les preuves de mon immense faute.
Perruche en Automne est un blog de mandarin réactionnaire. Je suis désolé pour tout ceux qui pensaient le contraire. Je m’incline devant la démonstration faite par l’ISNI. Je le confesse bien volontiers, le service où je travaille ne pratique pas le repos de sécurité pour les internes, en plus ils travaillent le samedi matin, comme tous les médecins du service d’ailleurs. J’ai aussi appris que les internes du service étaient dans une grande détresse morale. Ces échanges furent un choc salutaire pour moi. Manifestement, nous nous occupons mal des internes, qui souffrent dans notre service d’esclavagistes mafieux patentés. Soit, je prends acte, nous n’en faisons pas assez pour les internes. Il va falloir améliorer ce fait. J’espère que dans quelques jours le bureau de ce syndicat en parlera de vive voix avec mon chef de service pour que nous évoluions vers plus de justice sociale sous la férule ISNIenne.
J’ai découvre la suite des échanges plus tard.
Les derniers tweets m’ont renvoyé à mon histoire. Que les choses soient claires, je ne nie pas la souffrance au travail, je ne nie pas l’existence des grands méchants loups, harceleurs, pervers-narcissiques ou hyper-narcissiques comme on les appelle au gré des modes et du temps. Je ne nie pas le fait que le milieu professionnel puisse ne pas être bienveillant. Nous aimerions tous vivre dans un monde plus juste, plus équitable, où nous nous respecterions tous sans invective, ni jugement hâtif, sans menace, ni délation. Ce n’est pas le cas, on peut le regretter, on peut vouloir que les choses changent, tant mieux.
Je suis probablement naïf mais je ne crois pas que le milieu professionnel soit volontairement malveillants. Il peut le devenir pris dans sa routine de « gens qui ne vont pas trop mal », quand une personne pour une raison ou un autre décroche de la « normalité » du « pas trop mal ». Il faudrait, à mon humble avis de non spécialiste pour ne pas dire de béotien, que les effets du travail soient intégrés dans le parcours de vie de l’individu. Le monde du travail est dur, le monde médical est dur, soigner des personnes malades est une des choses les plus difficiles psychiquement que je connaisse. L’investissement nécessaire laisse parfois peu de place à une réflexion sur soi, surtout si en plus elle est douloureuse et que ce n’est pas une habitude. L’introspection a du bon. Alors, il est tentant, facile, humain, de dire que tout est la faute du travail. Si ça allait mieux sur le lieu de travail, si on avait plus de temps, moins de ci, plus de ça, un chef différent, un collègue plus ci, moins là, tout serait parfait et nous irions formidablement bien. Ce n’est probablement pas faux, mais pas totalement juste. Le travail est responsable, mais j’ai l’impression, que bien souvent il n’est qu’un révélateur. Certains patients, transplantés du rein, découvrent que la transplantation du rein n’est que le meilleur traitement de l’insuffisance rénale chronique. Avoir un nouveau rein, ne vous fera pas retrouver vos 20 ans, ne rendra pas votre femme plus désirable, ne donnera pas meilleur caractère à votre mari, ne vous fera pas retrouver vos clés de voiture le matin. Il ne vous permettra, de ne plus dialyser, d’avoir une meilleure qualité de vie, mais il ne réglera pas les problèmes qui ne l’ont pas été avant comme par miracle. Parfois la transplantation accentuera certains problèmes car étant mieux dans son corps, n’ayant plus le paravent de la dialyse, il faut affronter des choses endormies. Il y a aussi les médicaments qui modifient certaines émotions, ne le nions pas. Alors oui, il faut être vigilant sur les conditions de travail, mais ce n’est pas en réduisant mon temps de travail que mon fils renaitra.
J’ai déjà raconté les circonstances de la mort de mon fils. J’ai continué mon activité professionnel, je ne me suis pas arrêté. C’était difficile, insupportable, mais indispensable pour ne pas complétement sombrer. J’ai eu le sentiment que mon milieu professionnel était maltraitant. Est ce que l’interne de mercredi était un monstre? Je ne le crois pas. On ne prêtait pas assez attention à ma souffrance, on ne m’épargnait rien, personne ne faisait attention à moi. J’ai failli partir 10 fois, 20 fois de ce service. J’étais à deux doigts de tout plaquer. J’ai su que je déplaçais le problème. Les gens n’étaient pas plus méchants, ni plus gentils, ils étaient comme ils avaient toujours été. La vie continue alors que ton monde s’effondre. Tu voudrais tant que tout bascule, sombre avec toi pour ne plus être seul.
Votre vie s’arrête mais la vie des autres continue et vous n’y pouvez rien. Vous êtes là avec votre faille. La moindre agression, et dieu sait que le monde du travail est agressif surtout à l’hôpital, qui habituellement était gérable, devient insupportable car vous êtes éclaté, détruit. Alors oui, les conditions de travail deviennent pénibles, mais elles ne sont pas le nœud du problème, elles ne sont que des éléments précipitants, aggravants. Heureusement que ma situation était évidente et que j’ai pu l’analyser. Il était très tentant de plonger dans le « on me harcèle », j’ai failli y céder, surtout un an ou deux après la mort d’Oscar. Quand les gens ont oublié alors que vous vivez toujours au présent de l’indicatif, l’absence.
Le lieu de travail ne peut être un lieu de thérapie. Parfois il l’est mais ceci ne devrait pas. Le mélange est mauvais, trop précaire, trop dépendant des personnes, de l’entourage et de leur propres histoires.
Soigner est dur. Voir la mort est une expérience limite qui renvoie à des peurs terribles, ancestrales. Je me souviens du nom, de l’endroit, des circonstances du premier patient que j’ai réanimé seul et qui est mort. Expérience traumatisante mais impossible à ne pas vivre, il faut juste être capable d’en faire quelque chose, en parlant. Les nouvelles générations d’internes, d’externes, bien souvent n’ont pas connu l’expérience du deuil, cette petite mort du nous à travers la mort de l’autre. Cette angoisse terrible qui nous étreint quand un proche meurt, l’absence bien sur, mais aussi la peur de notre propre fin. Il est plus facile d’apprendre le deuil dans la famille. Il y a un cadre, un rituel, l’amour qui protège, l’accompagnement, le fait de ne pas être seul à vivre cette expérience. Il faut bien sur que la famille ne soit pas trop dysfonctionnelle.
Dans le monde médical, c’est autrement plus dur de faire l’expérience de ce premier mort. La mort est là. Les différents soignants ont construit autour de ça pour le supporter, parfois sans le savoir. La force de l’habitude est à ne pas négliger, comme je l’avait écrit là. Il y a là un vrai travail à faire sur, comment accompagner les jeunes soignants face à ces premiers morts. J’ai le sentiment qu’il y a un chantier passionnant pour ceux qui souhaiteront s’en emparer. La médecine est un boulot tellement prenant qu’il est difficile de ne pas vivre avec un peu tout le temps, de ne pas être contaminé. Il faut trouver des espaces de paroles, la famille, les amis, les collègues, des groupes de paroles, un psychologue, un psychiatre pour dénouer les fils et éviter que ce choc de la rencontre avec la maladie, ma mort ne se transforme en drame. Parler de soi, réfléchir sur soi encore et encore pour que ce soit supportable et pas trop destructeur.
Il est bien de se préoccuper des conditions de travail, de limiter les heures de travail, d’assurer le temps de formation théorique, mais il ne faut pas que ceci masque la réalité profonde et à mon sens que nous négligeons trop. La médecine est un métier difficile. On ne le répétera jamais assez ce n’est pas un métier comme les autres.Un métier fabuleux mais un métier qui nous renvoie, soignants, à une angoisse originelle de l’humanité, celle de notre fin.
Le contact avec l’homme malade, souffrant, mourant n’est pas anodin, banal, et de moins en moins courant en dehors du domaine médical, en particulier dans les pays occidentaux. Nier cette dimension particulière de l’expérience médicale, c’est rater quelque chose. Oui, je suis un vieux réac car je crois que ce métier est le plus passionnant, le plus excitant, le plus formidable qui existe, mais qu’il est difficile, exigeant, demandant le meilleur de nous même. Toujours vouloir se dépasser, être meilleur juste pour celui que nous avons en face, qui nous confie sa vie. Le temps de formation est court et il y a tant à apprendre, tant à maitriser pour commencer à prendre du plaisir. Car soigner peut être une véritable source de plaisir. Alors oui, il faut sacrifier de son temps, renoncer à plein de choses, à une vie « normale ». La préparation de l’ECN, n’est que le début de l’histoire, pas la fin. Comme mon maitre m’avait dit que la nomination comme professeur n’était que le début d’autre chose, avec encore plus de travail. Il n’avait pas tort comme souvent… Devenir médecin est une activité très consommatrice de temps et d’énergie, qui de mon expérience, ne peut pas se faire en 35 heures, mais j’ai des limites intellectuelles que je concède bien volontiers. Devenir médecin est l’activité d’une vie. J’apprends toujours, j’apprends encore des patients, des étudiants, des internes, de la vie médicale. C’est un processus sans fin se nourrissant de tout. Il peut paraitre angoissant, il est la richesse de ce métier fascinant et passionnant qu’est le soin.
Cette note est le fruit de mon expérience de vie. Elle reflète mon opinion et elle est profondément individuelle. Elle n’est en rien une vérité. Ce n’est qu’un angle de vue sur l’activité médicale. Je crois que la médecine est une activité globale, embrassant tous les champs du savoir et de l’expérience humaine. Je comprends tout à fait qu’on ne partage pas cette vision.
Je trouve intéressant la réflexion de TitBouchon sur cette notion d’aménagements successifs du temps de travail sans pour autant avoir de diminution du nombre d’interne en souffrance (même si cela est exprimé par le ressenti d’une personne sans que cela se vérifie forcément sur l’ensemble des internes), c’est un sujet qu’il faudrait effectivement creusé, en particulier comme vous le soulignez le sujet du rapports au patient et à la mort qui peuvent avoir un rôle prépondérant dans cette souffrance, mais à ce sujet ne pas traiter une cause simple parce qu’il en existe d’autre me parait une approche quelque peu étonnante, que l’on ne tolérerait d’ailleurs pas dans le soin…
Par contre pour ce qui est du repos de sécurité certes on peut le considérer comme un aménagement du temps de travail qui soulage la pénibilité des horaires des internes, d’un autre côté il ne faut peut-être pas oublier que c’est aussi et avant tout un outil de protection du patient. Que vous ne respectiez pas le RS dans votre service me parait déjà aberrant, mais le revendiquer je ne le comprend pas… Personne n’est capable d’assumer le niveau de responsabilité d’un médecin après une nuit sans dormir, donc a part faire des conneries travailler un lendemain de garde est stupide (car oui, cela revient à surestimer consciemment ses propres limites physiques et psychiques) et dangereux (car oui, on a tous vécu des lendemains de garde où on manque d’aller dans le fossé en rentrant chez soi en voiture tellement on est a bout, où on se plante dans l’ordonnance car on a du rester faire l’astreinte du samedi matin et enchainer la visite des 10-20 patients, etc).
Je ne pense pas que vous êtes un réac, mais simplement que vous ne prenez pas assez de recul pour analyser tout ça, je vois encore des médecins me vanter leur formation d’interne tout seul aux urgences sans aucune séniorisation à enchainer le boulot pendant 48-72h, certes on peut les féliciter d’avoir survécu, pour autant on ne peut souhaiter cela à personne, qu’il soit le soignant qui travail comme un damné, ou le patient qui est reçu par ce médecin/interne clairement plus en état d’exercer… Vivre des difficultés et s’en sortir est une force, la sagesse est de savoir utiliser son expérience vécue pour ne pas la reproduire et éviter aux autres de vivre le même enfer.
J’ai apprécié votre article, même si je ne suis pas d’accord avec la notion de sacrifice …
Et vouloir faire rentrer tous les médecins dans ce modèle unique me gène aussi.
Est-ce que les étudiants infirmiers et aide-soignants ressentent les mêmes difficultés que les internes ? Parce qu’eux aussi ont à affronter la mort, et de façon concrète. Je ne pense pas que le fait qu’ils ne prescrivent pas les déresponsabilise pour autant.
Je n’ai pas parlé de sacrifice. Mais de donner du temps pour se former. J’ai bien précisé que cette mon expérience, ma vision. Je ne prétends pas à l’universalité, loin de là. Par contre le choc avec la mort me semble une constante, l’oublier n’est pas une bonne chose. Si je finis en parlant du soin c’est que je pense que ceci s’applique à tous les soignants.
Cela étant dit, pourquoi pas de repos de sécurité dans ton unité ?
Bonjour. Finalement cette histoire s’applique à tous les soignants, aide-soignants, ide, interne, professeur, tous dans la même barque, au service des patients mais submergés de travail, de demandes, parfois isolés, parfois pas compris de collegues soignants, des familles de patient. Parfois le soignant arrive avec ses souffrances personnelles, parfois insurmontables telles que la dispatition d un enfant. Avec le recul, pour les patients il faudrait plus de soignants, plus d internes, pour pouvoir rester à l écoute du patient sans froler le burn out du soignant, dangereux pour le soigné, perilleux pour le soignant.
Lorsque je lis ces lignes, ces echanges, on lit de la detresse de differents soignants, des conflits interne/PH alors que le probleme est le manque de soignants.
Ainsi qu on le veuille ou non tant qu il manquera de soignants, les cadres soignants seront condamnés à faire des heures supp. Et de rentrer parfois ds le burn out pour leur malheur et celui de leur famille et des patients.
Numerus closus…
Très beau post. Je pense comme vous que la position sur les 48h n’est pas tenable, après l’argumentation opposée est parfois limite…
Par contre, je ne vous suis pas sur le repos de sécurité. L’argumentation opposée dans ce cas là est fallacieuse et pour le coup réactionnaire. Quel est la qualité de travail obtenue après une nuit écourtée, dans des conditions d’hébergement parfois limites ?
@ doume cette problématique est bien celle de tous les soignants, j’ai souvent été choqué par la violence de certains cadres lors d’entretiens de fin de stages IDE ou AS, parfois beaucoup plus durs que certains médecins…
Je suis forcément touché par ce texte. Il résonne en moi, c’est évident car je concède volontiers une très haute idée de ma fonction. A 37 ans, je regarde le chemin parcouru, conscient de ma chance et de ce métier exceptionnel. Cotoyer la mort, le handicap, la maladie, le pire et le meilleur de l’homme m’ont donné souvent l’illusion d’être devenu un meilleur homme et valait, de ce fait, tous les sacrifices. Et c’est déjà ça. Et il y en a eu des sacrifices. A la pelle.
Je vois cependant les nouvelles générations arriver, leurs envies, leurs souhaits. La « qualité de vie » revient sans cesse, il me semble. On ne peut s’asseoir sur l’évolution d’une société. Il nous faut continuer à attirer dans ce métier la jeunesse intelligente et prometteuse. Pour cela nous devons être en adéquation avec ses aspirations. La jeunesse a peut être raison.
Désexceptionaliser un brin notre profession, prendre conscience que chacun est interchangeable, transmettre que dans l’expression « le plus noble des métiers » le mot le plus important est « métier ». C’est tout ça, mais c’est juste ça, un métier. Le sacrifice n’est plus à l’ordre du jour.
Je ne leur souhaite pas de passer par là ou je suis passé. J’ai laissé trop de plumes dans la bataille. Un externe me faisait remarquer qu’en fin de vie, les patients parlait rarement de leur métier. Et que rares étaient ceux confiant sous le sceau du secret : « j’aurai aimé travailler plus ». Être homme avant d’être médecin? La jeunesse a peut être raison.
@doc_infect
Plusieurs choses me dérangent dans ton poste.
1/ A propos du repos de garde.
Ce n’est pas quelque chose d' »optionnel ».
Ce n’est pas un caprice d’étudiants trop gâtés ni un délire de syndicat.
C’est une obligation légale issue du droit du travail qui s’applique à tous.
En ne respectant pas ce repos vous vous mettez hors-la-loi et vos internes aussi.
Vous les mettez en danger. (vous mettez aussi les patients en danger soit dit en passant)
Pas seulement en danger d’épuisement professionnel.
Lorsqu’ils feront une bêtise sur leur repos compensateur l’hôpital s’empressera de se dédouaner en leur reprochant de ne pas avoir respecter la loi.
Dans des histoires similaires, bizarrement aucun sénior ni chef de service n’est venu soutenir l’interne en plaidant qu’il s’agissait des « habitudes du service ».
Par ailleurs je suis assez choquée qu’on puisse dire aussi ouvertement qu’on ne respecte pas la loi et qu’on idemande aux internes de faire de même.
2/ A propos de ce que j’appelle le Syndrôme Harkkonen (y a peut-être un vrai nom en psychologie mais je ne le connais pas).
Syndrôme Harkonnen en résumé : Comment créer une troupe d’élite prête à tous les sacrifices?
1 > sélectionner sélectionner sélectionner
2> répéter aux survivantsqu »ils forment une élite
3> leur en faire baver un max et leur dire que c’est parce qu’ils sont l’élite qu’ils en bavent.
Que la médecine ce soit difficile j’en conviens, que ça demande du temps et de l’investissement personnel je suis bien d’accord, pour autant rien ne justifie d’y sacrifier sa propre santé (c’est même un peu absurde quand on y pense).
Je vois pas bien ce qu’on apprend d’indispensable sur son repos de garde que l’on ne pourrait pas apprendre un autre jour, frais et dispos.
C’est une croyance de penser qu’on ne puisse apprendre que dans la souffrance et le sacrifice.
3/ A propos de la non malveillance du milieu du travail.
La malveillance réelle existe elle est en effet rare. Mais il existe une forme de non bienveillance qui revient à peu près au même. Et celle-ci est très répandue.
Et je vois vraiment pas en quoi il est normal de ne pas être attentif à ses collègues et encore moins à nos étudiants internes et externes.
Les internes ce sont encore des « bébés docteurs », ils sont placés sous notre responsabilité et c’est à nous de les faire progresser mais aussi à les protéger, éventuellement d’eux-mêmes.
Le devoir de bienveillance ne me paraît pas être contradictoire avec l’exigence professionnelle et intellectuelle.
Dans mon service, des séniors ont déjà poussé un interne à se mettre en arrêt car il était déprimé et cela même si ça mettait le service dans la merde au niveau effectif.
Mais on lui aurait pas demandé de venir travailler avec un cancer alors pourquoi dans ce cas là on aurait dû agir autrement?
Finalement on en vient à mon 4/ La maladie psychique c’est de la maladie tout court et ça justifie de prendre soin soi et de se ménager.
Je sais pas si ton post est réactionnaire mais en tout cas il est à des années-lumière de ma vision de la formation et de l’encadrement des internes.
Vous écrivites « Avoir un nouveau rein, ne vous fera pas retrouver vos 20 ans, ne rendra pas votre femme plus désirable ».
En plus d’être taxé de « mandarin réac » vous allez vous prendre un volée de bois vert (pas à la Henri IV) pour sexisme. « Mari plus désirable » eut été plus PC !
j’ai oublié la ponctuation, la voilà :
;p)
je suis d’accord avec cet article. Je sors juste d’un internat et d’un post-internat que je pense avoir été durs (très nombreuses gardes en néphro/réa/urgences (jusqu’à 8/ mois), journées régulièrement de plus de 10-11h).
Ces multiples heures de travail m’ont permis de me constituer une « grosse » expérience clinique (que l’on acquiert donc pas en semaine « off clinique » qui se répandent de plus en plus avec les imposantes promos d’internes qui arrivent) :
– gérer des situations d’urgence seule (avec un chef d’astreinte dans son lit), d’affiner mon oeil clinique (par ex: savoir à reconnaitre le fameux : « celui-là je ne le sens pas »),
– le « management » de l’hospit du patient, de sa famille pour que l’hospit et le suivi en consult° se passent bien,
– le long apprentissage de ce que j’appelle « la psychologie de l’infirmière » (par ex une IDE en confiance avec son interne ne sera pas stressée et ne stressera pas le patient (conditions précieuses pour le dit interne à 5h du mat’ dans son pieu de la chbre de garde à l’autre bout de l’hôpital …) etc etc
– la formation théorique …
Tout cela nécessite pluseirs choses si on est un peu consciencieux et concerné par son métier : énormément de temps ++++ , savoir se remettre en cause (nous sommes en éternelle formation, c’est un fait), et j’en suis persuadée : d’avoir un entourage personnel aidant, très compréhensif, ce qui permet d’être « bien dans sa peau » et de faire une vraie coupure une fois sortie du service !!
Mais comme tout travail bien fait cela apporte beaucoup de satisfaction : sur le plan humain avec les patients et les équipes paraméd, mais aussi avec nos chefs avec leur « reconnaissance éternelle » (pratique pour avoir des avis plus tard 😉 )
Pour moi l’exercice clinique de la médecine demande un certain don de soi et une organisation de son environnement personnel, au moins le temps de la formation, pour pouvoir un peu lever le pied ensuite grâce à l’expérience acquise, sans s’endormir sur ses lauriers quand même ! Mais cela n’est-il pas commun finalement à de nombreux autres métiers …
On retrouve dans vos propos le Syndrôme Harkkonen rapporté par drlebagage plus haut, on est typiquement dans un esprit similaire à celui que l’on retrouve dans les formations militaires ou dans des habitudes comme le bizutage: j’en ai bavé, c’était dur et j’en ai souffert mais cela m’a endurci et j’y est survécu, donc ça a été bon pour ma formation! Du coup, je l’appliquerais sur ceux qui me succéderont.
Le problème la dedans c’est ce lien logique qui apparait et qui n’a pas lieux d’être.
Je suis interne moi aussi, j’adore mon métier et je suis passionné, j’ai pour autant d’autre passion, des amis, une famille, que je n’ai jamais sacrifiés au nom de la Médecine et de ma formation, et pourtant j’ai acquis la même expérience que vous sur ces mêmes points, malgré des semaines Off.
Or, dans toute ma formation, la solitude au travail ne m’a jamais permis d’avancer, vous parlez d’expérience clinique apprise via de longue semaines de travail, moi je l’ai apprise avec des semaines moins épuisantes qui m’ont permis d’être plus concentré sur mon travail, de prendre plus de temps pour discuter avec mes patients, et de profiter de mon temps libre pour participer à des groupes de pairs et de type Balint ou j’ai pu apprendre tellement plus de choses que tout seul au lit du patient.
J’ai fait comme vous des stages intensifs ou l’on enchaine les longues journées et ou l’on se débrouille tout seul, j’en suis sorti fier de moi, fier d’avoir pu gérer des situations délicates seul, pourtant avec le recul je me suis rendu compte de l’idiotie de la chose, j’avais survécu mais en accumulant des petites erreurs, des fautes d’inattention due à la fatigue, et jamais personne pour me corriger, jamais personne pour avoir un regard critique sur moi et pour progresser de mes erreurs, et personne n’est capable d’avoir assez de recul pour faire son auto-critique, d’autant plus en situation de stress et de fatigue constante, ce n’est pas pour rien que les sportif s’entraine avec un coach et je ne vois pas pourquoi sur ce point nous serions meilleurs qu’eux.
Ce n’est que plus tard que j’ai compris l’importance du repos, d’être entouré par ses chefs et ses colègues, pour faire un vrai compagnonage ou l’on apprend par les autres et avec eux, ou l’on fait aussi les choses seul pour savoir être autonome, mais avec le regard d’une personne extérieure capable de venir ensuite exposer nos faiblesses et nous apprendre à les améliorer. Et dans ce type de conditions on progresse tellement plus vite, permettant aussi d’élargir son horizon de formation, parce que le soin ne passe pas que par la médecine et qu’il y a tellement plus à explorer une fois que l’on relève le nez de ses bouquins…
On a choisi un métier passionnant, fascinant, exigeant, et j’avoue, c’est une des raisons pour lesquelles je l’aime. Je n’ai jamais compté mes heures, d’études, puis de travail (et les heures d’étude sont toujours là, d’ailleurs). Pour autant, exigence n’est pas pour moi synonyme de dureté, et une certaine discipline de travail n’est pas synonyme de sacrifice permanent. Demander le respect d’un repos de sécurité ne fait d’un interne un fainéant, cela ne veut pas dire non plus qu’il n’aime pas la médecine. Passer sa vie au boulot ne rend pas forcément meilleur médecin. Pour la médecine gé, je me souviens du temps où c’était 24h/24 7 jours sur 7, puis avec un tour de garde, puis les gardes régulées et la fin des gardes en nuit profonde. Personnellement je suis bien contente d’avoir démarré comme jeune généraliste avec les gardes 20h-minuit régulées.
« Mandarin réac », je maintiens ce que j’ai dit sur Twitter, le terme me semble ridicule te concernant. Pourtant je m’interroge sur le ton de ton post, on dirait que hors sacrifice point de Médecine (je pèse la majuscule). De plus, tu me parais être un bourreau de travail, mais tout le monde n’a pas forcément ton rythme, ni tes capacités…
Et +1 avec Totomathon : pourquoi cette absence de repos de sécurité dans ton service?
Je vais faire une réponse globale rapide car je suis en week end.
1) concernant le repos de sécurité:
a) je ne suis pas le chef de service. Il y a des choses où nous n’avons pas la main. Pour savoir pourquoi pas de repos de sécurité, il faut lui poser la question à lui pas à moi.
b) J’ai fait des gardes assez longtemps. Depuis que j’ai arrêté mon point de vue à largement évolué. Je pense qu’il faut qu’il y ait un repos de sécurité pour les internes. Ensuite il faut bien l’organiser pour que la continuité de la prise en charge se fasse bien.
c) Il y aura donc un repos de sécurité pour tous les internes de France et de Navarre. C’est le sens de l’histoire et je suis convaincu qu’il faut l’accompagner, plutôt que lutter contre.
2) Concernant le sacrifice, j’ai juste dis qu’il fallait « sacrifier du temps ». Je n’ai jamais dit qu’il fallait immoler un interne ou un externe sur l’autel de la Médecine. Je trouve amusant que certaines personnes qui sont capables de passer des heures à jouer en ligne, sacrifiant beaucoup de leur vie sociale, trouvent scandaleux quand on dit que pour apprendre son métier, qui consiste pour certains à prendre en charge des pathologies lourdes avec un pronostic vital en jeu, il faut donner un peu de son temps. L’internat est un temps court de formation, s’immerger dedans est une belle expérience.
3) Enfin, j’ai précisé et je le répète en fin de note que ceci est mon expérience, mon point de vue. Je ne prétends à aucune universalité, je ne me pose pas en modèle. Chacun est libre de faire comme il veut, comme il l’entend pour se former. Seul le résultat compte à la fin.
4) Dernier point, la médecine est vaste. On ne forme pas un chirurgien, comme un psychiatre. L’avantage est que chacun peut trouver le mode d’exercice qui lui conviendra le mieux.
Je reviendrai sur certaines choses quand j’aurai un peu de temps.
Bonjour Perruche,
Te stresse pas. Moi on me traite souvent de vendu à l’industrie pharmaceutique 😉
Merci
Salut la Perruche ! (quand je pense à toi ça m’amuse toujours cette image d’une petite perruche)
ce post me touche pour plusieurs raisons :
– j’ai suivi l’échange de twitts en live. J’ai trouvé ça ridicule. Ridicule parce que le ton (surtout de l’ISNI) était violent. Ca ressemblait vraiment à une vindicte de cégétiste contre le patronat. J’ai trempé dans le syndicalisme étudiant, ça m’a beaucoup appris. Mais j’ai quitté le milieu parce que je ne supportais plus ces prises de positions caricaturales obligatoires.
– en anesthésie-réa, le mode de vie ce sont les gardes. Au fond de la nuit on vit des trucs pas toujours sympas et c’est pas facile de s’en détacher un peu. Parfois causer le lendemain avec les copains/collègues fait plus de bien que de rentrer vite vite chez soi.
– par contre je pense aussi que le lendemain de garde est une avancée qu’il faut suivre +++ Une de nos collègues, interne, est morte sur la route en lendemain de garde. Un de ses chefs lui avait dit que la fatigue c’est formateur. Mais quelle connerie !
– ce qui me fait enchaîner avec la violence au travail. La maladie, la mort sont déjà difficiles à vivre, et tu as bien raison de le souligner. Mais je trouve qu’on apprend à se construire face à tout ça. Par contre, je n’arrive pas avec les années à supporter l’agressivité ou la non bienveillance (bien choisie par DrLebagage) des collègues. En anesthésie on a souvent un rôle d’organisation qui nous positionne entre le marteau et l’enclume et des fois j’en ai ras le bol. Pour la première fois que je me souvienne la semaine dernière je m’en suis voulu d’avoir fait ce choix de métier. Quand tu es en train de masser le patient que tu viens de sortir du bloc et que le chirurgien de l’équipe d’en face (comprendre concurrente) te casse les bonbons pour aller endormir son malade suivant, franchement c’est trop. Cette violence me parait d’autant plus insupportable qu’elle est inutile et EVITABLE.
– et donc en passant, ce sont souvent ces fameux malades du syndrome de Harkonnen qui harcèlent en méprisant celui qui semble en faire moins pour lui… et comme ceux qui continue d’investir dans un truc à perte sous prétexte qu’ils ont déjà beaucoup investi, ils ne savent souvent pas se freiner, pour ralentir et observer un peu le paysage où ils évoluent et comment ils se comportent…
– j’ai travaillé pour arriver où j’en suis. Je ne regrette pas mes gardes, surtout je ne regrette pas les heures à bosser, externe, à prendre des stages « difficiles » et à bûcher l’internat. J’ai appris des choses qui me permettent de faire mon travail le mieux que je peux, ce qui me rend plus serein. Il y avait une quantité de travail à abattre, on ne pouvait pas y couper. (remarquez le champ lexical soutenu du bucheronnage 😉 ) Par contre je trouve qu’une partie de l’apprentissage clinique pourrait être amélioré/facilité/accéléré en partageant plus. Tes écrits bloguesques depuis des années prouvent ton envie de partager ton savoir et ta curiosité. Merci pour ça.
-enfin, finissons gaiement 🙂 j’ai bien aimé la première phrase de ta réponse « Je vais faire une réponse globale rapide car je suis en week end. » Bien joué 😉 Dominique a vraiment raison quand il dit que l’humour est une arme à utiliser plus régulièrement 🙂 Toujours est-il que j’y arrive mieux quand je suis reposé 😉
J’aime bien partager le peu que je sais. Pour le reste je suis d’accord, si tout le monde se respectait un peu plus tout irait mieux et serait un peu plus simple.
J’ai bien compris que tu sous entendais qu’en plus d’être réac, j’étais gros. Tu as raison 😉
Bonjour,
Fil très intéressant, mais le noeud du probleme n’est il pas financier ? Avec le risque de contagion aux autres catégories de personnel des hôpitaux. Ne pasoublier que le pays est en quasi faillite, que la charge salariale représente 70% du budget d’un hôpital et qu’un chef de service n’a qu’un pouvoir très limité et doit rester dans les clous s’il ne veut pas d’ennuis par ailleurs..
Tout a été dit sur le ton de l’ISNI, agressif, vindicatif.
Le repos compensateur a deux visages
1 Il est utile d’abord au patient, ensuite au soignant et même à l’équipe, la fatigue créant des tensions. C’est l’aspect éthique du repos compensateur
2 Le repos compensateur s’intègre dans une évolution de la société. Le médecin souhaite plus de temps pour lui. C’est l’aspect syndical du repos compensateur.
Néanmoins l’enseignement, la recherche en médecine progresse aussi grâce à l’abnégation de certains qui y consacrent du temps. je ne par pas des universitaires dont c’est la mission mais de tous les autres.
SUr la forme imaginer que tu es un mandarin réac implique de ne pas avoir lu ton blog tellement éloigné de cette caricature
Enfin une précision
Les Sadaukars, unité d’élite sont une création de l’empire pas des Harkonens
Les fremens de dune peuple libre cultive lui aussi l’appartenance à une élite minoritaire
Merci de na pas massacrer le message de F Herbert
Merci pour le commentaire, pour l’univers de Dune je n’avais pas voulu répondre, mais je pense qu’on peut voir sa structure comme uniquement faite de structures d’élites ultra sélectionnées que ce soit par la nature comme les fremens, l’empire pour les sadaukars, mais aussi les mentats sélectionnés par la génétique, les navigateurs de la guilde galactique par la pharmacologie (l’épice) et bien évidement le Bene gesserit. Le Jihad Butlérien impose l’émergence de groupes ultra-sélectionnés par des méthodes pas toujours très catholiques.
« Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. »
Ping : Le retour des réac, la réduction du temps de travail des internes n’améliore pas le pronostic des patients | PerrUche en Automne