Papier important pour les patients et les médecins. Ne pas faire un relais par HBPM d’une anticoagulation par AVK chez un patient avec une fibrillation auriculaire ne l’expose pas à un risque accru d’événement thromboembolique et diminue le risque de saignement (essai de non infériorité randomisé en double aveugle).
Le message est simple et facile à retenir. On arrête la warfarine cinq jours avant l’intervention et on reprend le soir après la procédure ou le lendemain soir.
Les résultats, bridging pour le groupe relais, no bridging pour le groupe sans relais.
En pratique, pour la prochaine extraction dentaire à faire sous AVK, à condition que votre patient prenne de la coumadine, vous embêtez plus à faire de relais.
Quand je vous dis que ce papier va vous changer la vie.
Original Article from The New England Journal of Medicine — Perioperative Bridging Anticoagulation in Patients with Atrial Fibrillation
Source : Perioperative Bridging Anticoagulation in Patients with Atrial Fibrillation — NEJM
Merci, outre l’intérêt pratique, c’est un article intéressant pour faire comprendre à beaucoup de confrères, y compris au sein de la rédaction de Prescrire, la différence entre un p de supériorité et un p de non infériorité. Il manque néanmoins dans ton résumé le delta utilisé pour calculer ce P*. La conclusion est en effet que la probabilité pour que le relais HBPM évite X thromboses artérielles pour mille malades est inférieure à 1%. Mais sans X, difficile d’avoir une vision complète du problème.
Le risque de thrombose artérielle lors d’un relais est de 1%. J’avais pas mis pour pas alourdir. Merci pour le commentaire
Donc, sauf erreur de ma part, ça peut se traduire par :
« Nous avons calculé qu’un échantillon de 1641 patients était nécessaire pour avoir 80% de chances de mettre en évidence une augmentation d’au moins 1% du risque si elle existe, en cas d’absence de relais HBPM (c’est la partie non-infériorité) au risque de première espèce de 0,025 (p) et au risque de première espèce de 0,05 (p) pour le saignement accru pour l’un ou l’autre protocole. »
Ce qui se lirait comme ceci au final : « Il existe 1% de chance (*P= 0,01) pour que l’absence de relais par HBPM double le risque d’accident thromboembolique artériel ».
Merci aux cadors des biostats de corriger ou confirmer.
super ! ça va nous changer la vie +++
(PS en théorie les recos disaient qu’on pouvait faire les dents sous AVK mais je n’ai jamais vu personne accepter ça)
Les bons dentistes le font sans problème. Il faut une chirurgie minutieuse. Ce sont les stomatos qui ont peur.
Même les dentistes sur ma toute petite île perdue au milieu du pacifique font les extraction sous AVK …
L’expression de « delta » la marge de non infériorité en % absolu et l’obtention d’un taux de thromboembolisme inférieur à celui prévu (0.3% versus 1%) me semble favoriser l’obtention de la non infériorité.
1% = 9 patients : le p=0.01 correspond à une probabilité que le 4 patients du groupe no bridging soit supérieur à 9+3=12 soit un quadruplement du taux/nombre.
Si le taux réel obtenu dans l’essai avait réellement été de 1%, ce p correspondrait à une comparaison de 9 versus 18 donc un doublement du risque.
L’expression de la marge en risque relatif aurait été plus judicieuse à mon humble avis, largement inspiré de cet article sur les essai de non-infériorité http://www.jle.com/fr/revues/met/e-docs/les_essais_de_non_inferiorite_266640/article.phtml?tab=texte
Merci pour l’article, j’aime bien aussi celui-ci http://www.spc.univ-lyon1.fr/polycop/non%20inferiorite%20principe.htm.
Je tente une reformulation : Dans le cadre de cet essai et de la population étudiée, il existe moins de 2,5% (ou 1% ?) de chances pour que le risque d’accident thromboembolique soit doublé en ne relayant par l’AVK par une HBPM. Comme tous ces articles le rappellent, cela ne signifie pas que les deux protocoles sont équivalent, mais que si les risques d’hémorragie grave sont plus élevés avec le relais HBPM (ce que l’étude démontre aussi), ne pas utiliser d’HBPM constitue une prise de risque acceptable en terme d’efficacité antithrombotique.
Je suis d’accord avec ta reformulation sauf sur le terme « doublé » pour lequel j’ai un doute. Je suppose que tu utilises ce terme car le calcul du nombre de patients prend en compte 1% de survenue d’ATE dans le groupe Bridging et une différence acceptable de 1%. Si le résultat avait été effectivement de 1%, le test aurait évalué la probabilité que le résultat dans le groupe no B n’ait pas dépassé 1%+1% soit 2% soit un doublement.
Mais le résultat dans le groupe B est de 0.3 avec une différence de 0.1 avec le groupe no B. L’intervalle de confiance à 95% de la différence est de -0.6 ; 0.8 (bas de la page 7) donc un taux de 0.3 + 0.8 = 1.1 pour le groupe no B est dans l’intervalle accepté. Si un taux de 1.1% d’ATE dans le groupe no B est « accepté », cela implique qu’un risque multiplié par 1.1/0.3 = 3.67 est accepté. Accepté signifiant que la probabilité qu’il soit supérieur à 3.67 est inférieur à 2.5% !
Page 9 de l’article les auteurs laissent penser que leur marge est un peu large en raison du résultat de 0.3 au lieu de 1% prévu.
« In addition, the noninferiority margin we selected turned out to be large in relation to the actual observed event rate; it reflected the original estimate of the event rate as specified in the trial protocol »
Merci d’avoir répondu à mon commentaire
PS : nous avons de très bonnes références ! les deux articles que nous proposons sont de Cucherat de Lyon, celui que tu proposes est inclus dans un document web assez complet sur la lecture critique.
Si tu as raison, c’est assez énorme, cela veut dire que l’on accepte une forte diminution d’efficacité. Je trouve bizarre que l’on puisse changer le delta initial. Tu veux pas demander à Cucherat 😉
Oui, le delta de 1% change par rapport au taux d’ATE, il était prévu de 1% pour un taux de survenue des ATE de 1% et finalement il reste à 1% pour un taux d’ATE à 0.3% donc le rapport accepté change et passe de x2 à x 3.67.
Il aurait fallu choisir un delta de 100% par rapport au taux d’ATE dans le groupe B et le résultat n’aurait pas été significatif car le 0.6 est dans l’intervalle.
Pb : le NEJM n’aurait pas accepté la publi !
Je vais envoyer un mail à Mr Cucherat par linkedin sauf si quelqu’un a son mail et peut le communiquer
mcu@upcl.univ-lyon1.fr
Cet article est important, mais il ne faut pas étendre les conclusions aux malades qui ne sont pas ceux de l’étude. D’après les supplementary data, 50% sont des procédures gastro-entérologiques (des fibro et de colos quoi) et la chirurgie majeur (ortho, digestif, carnico, etc.) génératrice d’un état prothrombotique représente moins de 10% des patients de l’étude. Or c’est ceux-là qui font l’AVC post-opératoire.
Je me sentirais moins seul ! De mémoire le résultat correspond à la reco us sans preuve , conforte leur pratique : impossible pour un chir de prescrire une hbpm ici hors amm ( les cardios ne s’en mêlent pas) un vieux papier retrouvable dans les archives des stos de la salpet sur extraction inr >3 à la grande époque des mitrales mécaniques : possible avec préparation :gouttière hémostatique personnelisée +colles ad hoc ( long et cher)
Attention en néphro, les patients avec DFG < 30 ml/min sont exclus (malheureusement…).
Peut-on extrapoler la prise en charge aux patients sous fluindione?
On peut toujours discuter du bénéfice à traiter par AVK un insuffisant rénal mais c’est un autre sujet.
La technique de prise en charge fonctionne pour la warfarine avec sa demie-vie longue, pour les autres il faut réfléchir un peu à mon avis surtout au timing de la reprise.
C’est tout de même intéressant : nous ne sommes pas capables pour l’instant de répondre à cette question simple: quelle est la probabilité pour que cette étude n’ait pas mis en évidence un doublement réel du risque thromboembolique en l’absence de bridge. Autant le p des études de supériorité est facile à comprendre, autant les études de non-infériorité sont difficiles.
Cela dit, c’est un problème général en sciences. Prouver que quelque chose existe est infiniment plus facile que de prouver qu’il n’existe pas.
Je vois que vous vous êtes bien amusés, je suis ravi. Comme je suis un garçon pragmatique, clinicien de base, j’ai repensé au relais fait ou pas chez mes patients. J’ai en tête surtout des accidents hémorragiques, parfois gravissimes, plus que des accidents thromboemboliques. Ce travail confirme mon impression clinique. Ceci fait aussi parti de la lecture critique d’article, comparer à son expérience.
Sinon pour aller dans ton sens je te conseille la lecture de ça, sur un sujet totalement différent mais qui montre qu’effectivement il est toujours difficile d’être sur de l’absence d’un effet. Cet article illustre aussi que nos modes de pensées même algorithmiques ne sont pas dénués de présupposés politiques.
La similitude entre la détection/prévention des délits et le dépistage des maladies est saisissante !
Je savais que cette note te plairait 😉
C’est attitude est celle que nous utilisons depuis longtemps en anesthésie chez le patient ayant une ACFA n’ayant jamais enbolisée. J’espère que cela changera les pratiques de nos amis cardiologues qui nous considèrent comme des criminels ! lol
Ca ne change pas des recommandations de l’HAS d’avril 2008…
Mais peut être ne font ils pas comme cela aux usa et canada?