La vitamine D est la vitamine hype. Elle a ses amoureux, que dis-je ses inconditionnels. Elle se pare de toutes les vertus, bonne pour l’os, le système cardio-vasculaire, l’immunité, etc. Malheureusement, les études récentes interventionnelles ne sont pas aussi optimistes. Là , n’est pas le sujet de ma note.
La vitamine D est en vente libre aux états-unis en « over-the-counter ». En France aussi , du moins sur internet, Tapez « vitamine D » dans votre moteur de recherche favori et vous aurez la possibilité d’en acheter tant et plus.
Une question qui se pose toujours, depuis ce remarquable papier sur la levure de riz rouge, est:
Que contient réellement la pilule vendue?
Des investigateurs américains se la sont posés pour la vitamine D vendue en OTC. Ils ont décidé de vérifier si les comprimés de vitamine D contenaient bien la quantité promise.
- LeBlanc, Erin S. « Over-the-Counter and Compounded Vitamin D: Is Potency What We Expect? » JAMA Internal Medicine (11 février 2013): 1. doi:10.1001/jamainternmed.2013.3812.
La méthodologie est simplissime. Ils ont achetés des boites de pilules de vitamine D dans des magasins dans la région de Portland pendant 6 mois. Ils ont vérifié la variabilité entre pilule d’une même boite, entre pilule d’un même lot mais de boites différentes et enfin entre lots. La mesure de la vitamine D s’est fait en HPLC dans deux laboratoires indépendants. Ils ont étudié 12 marques différentes.
Les résultats sont éloquents.
Dans une même boite, les comprimés contiennent de 53 à 135% de la dose attendue. Dans 25% des boites, seulement, la variabilité de 5 pilules prises au hasard respectent les critères de la pharmacopée américaines (variabilité entre 90 et 120%). Dans 2/3 des boites la variabilité entre comprimés est inférieure à 10%. Pour quelques marques, la composition est proche de l’aléatoire. Dans une même boite le contenu en vitamine D entre deux comprimés peut avoir une variabilité de plus de 25%. Pour une marque, vous croyez prendre 1000UI en fait vous prenez 500 UI ou 1250 UI, en prenant un comprimé de la même boite. Étonnant non?
Pour les différentes boites d’un même lot, la même variabilité entre comprimé est observée, en pire. Seul un fournisseur est capable d’assurer une variabilité inférieure à 10% dans la composition de ces pilules entre les différentes boites, le seul certifié par un organisme officiel.
Enfin, pour des lots différents, la composition va de 9% à 140% de la dose promise… La variabilité inter-lots d’un même fabriquant peu aller jusqu’à 50%.
Ce travail montre, qu’aux USA, les comprimés de vitamine D vendus en OTC ont une composition très aléatoire, entre les fournisseurs, mais plus inquiétant pour un même industriel, entre les pilules d’un même lot. Ces résultats ont quelques choses d’hallucinants et d’un peu effrayants.
La vitamine D a un index thérapeutique large et s’en gaver ne sert pas à grand chose. Pour la population générale, qui prend de la vitamine D comme ça, car elle est vendue pour être la nouvelle fontaine de jouvence. Les comprimés sous dosés évitent le surdosage. Les sur-dosés posent un vrai problème avec un risque d’intoxication à la vitamine D. La vitamine D en augmentant l’absorption digestive de calcium peut être responsable d’hypercalcémie. C’est rare. A mon sens, le vrai risque est l’hypercalciurie chronique induite par l’augmentation de l’absorption digestive responsable d’une augmentation du risque de lithiase rénale.
Pour les patients qui ont vraiment besoin de cette vitamine. Elle est alors un médicament (après une ablation des parathyroides ou dans certaines hypocalcémies). L’absence de certitude quand à la quantité de vitamine D dans la préparation pose des problèmes. Je ne peux que conseiller d’acheter de la vitamine D vendue sur ordonnance.
J’aimerai avoir la même étude faite avec des vitamines achetées en France sur internet. Je crains des surprises.
Cette courte lettre montre, encore une fois, que la pharmacie est un métier. La santé des personnes est en jeu. Je n’ose pas imaginer les résultats obtenus avec d’autres médicaments OTC. Il faut une vérification de ces productions, tant pour la composition que pour le quantité de molécule active présente. Faites attention où vous achetez votre automédication préférée. Le mieux reste d’éviter de prendre tout complément alimentaire ou cocktail de vitamines ou d’antioxydants.
En passant, je vous signale cet article du NEJM, qui montre encore une fois, que toute nos bonnes idées de supplémentations, d’utilisation d’antioxydants reposant sur des rationnels fort in vitro, se heurte à la réalité clinique. La supplémentation en glutamine, chez le patient de réanimation, augmente la mortalité et les antioxydants ne servent à rien. Je vous conseille fortement cette saine lecture.
oui oui et re-oui, le consommateur repenti de compléments alimentaires que je suis ne peux que rediffuser largement ton billet
Pour les plus attachés à leur croyance dans les compléments alimentaires, le site consumerlab.com peut aider à prendre une décision, enfin c’est peut-être moins pire…
Quant à l’étude du NEJM ça fait depuis le début de mon internat que je l’attends ! Après des années à lire sur les anti-oxydants j’ai fini par comprendre que vouloir influer sur le stress oxydant c’est comme éteindre un feu de forêt avec un verre d’eau.
Pour la glutamine je pense que le résultat négatif de l’étude porte à interprétation du fait de la diversité des pathologies de réanimation : prendre en charge une pancréatite aigüe en choc ou une péritonite tertiaire chez un patient multi opéré ça n’est pas du tout la même chose que le Guillain-Barré de réa med… Bref les études de réa souffrent vraiment d’une hétérogénéité qui rend difficile l’adéquation entre la pratique clinique et les études. ceci dit à 50 euros de glutamine IV par jour, quand on hésitait à en mettre, le porte-monnaie décidait déjà pour nous…
à bientôt !
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