Vous avez peut être lu ou entendu qu’en Allemagne du Nord, une épidémie de syndrome hémolytique et urémique secondaire à des infections digestives à E. Coli O104 est en cours. Ce n’est pas un sérotype banal dans les SHU. Si vous voulez tous savoir sur le SHU typique, j’avais fait ça il y a un an. Le diaporama est toujours d’actualité. Je le reprends en fin de billet pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le SHU typique. J’avais aussi écrit une note sur les risques de la viande aux USA.
Manifestement, l’épidémie allemande est grave, 140 patients, 3 à 5 décès. Elle touche essentiellement des adultes. La cause de l’infection n’est pas encore claire, des légumes seraient en cause. Il faut probablement attendre que les médecins de santé publique finissent leur travail avant de conclure définitivement.
Dans les SHU typiques, il n’y a pas de traitement sauf symptomatique. Dans les formes graves en particulier neurologiques, il est classique d’essayer le traitement des SHU atypiques: les plasmaphérèses. Malheureusement, les résultats ne sont pas glorieux, voir franchement mauvais. Le syndrome hémolytique et urémique dit atypique est associé à des anomalies du complément (une fois qu’on a enlevé les médicaments, quelques maladies auto-immunes et les cancers). La cellule endothéliale n’est plus capable de se défendre contre l’activation du complément.
Un petit schéma pour ceux qui ont oublié comment ça marche.
Toutes les protéines, dans des formes jaunes entourées de vert, peuvent être mutées et associées à l’apparition d’un SHU atypique.
Il est tentant d’imaginer qu’un médicament bloquant l’activation du complément puisse améliorer le pronostic de ces patients. Il existe un anticorps monoclonal qui bloque la formation du complexe majeur d’attaque. C’est l’eculizumab. Il se fixe sur le C5 et empêche son clivage en C5b. Il a une AMM uniquement dans une maladie rare l’hémoglobinurie paroxystique nocturne. La particularité de l’eculizumab est d’être le médicament le plus cher du monde. Un an de traitement revient (pour un SHUa) à 400000€. Cette drogue a été utilisée avec succès dans le SHUa. Les résultats de deux essais cliniques ont été présentés à l’ASN l’année dernière. La publication ne devrait plus trop tarder, j’espère. Un effet secondaire majeur, une augmentation du risque d’infections à méningocoque. Il faut que les patients soient vaccinés et prennent une antibioprphylaxie.
Dans le SHU typique, il existe aussi une activation du complément. Il est tentant d’imaginer que l’eculizumab puisse être efficace. Dans la livraison on line first du NEJM, trois enfants avec des formes graves (neurologiques et rénales) pour ne pas dire gravissimes ont reçu des perfusions d’eculizumab. Les résultats sont spectaculaires. L’état neurologique s’améliore en 24 heures après la perfusion et la fonction rénale s’améliore aussi, plus lentement, dans tous les cas. Ils avaient dus tous être dialysés. Ce n’est qu’une toute petite série de cas mais c’est un vrai espoir dans les formes graves du SHU typique. Au vu des résultats on peut se poser la question chez les enfants avec des atteintes nécessitant la dialyse si il ne serait pas licite de le proposer de façon systématique. Il va y avoir pas mal de discussions.
- Anne-Laure Lapeyraque et al., « Complement Blockade in Severe Shiga-Toxin–Associated HUS », New England Journal of Medicine (2011): 110525140032065.
Cette publication tombe à point pour nos collègues allemands confrontés à une épidémie grave. Je suis convaincu que dans quelques mois nous aurons droit à une belle publication voir deux. Il est étonnant, ou pas, de voir dans la presse que les journalistes s’étonnent de voir des adultes atteints. S’ils faisaient un vrai travail de recherche, ne se limitant pas à reprendre les dépêches de presse. Ils auraient vu qu’en 2008 aux USA une épidémie avec un serotype atypique (O111) avait surtout touché des adultes.
- Emily W. Piercefield et al., « Hemolytic Uremic Syndrome After an Escherichia coli O111 Outbreak », Arch Intern Med 170, no. 18 (octobre 11, 2010): 1656-1663.
Le SHU typique est une maladie potentiellement grave, en plus des mesures de prévention (nettoyage des mains, sureté alimentaire, lutte contre le péril fécal), nous avons peut être une nouvelle alternative thérapeutique. Nous vivons une époque excitante en médecine.
Le SHU repose sur une triade diagnostique, c’est une urgence thérapeutique. Le SHU typique suit une infection à E. coli sécrétant une toxine: la shigatoxine (stx).
Le SHU typique est classiquement limité au SHU post-diarrhée. Je parlerai aussi du SHU post-infection à pneumocoque.
J’avais parlé de cette histoire atroce ici . Sur les dix dernières années, nous avons eu cinq adultes avec un SHU typique.
La sous unité B est le socle de la structure représentée sur l’image et la sous unité A est sur le haut. La sous unité B permet à la toxine de rentrer et la A tue la cellule endothéliale. Je vous rappelle que Gb3 est le composé qui s’accumule dans la maladie de fabry . Une amusante convergence vers la cellule endothéliale.
La physiopathologie est complexe. Elle s’est beaucoup focalisée sur la cascade de la coagulation. De plus en plus et en suivant les découvertes faites dans le SHU dit atypique, la voie alterne du complément devient un élément incontournable du puzzle. Nous nous apercevrons certainement que l’activation du complément est un élément précoce et essentielle dans l’initiation de la maladie. L’activation de la coagulation est obligatoire une fois que le sous endothélium est mis à nu après la mort des cellules endothéliales. Elle est responsable de la formation des microthrombi où les globules rouges viendront se briser en formant les schizocytes.
L’histoire naturelle de la maladie est simple. Je vous conseille la revue de Tarr (Phillip I Tarr, Carrie A Gordon, et Wayne L Chandler, “Shiga-toxin-producing Escherichia coli and haemolytic uraemic syndrome,” Lancet 365, n°. 9464 (Mars 19, 2005): 1073-1086). Le patient ingère un plat contaminé par un E.Coli entéro-invasif responsable d’un gastro-entérite sanglante dans la plupart des cas. Dans les 2 à 15 jours suivant le début de la diarrhée, 10 à 15% des patients infecter vont présenter un tableau de SHU parfois gravissime.
Devant toute diarrhée sanglante, il faut identifier le germe. C’est très important pour le suivi. En dehors du rein, l’autre organe qui peut être touché c’est le cerveau, soit directement par la microangiopathie, plus souvent par l’HTA sévère qui accompagne l’insuffisance rénale aigue.
Les deux grands éléments du pronostic rénal sont la polynucléose initiale et la durée de la dialyse. Dialyser plus de 8 jours est un facteur de mauvais pronostic de survie rénale immédiate et à long terme. C’est une maladie grave, la mortalité a diminuer avec l’amélioration de la prise en charge, mais les cas diagnostiqués tard avec des atteintes neurologiques meurent. 5% des enfants restent en dialyse. Je trouve horrible de dialyser parce qu’on a manger un steak mal cuit, ou des légumes mal lavées.
L’origine de la contamination est bien résumé sur cette plaque que j’ai emprunté au site de l’INVS. Ce site est une mine pour comprendre cette maladie et il donne de très bons conseils de prévention de l’infection. Je vous conseille sa lecture. Je connaissais les risque avec les produits alimentaires, mais j’ignorais que les eaux de baignade peuvent être contaminante.
Le SHU a une fréquence stable en France, une centaine de cas par an. Vous pourrez avoir toutes les infos 2008 sur le site de l’INVS.
La prise en charge est uniquement symptomatique. Elle doit se faire en milieu spécialisé. Les ralentisseurs du transit sont à proscrire en cas de diarrhée sanglante, l’antibiothérapie augmente la fréquence des SHU, une tentative de chélation de la toxine par une résine recouverte du récepteur G3b a été un échec, les échanges plasmatiques, les infusions de plasma, les anticoagulants n’apportent rien (la méta analyse d’AJKD est très bien).
La base du traitement est de prévenir les cas en respectant les mesures de prévention des TIAC, l’identification précoce des cas et leur isolement de la cellule familiale doit permettre de limiter les risques d’infections dans la famille. Il faut se laver les mains quand elles ont été dans la diarrhée. L’avenir repose pour moi essentiellement sur la prévention. Le reste est plus anecdotique comme ces Ac monoclonaux bloquant contre la shigatoxine.
La génétique joue certainement un rôle à coté de la charge bactérienne pour expliquer pourquoi seulement 10% des enfant infecté par un STEC font un SHU.
Je vois une très belle étude à faire lors de la prochaine épidémie ou même en rétrospectif. Comparer les enfants avec un SHU et ceux infectés n’en présentant pas. Les gènes évident sont les gènes du complément, rien n’est sorti de probant actuellement. Le papier de Edey nous rappelle simplement que devant un tableau typique d’évolution atypique ou très sévère, il faut savoir rechercher des mutations dans le facteur H. Le G3b récepteur est un gène d’intérêt on peut tout à fait imaginer que certains polymorphismes empêche ou limite la pénétration de la toxine. Le seul travail d’ampleur réalisé est celui d’une équipe italienne. Les résultats ne sont pas très excitant. Je ne met pas les diapo que j’avais fait avec les tableaux. Vous pouvez aller voir le papier si vous voulez. (Anna Taranta et al., “Genetic risk factors in typical haemolytic uraemic syndrome,” Nephrology, Dialysis, Transplantation: Official Publication of the European Dialysis and Transplant Association – European Renal Association 24, n°. 6 (Juin 2009): 1851-1857).
La génétique dans cette pathologie post infectieuse nous apportera certainement beaucoup et peut être quelques pistes thérapeutiques.
Ce germe sous nos climats est une pathologie d’importation. Il faut y penser au retour d’afrique subsaharienne et d’inde. C’est une maladie grave avec seulement 40% de guérison. L’identification du germe est essentielle car une antibiothérapie précoce, contrairement à l’infection par E coli, prévient le SHU.
Je vous parle du SHU post pneumoccique bien qu’il soit habituellement plutôt dans les SHU atypiques. C’est la seule cause post infectieuse en augmentation régulière. Le SHU complique toujours des formes invasives et graves d’infection par le pneumocoque. Une caractéristique est d’être un SHU avec un coombs direct positive. C’est un piège car pouvant faire orienter faire une autre cause à l’hémolyse que la MAT, mais d’une grande aide si vous êtes sur du diagnostic de SHU pour vous orienter vers le pneumocoque.
Il est très important de reconnaître cette maladie. Sa physiopathologie a des implications thérapeutiques importantes.
Le pneumocoque comme le virus de la grippe produit une neuraminidase qui va dénuder la surface des cellules en digérant le glycocalix. Il y a exposition d’un épitope antigénique particulier de Thomsen Fridenreich. Nous possédons tous des anticorps préformés contre cet Ag. Son démasquage et sa reconnaissance par les Ac (des IgM) est responsable du déclenchement de la cascade conduisant au SHU.
La physiopathologie implique de ne pas perfuser de plasma (apport de l’Ac préformé contre l’Ag TF) et pour toute transfusion de laver les culots globulaires et plaquettaires. Il faut savoir reconnaître cette cause de SHU pour ne pas faire n’importe quoi.
Il faut tempérer l’effet secondaire majeur sur le risque d’infection à méningocoque, il n’avait été décrit qu’une ou deux fois (d’après mes souvenirs, je n’ai plus l’étude princeps en tête) et surtout, aucun autre épisode de méningite n’a été déclaré.
Cette molécule a transformé la prise en charge de l’hémoglobinurie nocturne paroxystique, le traitement est de l’ordre de 200 000 euros par ans, c’est sûr que ça fait cher… Mais les patients reprennent une vie normale avec une injection toutes les deux semaines.
Quant aux autres usages, on décrit des succès dans le SHU, le syndrome catastrophique des antiphospholipides ainsi que dans la maladie des agglutinines froides, des maladies qui font toutes intervenir le complément. Le coût de la molécule est un frein à son usage en particulier dans la dernière indication trop rare et souvent jugée pas assez grave pour oser poser l’indication de l’eculizumab hors AMM… Bien dommage quand on a un patient qui doit passer ses hivers cloîtré au chaud sous peine de finir à 6 g d’hémoglobine.
Le risque est réel, d’après les derniers chiffres d’Alexion, c’est quand même une multiplication par 1000 du risque de meningococcémie fatale. Il faut remarquer qu’à chaque fois les patients n’avaient pas d’antibioprophylaxie et qu’il y avait un retard à la prise en charge. Un risque réel mais maitrisable qui je suis d’accord ne doit pas freiner l’utilisation.
Pour le SHU le traitement est bien de 400000€ car les doses sont plus importantes que dans l’HPN.
Il est clair que le frein majeur est le prix. Il faut juste que les autorités de régulation discutent ferme. L’augmentation du nombre d’indications potentielles et donc de patients traités doit faire baisser le prix (pour avoir une idée une petite ballade sur clinical.gov est éloquente, plus de 20 essais en cours).
Les choses vont encore évoluer avec l’arrivée probable d’anticorps anti C3. Une époque excitante je vous dis.
Petite question de D2, quelle est la différence entre le SHU et le PTT? Il me semblait que la physiopath était la même mais que le PTT se présentait sous la forme d’une atteinte neuro tandis que le SHU sous la forme d’une atteinte rénale, est ce exact?
Sinon article très intéressant, merci beaucoup!!
Le SHU et le PTT sont caractérisés tous les deux par des lésions de microangiopathie thrombotique, une anémie hémolytique mécanique et une thrombopénie, l’atteinte d’organe prédominante est le rein pour l’un le cerveau pour l’autre. La physiopathologie est assez différente puisque dans le SHU c’est une pathologie de la régulation du complément alors que dans le PTT la cible soit d’une mutation soit d’Ac est une protéase ADAMTS13.
Pas seulement en Allemagne du nord, même s’il y a là le plus de cas, mais un peu partout y en a. Dans le Saarland où j’habite, il y a 5 ou 6 cas.
Ce matin, le nombre de mort est de 6 (pardon 7 le dernier chiffre actuel, le dernier cas est encore une femme – les reins) pour à peu prés 200 malades (les médias ne sonst pas trés précis là dessus).
La source est éventuellement trouvé: deux entreprises espagnoles de concombre et une troisième supconné et dont la marchandise est passé via le Danemark ou la Holande pour être vendu en Allemagne. Quel voyage pour des concombres. Je trouve seulement inhabituel que seul l’Allemagne soit touché et aucun pays par où la marchandise (concombre) est passé ou a poussé.
Fait est plus la moitié de la population ne mange plus de concombre, de tomate et de la salade cru – ces trois là auront beaucoup du mal à remonter la pente. 71% des personnes à partir de 60 ans na mange aucun légumes cru actuellement, alors que chez les 14 à 29 ans ce ne sont que 44% qui s’en passent pour l’instant.
Quand à l’Espagne, ces produit sont aussi regardé un peu de biais et le torchon fume entre les deux pays, car l’Espagne veut se déresponsabiliser et rendre l’Allemagne fautif, que la contamination vient de leur part. Je sens qu’ici, il y aura une mévente en légumes (de source nationale ou internationale).
Bon samedi
Merci pour ces informations, il y a des infos très détaillées et une MAJ régulière sur le site du Robert Koch institut
Une petite question: les femmes sont-elles moins résistante que les hommes devant cette maladie? Ou seulement le hasard (1H et 9 F)?
Les fraises locales se vendent difficilement (-50% en pleine saison) – les agriculteurs allemands commencent à craindre pour leur avenir. La situation n’est pas seulement critique médicalement, mais également écologiquement. Je me demande où cela et comment cela va se terminer.
Bonne soirée
Pas d’ explications, il faut plus d’ info pour conclure. Dans la forme atypique les femmes sont plus souvent atteinte que les hommes. Ici, on petit imaginer que les femmes ont une surface corporelle plus petite que celle des hommes et a intoxication egale, elles feront plus faciliteront la maladie, c’ est une hypothèse à évaluer. Je me doute que ce doit être la psychose.
Merci et bonne journée.
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