Je m’autoplagie, c’est interdit par les bonnes pratiques. Ce n’est qu’un blog, je dois pouvoir le faire, du moins je me l’autorise. La e-santé, la santé connectée nous promettent un monde meilleur. Nous nous soignerons sans médecin, sans effort, tout se fera facile, sans contrainte. Les appareils nous diront quoi faire, nous suivrons et tout ira bien. La santé de la population s’améliorera comme par miracle et sans peine. N’étant malheureusement pas croyant, je n’ai pas confiance dans le concept du miracle. J’avais déjà signalé les limites des gadgets pour prendre la pression artérielle, la nullité des appareils mesurant la production de calories.
La science vient encore de dégommer un appareillage, cette fois ci pour aider à la perte de poids. Voici le bidule en cause.
Le papier vient d’être publié dans un bon petit journal, le JAMA. Il est en accès libre, vous pouvez aller plonger dedans.
L’objectif du travail était simple. Est ce que l’utilisation d’un bracelet connecté mesurant l’activité physique et ce que vous mangez permet de maintenir la perte de poids obtenue en 6 mois, à 24 mois, chez des jeunes gens avec un BMI allant de 25 à 40. La méthodologie de ce boulot est impressionnante et difficilement attaquable. L’investissement qu’il faut pour faire perdre en moyenne 8 kgs à 470 jeunes américains est troublant. Vous devez lire le programme proposé. J’aimerai savoir combien ça a couté.
Le résultat est aussi simple que l’objectif. L’utilisation de l’appareil n’apporte strictement rien. Il pourrait être même néfaste.
SBWI: groupe standard, EWLI: groupe avec le bracelet.
A 6 mois, la perte de poids est équivalente entre les deux groupes, dès un an ceux portant un bracelet reprennent plus de poids que les autres. A 24 mois, il y a une différence de 2,4 kgs entre les deux groupes en défaveur du groupe gadget. Le reste du papier montre beaucoup de données qui n’expliquent pas cette différence.
Les rêves sont doux, les fait sont durs. Maigrir, quand on est obèse ou en surpoids, est une affaire sérieuse et importante. Nous ne devons pas la laisser à nos bidulex.
Cette histoire comme toute les autres dans ce domaine montre une chose. Nos décideurs, les leaders d’opinion, les médias qui nous bassinent avec les formidables promesses du numérique en santé doivent comprendre que nous devons absolument évaluer ces outils avant de les utiliser et de les promouvoir. Arrêtons de faire de la publicité à des machins qui n’ont jamais fait la preuve de rien. Exigeons des données avant de crier au miracle. Ici, je le rappelle le bracelet connecté est délétère. La reprise de poids est plus importante quand on l’utilise.
Si vous voulez perdre du poids, pas la peine de vous lester d’un bracelet connecté, mangez moins, soulevez des haltères, courrez, nagez, vous y arriverez avec de la volonté. Pour ne pas reprendre du poids, vous devrez changer vos habitudes plus profondément, c’est beaucoup plus difficile mais possible. Accrochez vous et ne croyez pas aux vendeurs de miracles. Les vrais soignants n’ont que de la sueur (bouger) et de la frustration (résister à la tentation alimentaire) à vous vendre. La satisfaction d’avoir atteint votre objectif quand vous vous regarderez le matin dans la glace vous récompensera. Plus tard, votre souffle et vos articulations vous remercieront.
J’ai le terrible pressentiment que d’autres notes de ce genre sont en préparation.
Certains pourront me répondre que la HAS vient de donner un avis favorable à ça. Je leur conseille d’aller voir l’ASA pour DIABEO et l’étude qui a permis d’avoir le remboursement. 6 mois d’expérimentation pour une maladie qui dure des dizaines d’années. Je ne nie pas l’intérêt mais des preuves un peu plus dures seraient bien venues.
Je déclare un lien d’intérêt. Je travaille sur un projet de bracelet connecté. J’aime bien tirer une balle dans le pied.
Bonjour,
Je vous remercie pour cette excellente recension.
Permettez que je resitue l’affaire dans le cadre plus général de la santé publique.
Les applications sont à la santé ce que la magic bullett est à la balistique : un mirage.
C’est aussi l’équivalent de la pilule du bonheur des années cinquante ou du soma du « Meilleur des Mondes ».
La santé est aussi une affaire individuelle, c’est à dire qu’il existe une autonomie, au sens illichien, du citoyen/futur ou déjà patient/futur ou déjà malade. Comme vous le dites, pour ne pas regrossir, il est nécessaire de « faire des efforts » mais pas seulement des efforts physiques, moins manger, faire de l’exercice, et cetera, aussi des efforts intellectuels pour comprendre ce qui fait qu’on pourrait maigrir ou ne pas grossir, et cetera. Or, la mode intellectuelle est d’affirmer que chacun peut faire ce qu’il veut et que la médecine y remédiera. La médecine ne peut donner que ce qu’elle a : les politiques publiques, la prévention, le soin aux personnes âgées et handicapées, sont le fait des services de santé, la pilule miracle (les statines pour les patients qui mangent trop, par exemple) sont le fait de la médecine, les conduites individuelles sont le fait des citoyens.
Mais il faudrait développer.
Bonne journée.
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