J’aime pas les QCMs, je le dis, je le répète et personne n’arrivera à me convaincre de l’intérêt de ce mode de contrôle des connaissances si ce n’est la simplicité pour le correcteur. La médecine s’apprend dans un dialogue entre savoir livresque et son application au lit du malade. Certains rêvent d’une médecine sans clinique, où une prise de sang et une IRM amèneraient au diagnostic sans erreur, le tout servi bien évidement par l’intelligence artificielle. Cet age arrivera peut-être. Il n’empêche que pour l’instant le diagnostic commence par l’interrogatoire qui bien souvent suffit. Sans la puissance de l’interrogatoire, nous ne pourrions pas donner d’avis téléphonique pertinents.
Je suis convaincu de l’importance d’un bonne apprentissage de l’examen clinique et en particulier de l’histoire de la maladie. Construire une belle histoire de la maladie demande de l’expérience, bien souvent dès cette étape le diagnostic est fait ou fortement suspecté, le reste viendra souvent conforter cette hypothèse. Dans notre monde bâti sur la recherche de preuves, ce bon sens parait totalement ringard pour ne pas dire désuet. Quand certains me disent: « est ce finalement si important qu’un étudiant en médecine apprenne l’examen clinique, donne moi des preuves. » Je suis un peu démuni.
Heureusement la lecture de Prescrire du mois, m’a fait découvrir un article excellent démontrant que la clinique est la source principale de diagnostic. Une équipe israélienne a recruté 442 patients rentrant par les urgences dans un service de médecine interne. Ils sont franchement malades et pas tout jeune (66,9 ans). Dans les 24 heures suivants l’admission, ils sont examinés par un interne en fin de cursus et un médecin expérimenté successivement, qui vont porter un diagnostic avec les éléments à sa disposition, en pratique l’examen clinique, de la biologie de base et la radiologie faite aux urgences. Le diagnostic est noté et mis dans une enveloppe cachetée. Il est aussi noté les éléments qui ont permis de faire le diagnostic, histoire de la maladie, examen clinique, biologie, autres paracliniques ou une combinaison. En moyenne après deux mois de suivi le diagnostic final est recueilli et comparé au diagnostic initial. Un interne examine un patient en 40 minutes contre moins de 25 minutes pour un sénior.
Les internes font le bon diagnostic dans 80,1% des cas contre 84,4% pour les séniors. Le bon diagnostic est concordant dans 73% des cas et mauvais de façon concordante dans 9,5%. La modalité diagnostique est présentée dans le tableau suivant.
L’histoire de la maladie est essentielle, seule elle permet le diagnostic dans 19% des cas, avec l’examen clinique on arrive à presque 60% des cas et si on ajoute de la biologie on arrive à plus de 90% des cas. Vous noterez que l’examen clinique seul est très peu rentable, et oui il faut parler au patient. La biologie seule aussi est très médiocre et la tant aimé radiologie n’apporte un diagnostic que dans 6% des cas.
Nous pouvons conclure sans nous tromper qu’en médecine interne post-urgence la clinique est la base du diagnostic. J’aimerai bien réaliser un travail de ce genre dans ma spécialité.
J’aime beaucoup cet article qui montre l’importance de la clinique pour arriver au diagnostic. En terme de formation ceci implique que l’enseignement de l’examen clinique, en particulier le recueil d’une bonne histoire de la maladie, est essentielle. Malheureusement l’ECNi n’évaluera jamais les compétences cliniques des étudiants, je trouve ça bien dommage quand on voit son importance dans la vraie vie du médecin.
Nous pourrons faire toute la docimologie hyper pointue que nous voulons, le seul juge de paix reste le lit du patient. Un bon médecin est un bon clinicien, du moins un écouteur et un poseur de questions sagace. Je garde cet article bien au chaud. Apprendre à interroger et à écouter les réponses demande du temps. Mon seul conseil à un étudiant en médecine voulant progresser:
« Bouffer du patient. »
Une petite chanson pour la route par Michael Wollny (piano) et Wolfgang Haffner (drums), un peu de virtuosité ça ne peut pas faire de mal.
[audio: https://perruchenautomne.eu/wordpress/wp-content/uploads/2017/07/12-Swing-Swing-Swing.mp3]
En EHPAD 80% de déments avec bien des difficultes a recuperer les dossiers et un interrogatoire peu contributif. Et concernant la clinique, comme disait le Pr Pfitzenmeyer « le vieillard est fourbe! ».
Alors on fait ce qu’on peut, quitte à se faire critiquer par tout le monde.
Vétérinaire c’est encore plus dur . Outre que nous ne traitons que de l’homo sapiens plus ou moins sapiens sapiens et eux une floppée, l’interrogatoire ….
Avant ce papier également entraperçu via Prescrire, je disais que le diagnostic c’est 90% d’interrogatoire et (selon l’humeur du jour) 40-60 % d’examen cilnique (je sais mais c’est par license pédagogique).
Merci pour cette publication ! Tu prêches aussi un convaincu. Je n’arrive pas, en médecine générale, à voir plus de 2 patients par heure. Et ne n’ai pas envie d’apprendre à le faire car j’aurais peur, un peu comme si je faisais du vélo à 40 Km/h dans Paris.
Une petite divergence : le fait que l’ECNI ne tiennent pas compte des qualités d’écoute et d’analyse n’est pas très grave, parce que les premiers nommés choisissent souvent des spécialités peu cliniques, et que les derniers sont affectés aux spécialités où l’interrogatoire et l’écoute sont importants.
Ce qu’il manque, c’est un élément qui permettrait un sélection sur des critères d’écoute pour l’entrée dans les études, et surtout l’exemple ! Voir la clinique et l’interrogatoire pratiqués à l’hôpital constituerait un exemple important. Déjà, pendant mes études il y a 40 ans, cette pratique devenait rare…
La néphrologie est une spécialité où l’écoute est importante, l’histoire de la maladie fait bien souvent le diagnostic. Nous suivons des patients au long cours en plus. Et elle est choisie plutôt parmi les premiers. Je pense qu’aucune spécialité n’est pas clinique.
Pour la clinique à l’hôpital, nous entrainons tout nos étudiants au moins trois fois avec le tuteur dans la chambre en les regardant cliniquer et en essayant de corriger les petits défauts. On nous prend souvent pour des fous. En plus nous faisons passer une clinique de fin de stage qui n’a rien d’une bouffonerie. On nous a suffisamment reproché de ne pas valider des étudiants que ne nous pensions ne pas avoir acquis les compétences suffisantes. DU coup on dit qu’on est méchant. Pour moi être méchant c’est laisser sortir des étudiants qui savent à peine interroger et examiner un patient. Il ne faut pas s’étonner du stress après quand ils sont internes. Pour lutter contre le stress et la peur savoir faire reste un bon moyen.
Je suis urgentiste et malgré le peu de temps par patient, tout mon temps est passé à l’anamnèse. Si je n’ai pas d’idée diagnostic après celle-ci je suis perdue. L’examen physique peu m’aider mais c’est souvent l’histoire qui m’oriente . l’expérience de mes 15 ans de pratique m’a confirmé cela a plusieurs reprises. Si j’ai rien après l’anamnèse comme hypothèse, je ne trouverai rien comme diagnostic quel que soit le nombre d’examens réalisés. Quand un étudiant me parle d’un patient et me raconte son histoire en 5 sec et l’examen physique en 10 min , je sais qu’il faut tout reprendre.
Deux minutes de la Tête au carré, écoutées presque par hasard le 21 septembre, avec retour ce jiour, m’ont « scotché » car concernant une thématique qui me tient à coeur. Depuis des années je vitupère contre les ECN, et encore plus depuis qu’elles se sont fourvoyées avec les QCM. Avec des collègues de Bordeaux nous avons analysé ces épreuves pour en dénoncer les limites, sinon la médiocrité ; ce fut l’objet d’un article dans la Revue du Prat de décembre 2016, et c’est l’objet, dans la même revue, d’un article qui sort cette semaine Revue du Prat vol 67, 716.
Heureux de trouver d’autres protestataires.