Un long poème d’Oscar Wilde, un texte d’une force immense, un plaidoyer contre la peine de mort, une réflexion sur nos comportements face à l’amour, la vie d’un prisonnier au XIXé siècle. Il faut lire ce petit livre d’une traite pour ne pas briser la musicalité de la poésie. Il faut le lire sans pause pour s’imprégner de la tension dramatique. Si Wilde n’avait écrit que cette ballade, il aurait été un immense auteur. Cette ballade appelle musique. Elle est déjà musique. La répétition de certaines strophes ou de certains vers renforce ce sentiment. Formellement, cette ballade est un modèle, son rythme vous hante après avoir lu la dernière ligne. Nous accompagnons le meurtrier dans ses remords, jusqu’à l’échafaud.
Ce poème est d’une richesse infinie. Il nous décrit l’horreur de la prison. L’enfermement de Wilde est d’une profonde injustice. Enfermé car il ne supportait plus l’hypocrisie de son temps. Enfermé car il avait eu le tort d’afficher son homosexualité dans la société victorienne. La dernière victime sera un autre génie dont nous fêtons le 100é anniversaire: Turing.
Une des plus belles strophes:
I never saw a man who looked
With such a wistful eye
Upon that little tent of blue
Which prisoners call the sky,
And at every drifting cloud that went
With sails of silver by.
N’est elle pas magnifique et horrible cette image du ciel comme une tente. Elle enferme les prisonniers dans la cour. Les nuages, voiles d’argent, narguent ces hommes dans la fange. Elle reviendra l’image de la tente bleue dans:
I never saw a man who looked
With such a wistful eye
Upon that little tent of blue
Which prisoners call the sky,
And at every wandering cloud that trailed
Its ravelled fleeces by.
Ici les nuages évoquent les moutons (la toison), image sacrificielle, image apaisante douceur, espoir de la douceur dans ce monde. Elle revient encore:
I never saw sad men who looked
With such a wistful eye
Upon that little tent of blue
We prisoners called the sky,
And at every careless cloud that passed
In happy freedom by.
La mort est passée, le meurtrier a été pendu. Nous passons au collectif. Chaque homme en se moment de deuil du camarade sacrifié par la société, rêve à la liberté du nuage.
Il y a cette magnifique image de la justice comme parricide tuant le faible ou le fort qui l’ont crée. Un argument d’une grande intelligence, comment accepter que la fille de l’homme, ce que chaque homme espère pour lui même, la justice, se retourne contre un membre de la communauté pour le sacrifier dans ce parricide monstrueux:
For Man’s grim Justice goes its way,
And will not swerve aside:
It slays the weak, it slays the strong,
It has a deadly stride:
With iron heel it slays the strong,
The monstrous parricide!
Il y a d’admirables vers sur l’angoisse de mort, en ce lieu clos et sordide qu’est la prison. Un texte puissant dérangeant, vrai.
Et enfin il y a ces deux strophes différentes juste par le premier vers:
Yet each man kills the thing he loves,
By each let this be heard,
Some do it with a bitter look,
Some with a flattering word,
The coward does it with a kiss,
The brave man with a sword!
And all men kill the thing they love,
By all let this be heard,
Some do it with a bitter look,
Some with a flattering word,
The coward does it with a kiss,
The brave man with a sword!
Ils sont terribles, inadmissibles et pourtant vrais. Ils sont inaudibles inacceptables et pourtant vrais. Que dire après? Wilde est un connaisseur de l’âme humaine. Il nous guide, nous explique ce que sont les sentiments humains, leurs ambivalences, leurs forces et leurs fragilités. Il explore la peur, le courage, l’amour, la mort. Une formidable ballade que ce texte, un des plus grand plaidoyer contre la peine de mort que j’ai lu.
Prenez du plaisir en le lisant, plaisir sensuel et intellectuel.
Votre sensibilité me touche beaucoup, autant que l’intelligence du message de Wilde… Merci !
il y a très lontemps, j’avais peut-être 12 ou 13 ans j’avais enregistré à la radio Georges Brassens disant ce poème d’Oscar Wilde « la ballade de REading » dans une traduction que je ne retrouve plus: le début : A Reading près la ville est une tombe d’infamie où gît un homme misérable que machoires de feu dévore…. » je ne me souviens que de ce début et je ne retrouve plus cette traduction qui me semble sublime
Si l’un d’entre-vous la connait ????
Merci infiniment de m’en donner les références
Patricia B R
Oui c’était une émission de Michel Lancelot sur Europe 1 avec Georges Brassens. J’ai trouvé une version française mais je ne sais pas si c’est celle que vous recherchez (envoi par mail possible)
Gilles Hervouët
Bonsoir Patricia,
Je découvre ce jour votre message… d’il y a 10 ans.
Je suppose que vous avez, depuis, découvert la référence. Mais je l’ai cherchée très longtemps moi-même car j’avais découvert, comme vous, avec émerveillement, le poème avec les mots lus par Georges Brassens. Si jamais vous n’aviez pas trouvé la référence… et que vous lisez mon message, n’hésitez pas à me la demander car, au terme de mes recherches, je pense l’avoir trouvée.
Bien cordialement
François
Je crois connaître la référence si vous la cherchez toujours
Pouvez-lire cette ballade et d’autres poèmes encore de poètes en prison :
http://brunodesbaumettes.overblog.com/po%C3%A8tes-de-l-ombre
merci de votre article
bruno des baumettes
Bonjour, j’ai depuis changer le lien de la page vers « POEMES PRISONNIERS » :http://brunodesbaumettes.overblog.com/08-poemes-prisonniers !!!!
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