Traitement de l’hyponatrémie

J’ai longuement parlé du bilan de l’eau, je vous ai donnée mon opinion sur les apports hydriques inconsidérés, je vous ai proposé un petit guide de survie pour explorer les anomalies de la natrémie, il me restait à achever ma tétralogie Eau par le traitement de l’hyponatrémie.

Cette note pourrait être très courte et se limiter à un seul message:

restriction hydrique.

Je vais un petit peu allonger la sauce en rajoutant de la flotte.

Les enjeux du traitement sont simples:

  • Agir vite quand les symptômes sont sévères.
  • Éviter de nuire.

Les symptômes sévères sont les troubles neurologiques, coma, crises convulsives. Ils apparaissent soit devant des hyponatrémies chroniques profondes, entre 100 et 115 de natrémie ou si l’hyponatrémie est brutale. Une natrémie >125 mmol/l est exceptionnellement responsable de symptômes graves sauf installation en quelques heures. Le contexte permet assez facilement d’identifier ces situations (hospitalisation et exposition à des solutés hypotoniques en grande quantité).

Pour mémoire:

distrib_remplissageDevant cette symptomatologie inquiétante, la natrémie doit remonter de 5 mmol/l rapidement. L’outil le plus simple est la perfusion de sérum salé hypertonique à 3%. Il faut réaliser une perfusion de 150 ml en 20 mn. Contrôler la natrémie et en fonction du résultat répéter la perfusion, jusqu’à amélioration de la symptomatologie ou correction de la natrémie de 5 mmol/l. Il faut garder une voie veineuse périphérique, idéalement à mon avis un cathéter obturé et surveiller. Si la symptomatologie ne s’améliore pas après une correction de 10 mmol/l de la natrémie, il faut chercher une autre cause aux symptômes.

La surveillance régulière de la natrémie pendant les 24 premières heures est capitale surtout si vous utilisez du salé hypertonique, toutes les 4 à 6 heures semblent un bon rythme.

Il ne faut pas corriger la natrémie de plus de 8 à 10 mmol/l/24 heures. Il faut impérativement respecter cette règle sous peine de voir une augmentation importante du risque de myélinolyse centro-pontine (la nuisance).

En dehors des situations avec symptomatologie neurologique grave, il n’y a jamais d’urgence à corriger une hyponatrémie, vous aurez toujours plus de risques que de bénéfices. Il faut comprendre pourquoi la natrémie est basse et adapter le traitement en tenant compte des entrées et des sorties.

hyponaLe plus simple reste la situation 3. Il faut juste traiter la cause et de façon symptomatique mettre les patients en restriction hydrique vraie en s’assurant qu’ils ont un apport alimentaire satisfaisant. La natrémie ne peut que remonter. Si vous avez un doute sur l’état d’hydratation du SEC (hypovolémie), perfuser 500 ml ou 1000 ml de sérum physiologique ou de ringer permet de trancher. Attention vous retombez alors dans la situation 2.

La restriction hydrique, c’est 500 ml d’eau de boisson tout compris. En pratique le café du matin compte pour 200 ml, les petites perfusions avec du G5 pour 125 ml, la tisane du soir pour 200 ml aussi et du coup plus d’apport possible… J’adore quand on m’appelle et qu’on m’assure que le patient est en restriction hydrique et que je découvre un garde veine de G5 d’un litre par jour… Ou entrant dans la chambre du patient, trois bouteilles de 1,5 litre d’eau… Ce n’est pas si facile à faire la restriction hydrique, il faut expliquer.

L’autre situation assez facile est la 4, il y a une surcharge hydrosodée et la restriction hydrique est encore ici de sortie avec la restriction sodée bien sur. Le risque de correction rapide comme dans le SIADH est rare.

La situation 1 est à risque de correction rapide. Il faut mesurer fréquemment la natrémie. Vous allez mettre votre patient en restriction hydrique. Il va uriner en grande quantité pour éliminer sa charge en eau et très vite corriger sa natrémie. Il faut bien surveiller les sorties (mesurer la diurèse est essentielle) et adapter les apports à ces dernières. Le plus simple est de les faire boire un peu moins que les sorties. Malheureusement, c’est souvent difficile et il vous faudra prévenir une remontée trop rapide de la natrémie (>8 mmol/l/24h) en perfusant du glucosé à 5%, qui correspond à de l’eau pure. Normalement en quelques jours le problème est réglé.

Enfin la situation la plus à risque est la 2. Il s’agit d’hyponatrémie associée à une déshydratation extra-cellulaire. Le grand classique est la prise de thiazidique. Ces patients ont une réabsorption d’eau inadaptée à l’osmolalité plasmatique mais adaptée à la déplétion volémique.

Diapositive2Rien de plus facile que de corriger la natrémie rapidement, vous perfusez avec du sérum salé isotonique. Vous corrigez l’hypovolémie, vous arrêtez la sécrétion d’ADH et les patients se mettent à uriner en grande quantité comme dans la situation 1. La natrémie peut se corriger très vite. Il faut être très prudent. L’évaluation de la diurèse est capitale. Il ne faut pas rater le moment où apportant du sel vous allez entrainer la polyurie liée à l’arrêt de la sécrétion d’ADH. Vous devez arrêter de perfuser du sel isotonique et choisir un soluté de remplissage qui sera le reflet du ionogramme urinaire. En pratique, du G5 avec dedans un peu de sel et de potassium, le débit reposera sur la quantification de la diurèse et les contrôles réguliers du ionogramme. L’objectif est de ne pas dépasser une augmentation de la natrémie de plus 8 mmol/l/24h.

Corriger une hyponatrémie est simple si on connait la physiologie rénale et un peu de physiopathologie. Il n’y a pas de recettes miracles. Il faut un mélange de théorie et de pragmatisme. La surveillance de la diurèse, du ionogramme urinaire et de la natrémie sont essentielles pour ne pas aller trop vite. Quand ça ne remonte pas, c’est que la restriction hydrique n’est pas suivi ou que l’apport osmotique n’est pas suffisant.

Pour des cas concrets je vous conseille la revue de stern nejmra1404489, ses supplementary data nejmra1404489_appendix et cette histoire de myélinolyse centro-pontine 1, 2, 3.

 

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5 réponses à Traitement de l’hyponatrémie

  1. Figonoir dit :

    Et sinon, vaptan ou urée? Perso, j’ai toujours pas compris l’intérêt des vaptans : uree pas cher, pas d’effet secondaire grave connu…

    • PUautomne dit :

      Pour les vaptans, je pense qu’ils n’ont pas de place dans l’urgence et qu’ils poseraient plus de problème que de bénéfice. Dans la prise en charge de certaines situations chroniques avec difficulté de la restriction hydrique ou dans certaines hyponatrémies de l’insuffisance cardiaque ou de l’insuffisance hépato-cellulaire, ils pourraient être utile. Le problème est que de toute façon pour le tolvaptan la prescription ne peut aller au delà de 30 jours (hépatotoxicité). Ils ne sont pas disponible en France et sincèrement je pense que c’est une bonne chose.
      Pour l’urée, ça marche, la seule limite est la tolérance digestive.

  2. Ping : Ne jamais corriger rapidement une hyponatrémie chronique, ne jamais corriger rapidement une hyponatrémie chronique | PerrUche en Automne

  3. GERBAL dit :

    Je cherche la référence biblio de la slide « Distribution des principales solutions IV »?
    Si par hasard vous l’aviez…
    Merci d’avance.

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