La principale cause de mortalité au cours de l’insuffisance rénale chronique est la pathologie cardio-vasculaire (CV). Le sur-risque de mortalité cardio-vasculaire peut être multiplié par 100 pour les individus les plus jeunes. De nombreux arguments plaident pour le rôle critique de molécules s’accumulant avec l’altération du débit de filtration glomérulaire. Ces molécules sont les toxines urémiques. Parmi les toxines urémiques, celles liés aux protéines, comme l’indoxyl sulfate ou le para-crésyl sulfate, ont le vent en poupe. Je vous conseille cette excellente revue par Raymond Vanholder.
Une nouvelle toxine de cette famille fait son entrée dans les molécules avec un potentiel prédictif de survenue des événements cardiovasculaires au cours de la maladie rénale chronique, l’indole-3 acetic acid (IAA). Il s’agit d’une petite molécule dérivée du métabolisme du tryptophane.
Elle est bien connue des botanistes car il s’agit d’une auxine ou hormone de bouturage.
Une équipe française vient de publier un article sur les effets de cette toxine urémique au cours de l’insuffisance rénale chronique (ASN.2013121283.full) dans la revue avec le plus fort impact factor en néphrologie, JASN. Les auteurs montrent dans une cohorte de patients (120) à différents stades de la maladie rénale chronique que le taux d’IAA prédit le risque de survenue de décès et d’événements cardio-vasculaires à deux ans, après ajustement à de nombreuses variables et en particulier le stade de maladie rénale chronique. Ce qui veut dire qu’à niveau d’insuffisance rénale chronique identique si vous avez un taux d’IAA élevé (>3,73 µmol/l) votre risque de mortalité et de complications CV est plus important. Il s’agit de la première toxine urémique à présenter cette caractéristique. Elle rejoint l’indoxyl sulfate comme prédicteur de mortalité et si on croit ces auteurs le dépasse. Il faut noter que des contrôles sans insuffisance rénale ont un taux d’IAA supérieur à la médiane des IRC (3,73 µmol/l). Il n’y a malheureusement pas de données sur la survenue d’événements dans ce groupe. L’IAA pourrait avoir des effets chez les patients sans maladie rénale chronique. Il serait très intéressant de voir dans une grande cohorte de patients sans IRC si l’IAA a un potentiel prédictif sur les événements cardiovasculaires comme le TMAO par exemple. Je vous rappelle que récemment une équipe australienne à montrer que des augmentations même faible d’IS ont un impact vasculaire.
Après cette importante partie clinique, les auteurs proposent un mécanisme expliquant la toxicité de l’IAA sur le vaisseau. Ce groupe avaient montré l’année dernière que l’IS et l’IAA étaient des agonistes d’un facteur de transcription, AHR, le récepteur à la dioxine. Il montre par des travaux in vitro sur la cellule endothéliale que l’IAA est bien un agoniste d’AHR, qu’il va activer l’expression de la cyclo-oxygénase 2 (COX2), la production de prostaglandines pro-inflammatoires et augmenter la production de ROS. Ils montrent que la voie activée est non génomique passant par l’activation de p38 et des MAPK. L’inhibition d’AHR réduit la production des ROS induite par l’IAA et la production de COX2. Les auteurs proposent que l’augmentation de la mortalité associée à l’accumulation d’IAA est due à une dysfonction endothéliale secondaire à l’activation d’AHR par ce métabolite du tryptophane. Ils apportent de nouveaux arguments liant AHR et pathologie cardiovasculaire.
En résumé, l’IAA a un impact clinique et la cellule endothéliale pourrait être la cible expliquant les complications cardiovasculaires. L’IAA est proinflammatoire et prooxydant. Il reste à démontrer que la diminution de son taux circulant va prévenir les complications cardiovasculaires. Ceci est une autre histoire.
Cet article est important dans le domaine de l’insuffisance rénale chronique. Il identifie une nouvelle toxine avec un impact clinique, il confirme l’importance d’AHR comme médiateur des effets des toxines dérivées du tryptophane et il propose une voie d’intervention thérapeutique. Il est d’autant plus intéressant qu’il combine recherche clinique et recherche fondamentale, en apportant une dimension mécanistique à un domaine qui est souvent uniquement descriptif.
L’IAA pourrait être une vasculotoxine d’avenir. Nous attendons la confirmation des données de ce groupe par d’autres.
Note écrite avec l’aide de l’immense GSC.
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